Je n’avance qu’avec des « il faut que »

Les personnes boulimiques, comme toutes les personnalités addictives en général, ressentent au fond d’elles-mêmes un vide qui fait qu’elles ont beaucoup de mal à se mettre en mouvement. Dans la vie sociale, ou pour s’occuper des autres, elles n’ont généralement pas de problème, mais quand il s’agit d’elles-mêmes, elles sont comme des bébés perdus dans un monde trop difficile. L’addiction (alcool, drogue, nourriture etc..) et l’action sont les seules choses qui leur permettent de tenir le coup et tout est contrainte quand elles ne se sentent pas « prises en charge » par quelqu’un de nourricier.

Quand on n’est pas soi-même vraiment, on s’oblige à faire des choses pour se sentir exister. Par contre, quand devient vraiment soi-même, il suffit de se sentir dans sa peau pour se sentir bien, même en en faisant rien. « Le mois passé a été très difficile », explique Marie-Christine. J’ai tendance à toujours tout remettre au lendemain jusqu’à ce que j’ai plein, plein, plein de choses à faire et je me retrouve avec une angoisse énorme devant la masse des choses à faire. Et là, en début de semaine je me suis dit que le seul moyen de tuer l’angoisse était l’action. J’ai fait une petite liste des choses à faire et je m’y suis mise. Je n’ai pas tout fait, parce qu’il y avait beaucoup de choses, mais j’en ai fait quand même une bonne partie. C’était toutes sortes de choses, comme re-contacter des gens ou résoudre des problèmes administratifs, ranger mon placard ou simplement aller acheter des choses dont j’avais besoin. En fait toutes les petites choses que je n’arrêtais pas jusque-là de repousser.

Les personnes addictives ont besoin d’être « prises en charge »

Ce qui me déçoit et qui fait que j’ai un poids aujourd’hui en en parlant c’est de me rendre compte que cela ne m’a pas apaisée. J’ai le sentiment que la vie c’est tout le temps un ensemble de choses à faire, que devant toutes les actions de ma vie, il faut mettre un « il faut que ». Je n’arrive pas à me débarrasser de ce poids, de ce sentiment que chaque jour, quand je me lève, c’est « il faut que ». Il faut que je fasse ci, il faut que je fasse ça.

Il y a des périodes où je lève un peu le pied, où c’est moins pesant : quand je ne suis pas chez moi. Par exemple, lorsque je suis partie avec mon copain – en camping – débarrassée du quotidien. Et là, c’était plus facile, je me sentais prise en charge, je n’avais qu’à suivre le mouvement.

Marie-Christine explique très très bien ce que ressentent les personnalités addictives qui mettent systématiquement un « il faut que » devant à peu près toutes les actions de leur vie. Cela ressemble un petit peu à ce qui se passe dans la dépression, mais contrairement aux personnalités dépressives, les personnalités addictives réussissent à aller bien quand elles se sentent « prises en charge ».

De « il faut que » à « j’ai envie de »

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les personnes boulimiques, réussissent à ne pas avoir de boulimies quand elles sont au début d’une histoire d’amour ou au début d’une nouvelle thérapie. Elles ont alors l’illusion qu’elles sont enfin prises en charge et l’addiction boulimique peut alors s’arrêter un moment… jusqu’à la désillusion, où tout redevient contrainte dès qu’elles n’ont plus ce sentiment d’être « prises en charge ».

Mais avec du travail, en s’impliquant dans une thérapie bien ciblée sur les troubles de la personnalité, et avec de la patience, les « il faut que » se transforment une jour en « j’ai envie de ».

Marie Christine se rend compte, d’ailleurs, qu’au bout de huit mois de thérapie elle a déjà franchi une étape. Elle se sent plus autonome, moins redevable, moins dans le besoin de séduire à tout prix.
« Ce qui est nouveau, depuis le début de la thérapie, c’est d’avoir réussi à me sentir plus légère chez des amis lorsque je ne suis pas seule avec mon copain. Avant les groupes, cette légèreté n’aurait pas existé. Et cette fois, je me sentais moins devant produire quelque chose, je ne me sentais pas redevable dans l’échange, pas obligée d’être bien, d’avoir à discuter à tout prix, d’avoir à être gaie etc. J’acceptais plus facilement le fait d’être timide. Je me disais que c’était mon droit et que je ne devais pas me forcer à être ce que je n’étais pas »

Plus Marie-Christine avancera en thérapie, plus elle deviendra elle-même et plus la vie prendra sens pour elle, comme nous l’explique à son tour Sandrine dans le témoignage vidéo de ce mois de novembre. Sandrine, elle aussi, vivait tout le temps avec des  » il faut que « . Avec la thérapie, elle a trouvé sa place, s’est  » posée  » et nous explique que maintenant, elle n’a plus besoin de se mettre en mouvement pour se sentir exister.

Conclusion 

La boulimie, ainsi que d’autres formes d’addictions, est souvent un mécanisme de gestion de l’angoisse et du vide intérieur. Les « il faut que » deviennent un cri de l’âme, cherchant à combler ce vide par l’action et la contrainte, surtout lorsqu’on ne se sent pas « prises en charge ». Marie-Christine et Sandrine, à travers leurs témoignages, nous montrent qu’il est possible de transformer ces obligations auto-imposées en désirs authentiques grâce à une thérapie ciblée et un travail sur soi. Le chemin vers l’autonomie émotionnelle et le bien-être intérieur est parsemé de défis, mais avec le soutien adéquat et une compréhension profonde de soi, les « il faut que » peuvent évoluer vers des « j’ai envie de ». C’est un parcours vers la découverte de soi, où l’acceptation et le lâcher-prise remplacent la contrainte et l’auto-exigence, ouvrant la voie à une existence plus sereine et épanouissante.

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