Gérard Depardieu ou les compulsions incontrôlables d’une personnalité controversée : de Freud aux neurosciences, découvrez pourquoi nos comportements échappent à la raison et ce que cela révèle sur notre inconscient.
Tant que nous ne faisons pas objectivement de mal aux autres, devons-nous être jugés ?
Aujourd’hui, notre sujet n’est pas la boulimie, mais les compulsions incontrôlables dont nous allons vous parler. Les pulsions contrôlables sont parfois aussi de l’ordre de la pensée. Il y a des réflexes de pensée incontrôlables tout autant que des comportement parfois incontrôlables. Prenons celles d’un personnage public, très talentueux dans son art et très amoral dans ses actes. Beaucoup d’entre nous ont été choqués par la façon dont il parlait des femmes, de leur sexe, et surtout de cette adolescente sur son cheval évoquée dans une vidéo largement diffusée sur internet et à la télévision. Avec un air lubrique, il disait l’imaginer jouissant sur son cheval, alors qu’il s’agissait simplement d’une adolescente.
Pourtant du point de vue de la philosophie, de la psychologie, ou encore qu’on s’intéresse aujourd’hui à la neuro-imagerie, on doit admettre que sur certains points, Freud avait raison : nous ne savons rien, nous ne comprenons rien. La vie et les comportements humains sont bien trop complexes pour être réduits à de simples interprétations.
Par exemple, sortons du cadre de l’addiction alimentaire et penchons-nous sur l’addiction de Gérard Depardieu au sexe. Les médias nous ont montré cet acteur de grand talent sous un angle qui n’est pas à son honneur. Le langage et les certains gestes de Gérard Depardieu choquent. Mais agit-il avec toute sa raison ?
Allez savoir s’il n’est pas pris dans une compulsion incontrôlable, une idée fixe qui revient constamment et ne le lâche pas. Après tout, nous avons tous quelque chose qui cloche, un élément que nous essayons de dissimuler, dont nous avons honte. Pour lui, il semble que cette compulsion incontrôlable soit une fixation sur le sexe féminin. Il a comme une idée fixe, un TOC qui le dépasse.
Il est évident qu’il n’a pas intérêt à tenir de tels propos ni montrer son obsession. Il le sait, il est intelligent. Pourtant, cette compulsion incontrôlable semble plus forte que lui, comme si elle dirigeait ses paroles malgré lui. Cela divise, cela choque, surtout à une époque où le féminisme prend une place centrale. Mais choisissons-nous nos idées fixes ? Choisissons nous nos pensées et nos actes ? Parfois, nous aimerions les garder pour nous, mais nous n’y parvenons pas.
Dans un groupe de parole où plusieurs personnes se rassemblent régulièrement pour parler de ce qui leur arrive dans leur vie quotidienne et avoir le point de vue des autres afin de regarder les choses de plus haut, il y a une jeune fille absolument sublime. Un visage magnifique, un corps parfait. Elle évoque Catherine Deneuve à l’époque des Parapluies de Cherbourg. Cette jeune fille est depuis peu prisonnière d’une compulsion incontrôlable. Elle passe son temps à regarder le bout de son nez, convaincue qu’il bouge ou s’allonge légèrement, que sa bouche se déforme. Elle demande très souvent si les autres du groupe voient la même chose.
Et ils lui répondent régulièrement que non, qu’elle est sublime, que son nez et sa bouche sont parfaits. Elle se calme pour un moment, parfois pour une journée, mais au groupe suivant elle recommence. Sa compulsion incontrôlable, heureusement, ne dérange qu’elle-même. Mais pour elle, cela est insupportable, au point qu’elle envisage parfois le pire. Quand elle n’a pas encore posé la question, son visage est triste, sombre. Et quand quelqu’un lui demande ce qui ne va pas, elle reparle de son nez et de sa bouche avec beaucoup d’anxiété. Les autres lui répondent sérieusement, avec empathie que son nez et sa bouche sont sublimes. Elle s’apaise pour un temps. Parler et la réponse des autres lui a fait du bien. Mais à chaque groupe elle demande toute gênée si elle peut reposer la question à propos de son nez et de sa bouche.
Gérard Depardieu ne semble pas gêné du tout de déranger les gens avec certains de ses gestes et propos. De son point de vue peut-être n’y voit-il aucun mal, contrairement à la jeune fille du groupe. Il semble avoir un tempérament qui n’a pas peur de choquer, peut-être persuadé qu’il ne fait aucun mal.
Joyce McDougall, dans ses écrits, explique que « l’humain est bien plus souvent l’esclave d’une solution que le maître de ses choix ». Les compulsions, qu’elles soient sexuelles, physiques ou psychologiques, sont souvent des stratégies inconscientes pour survivre à des blessures enfouies. Peut-être que pour Gérard Depardieu, cette compulsion incontrôlable est une manière d’exprimer quelque chose qu’il ne comprend pas lui-même. Comme Freud l’a souligné, l’inconscient est un territoire mystérieux qui nous échappe et guide nos actions à notre insu.
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Aujourd’hui, la neuro-imagerie confirme ce que la psychanalyse et la philosophie pressentaient depuis des siècles. Notre cerveau ne capte pas la réalité telle qu’elle est. Les informations que nous recevons — ce que nous voyons, entendons, ressentons — passent toutes par des filtres émotionnels et cognitifs. Cela veut dire que notre perception du monde est toujours une reconstruction.
Antonio Damasio, célèbre neuroscientifique, a montré que notre cerveau intègre des émotions, des souvenirs et des biais inconscients dans chaque décision ou interprétation que nous faisons. Par conséquent, ce que nous prenons pour une « réalité objective » n’est souvent qu’une projection subjective.
Quand Gérard Depardieu parle de sexe, ou quand cette jeune fille fixe son nez avec obsession, cela nous semble absurde ou disproportionné. Mais leur cerveau, dans son fonctionnement interne, obéit à des circuits profondément enracinés. La neuro-imagerie a prouvé que certaines zones du cerveau, comme le cortex préfrontal ou le système limbique, sont impliquées dans les compulsions. Ces circuits se déclenchent parfois sans que nous en soyons conscients. Selon Freud : « Nous sommes souvent guidés par des forces que nous ignorons. »
Ce que les neurosciences nous disent aujourd’hui, la philosophie nous l’enseigne depuis toujours : nous ne pouvons pas tout comprendre et il est possible que la seule chose que nous puissions comprendre et que nous ne pouvons pas comprendre.
Joyce McDougall, une psychanalyste qui s’est penchée sur le phénomène de l’addiction, rappelait que « l’humain est bien plus souvent l’esclave d’une solution que le maître de ses choix ». Ainsi, qu’elles soient verbales ou comportementales, ces compulsions traduisent une forme d’expression qui permettent d’échapper à l’ennui, à l’angoisse ou à la dépression