Boulimie, une addiction très discrète

Boulimie Octobre 2011

Boulimie, une addiction très discrète

Jusqu’à présent on pensait que l’addiction naissait du corps qui réclame. On supposait que les toxicomanes ou les alcooliques étaient tombés dans la drogue ou l’alcool, d’abord pour essayer, puis…

Boulimie, une addiction très discrète

Ecrit par , psychologue clinicienne

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Boulimie Octobre 2011Jusqu’à présent on pensait que l’addiction naissait du corps qui réclame.
On supposait que les toxicomanes ou les alcooliques étaient tombés dans la drogue ou l’alcool, d’abord pour essayer, puis, face au plaisir ressenti, ils auraient renouvelé l’expérience, de plus en plus souvent – notamment en raison de la formation d’une accoutumance, qui fait qu’une dose toujours plus importante de produit est nécessaire pour ressentir les mêmes effets –, créant une habitude conduisant à une dépendance ne permettant plus physiquement de se passer de la substance.

L’existence de bénéfices secondaires, souvent « magiques », complique le problème.  Ceux-ci apportent la sensation de ne pas avoir de limites, de pouvoir faire ce qu’on veut quand on veut, de s’installer dans une sorte de « je m’en foutisme  » insouciant. Déchiré, bourré, défoncé, « foncedé », sans limite, on accède à la légèreté de ne penser enfin à rien ou du moins de ne plus se sentir parasité par le ressassement des pensées négatives.

Les « addicts » ont en effet, quand ils ne sont pas « chargés », des pensées « plombantes », contrairement aux non-addicts qui, lorsqu’ils pensent, peuvent rester légers, parce qu’ils pensent dans le sens de leur liberté.

En réalité, cet usage exclusif, abusif et monomaniaque, qui semble obéir à un besoin inconscient et va à l’encontre de la volonté consciente, conduit généralement à un esclavage destructeur et appauvrissant, même s’il est vrai que dans certains cas il peut aussi  modifier, libérer et enrichir la perception, permettant ainsi de stimuler la création, artistique notamment (tel l’usage des substances qu’ont fait de nombreux penseurs ou artistes, de Gérard de Nerval à John Lennon, en passant par Sigmund Freud ou Ernest Hemingway).

Aujourd’hui on s’intéresse également de plus en plus aux addictions qui ne sont pas liées à une substance mais à un comportement : jeu, sexe, téléphone mobile, internet, réseaux sociaux, etc.

En réalité, cet usage exclusif, abusif et monomaniaque, qui semble obéir à un besoin inconscient et va à l’encontre de la volonté consciente, conduit généralement à un esclavage destructeur et appauvrissant, même s’il est vrai que dans certains cas il peut aussi  modifier, libérer et enrichir la perception, permettant ainsi de stimuler la création, artistique notamment (tel l’usage des substances qu’ont fait de nombreux penseurs ou artistes, de Gérard de Nerval à John Lennon, en passant par Sigmund Freud ou Ernest Hemingway).

Aujourd’hui on s’intéresse également de plus en plus aux addictions qui ne sont pas liées à une substance mais à un comportement : jeu, sexe, téléphone mobile, internet, réseaux sociaux, etc.

Mais qu’il s’agisse d’une addiction à une substance ou à un comportement, le prix à payer augmente de plus en plus, au fil du temps, pour des bénéfices secondaires de moins en moins présents. La souffrance devient alors telle que l’ « addict » est poussé régulièrement à vouloir « décrocher ».

Il y parvient habituellement grâce à un sevrage, mais la plupart du temps surviennent des rechutes, faisant suspecter un mécanisme plus compliqué qu’il n’y paraît.

En effet, ne devient pas « addict » qui veut. Sauf cas particuliers, les chercheurs aujourd’hui pensent de plus en plus à une prédisposition d’ordre génétique, à laquelle s’ajoute un facteur environnemental et psychologique : l’addiction est alors le « médicament » qui sert à combler un vide et/ou échapper à une douleur mentale. Comme le dit une jeune fille prénommée Marie dans une lettre qu’elle a écrite1 pour expliquer ce qu’elle vivait lorsqu’elle était boulimique :

« Pour ma part, à vingt ans, plus rien n’a compté que manger. Quand j’ai commencé à devenir boulimique, je ne me suis pas demandé pourquoi ni comment ça avait pu m’arriver. D’ailleurs ce que je vivais n’avait pas de nom. C’était un réflexe de survie pour continuer à vivre cette vie où tout prenait en même temps un sens et son contraire. Être aimée et ne pas se sentir aimée, vouloir dire non et s’entendre dire oui à la place. Ne pas avoir envie, mais le faire quand même. Marcher et se sentir paralysée. Respirer et s’asphyxier en même temps. Apprendre et oublier dans le même instant. Je me sentais si mal, bonne à rien, si inutile face à ces contradictions perpétuelles, comme si j’étais en permanence à côté de la vie sans pouvoir jamais y prendre ma place. Que faire face à ce vide d’existence. Se remplir, vite et bien, je dirais, engloutir des monceaux de nourriture, tout ce qui me tombais sous la main, qui me donnait instantanément la sensation d’être simplement vivante. »

Parfois, le problème psychologique est passager : adolescence difficile, divorce, échec ou même réussite aux examens… Tout choc émotionnel peut faire perdre pied momentanément, au point de faire chercher refuge dans l’alcool, la drogue, les médicaments ou un comportement autodestructeur. Quand la difficulté est résolue, la personne parvient généralement à se sevrer elle-même. Lorsqu’elle n’y parvient pas, l’apport d’un soutien médical et psychologique procure habituellement la guérison

Quand le problème psychologique n’est pas momentané, les rechutes sont le plus souvent systématiques, de sorte que la personne va de sevrage en sevrage, sans jamais s’en sortir définitivement.

Il existe une forme d’addiction qui n’est ni liée ni à un phénomène d’accoutumance physiologique, ni à des circonstances psychologiques occasionnelles (même si ces dernières peuvent avoir servi de déclencheur), mais à un problème mental complexe touchant la relation avec soi-même et avec les autres depuis le début de la vie. Cette forme d’addiction nécessite une révision totale de la personnalité.

A la réflexion il y a un point positif à la souffrance. Les personnes totalitaires qui ont besoin que les autres pensent et fassent comme elles et qui malgré cela se sentent relativement bien dans leur peau, n’ont certes pas de grandes souffrances dans l’instant, mais ne pourront pas, sur la longueur, ne pas souffrir de l’histoire qu’ils ont eue avec les autres. Elle ne sera pas harmonieuse : ils s’imposent aux autres et il arrivera un moment où la vie relationnelle leur sera difficile.

Je n’en fais bien sûr pas une généralité, mais à ceux qui souffrent aujourd’hui, j’ai envie de dire qu’avec beaucoup d’authenticité, d’obstination et de travail, ils pourront sans doute profiter de la vie d’une manière dont ils n’osent même pas rêver.

C’est le cas de la boulimie-anorexie.

Catherine Hervais

1. Témoignage vidéo du documentaire Boulimie et Thérapie visible sur boulimie.fr, extrait n°4.

Catherine Hervais

Fin de l’article

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