Quel traitement pour l’addiction?
Quand on abuse d’un produit pour vivre (alcool, drogue, tabac, nourriture) il s’agit d’une addiction. Pourquoi devient-on addictif ? Pourquoi le sevrage ne suffit-il pas ?
Quand on abuse d’un produit pour vivre (alcool, drogue, tabac, nourriture) il s’agit d’une addiction. Pourquoi devient-on addictif ? Pourquoi le sevrage ne suffit-il pas ? Comment s’en sort-on ? Pour la psychanalyste Joyce McDougall, l’addiction est solution employée par l’inconscient pour supporter la douleur psychique
(La Revue Française de Psychanalyse de mai 2004 (Addiction et Dépendance, Tome LXVIII). Tout le monde a tendance à utiliser la conduite addictive, par moment, pour fuir des vécus difficiles. Quand des évènements internes ou externes dépassent notre capacité habituelle de contenir et d’élaborer les conflits, nous avons tous tendance à manger, boire, fumer, plus qu’à l’ordinaire, prendre des médicaments ou bien à nous jeter dans des relations sexuelles ou autres comportements à la recherche d’un état d’oubli provisoire.
Quand l’addiction est la seule solution
Là où cela pose problème, remarque Joyce McDougall, c’est lorsque l’addiction est quasiment LA SEULE solution dont le sujet dispose pour supporter la douleur psychique.
{xtypo_quote_right}L’Addiction est une solution pour échapper à la douleur mentale. Elle n’a pas pour but de se faire du mal mais permet d’atténuer des états affectifs intolérables.{/xtypo_quote_right} L’«Addiction» vient du latin addictus qui se réfère à une coutume ancienne par laquelle un individu était donné en esclavage. Pour elle, une personne qui est sujette à l’addiction est «l’esclave d’une seule solution pour échapper à la douleur mentale». Le but profond de l’addiction n’est pas de se faire mal. Qu’il s’agisse du tabac, de l’alcool, des opiacés, du sexe, de la boulimie ou d’autre chose, l’addiction est investi de qualités bénéfiques dans la mesure où elle permet, à tout moment, d’atténuer des états affectifs intolérables. Elle vise la décharge rapide de toute tension psychique, que celle-ci vienne de l’intérieur de soi ou de l’extérieur. Contrairement au concept de «toxicomanie» qui induit un «désir maniaque de s’empoisonner», et en dépit des symptômes morbides qu’elle provoque souvent, l’addiction est la quête d’un plaisir ou simplement d’un appaisement. Elle est un analgésique, une réponse à une souffrance psychique du passé, «une tentative enfantine de se soigner».
La boulimie me rassure
Une jeune fille écrit sur le forum de boulimie.fr : «En fait je me rends compte en réfléchissant que j’ai très peur de ne plus être boulimique. J’en ai envie, je pense comme vous, mais quelque part c’est rassurant. Ce trouble me coupe du reste du monde, de la société, et des angoisses. Un problème? une crise. Une joie? une crise. C’est un peu comme si la boulimie me permettait de ne pas faire face aux problèmes de la vie.
Arrêter la boulimie ça m’effraie. Cela signifie, peut être à tort, de ne plus avoir de refuge si j’ai un souci, de devoir m’ouvrir aux autres en cas d’angoisses, et surtout d’accepter d’être ce que je suis et de ne plus jouer de rôle avec moi et avec mes amis».
A ce message une autre jeune fille répond : «Je comprends ce que tu dis. J’ai réalisé il y a peu de temps que l’addiction à la nourriture est aussi pour moi un moyen de vivre, d’accepter de vivre, de ne pas sombrer dans une grande dépression. Sans ce recours, ô combien déplaisant pourtant et dévalorisant, j’irais encore plus mal. C’est ma manière d’apaiser mes angoisses (sociales, professionnelles, familiales…), une sorte de soupape pour simplement continuer à vivre.»
Quelle thérapie pour l’addiction ?
La thérapie ne sera pas la même selon que l’addiction est la réponse à une angoisse de type névrotique ou à des angoisses plus sévères. Lorsqu’elle correspond simplement à une angoisse névrotique il est possible assez facilement d’aider la personne à mobiliser ses ressources pour trouver d’autres réponses que l’addiction à son angoisse. Cela explique que certaines personnes peuvent réussir à vaincre leur dépendance à l’alcool, aux drogues, au tabac ou à la nourriture avec des methodes relativement «soft», AA (Alcooliques Anonymes) ou OA (boulimiques anonymes) ou une thérapie individuelle traditionnelle.
En revanche, lorsque l’addiction couvre une dépression, une terreur de se trouver devant le vide, ou lorsqu’elle est une tentative de réparer une image narcissique endommagée, lorsqu’elle est LA SEULE solution pour échapper à la douleur mentale, il faudra, pour la déloger, une approche thérapeutique particulièrement encadrante et adaptée faite de séances longues, de mises en situation et d’apprentissage relationnels qui permettront de finaliser la construction de la personnalité (cf. la rubrique «thérapies» de ce site).
Autrement dit, quand on est névrosé, c’est à dire lorsque l’on a une structure psychique de base relativement équilibrée (Freud remarquait que tout le monde est plus ou moins névrosé), toutes les thérapies peuvent être envisagées avec succès. Par contre, quand on a depuis la petite enfance un fond de terreur existentielle ou une image narcissique endommagée et que l’addiction resprésente la seule fonction équilibrante pour le sujet, la thérapie devra être plus intensive, plus encadrante parce qu’elle ne consistera pas seulement à réaménager mais à construire les fondations de l’identité du sujet.
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