L’amour fusionnel est-il appétissant ?
Marie Eve, une internaute très présente sur le forum de boulimie.fr a eu envie de se pencher sur la vie de la femme la plus séduisante de tous les temps
Marie Eve, une internaute très présente sur le forum de boulimie.fr a eu envie de se pencher sur la vie de la femme la plus séduisante de tous les temps, Marilyn Monroe, pour parler des aspects dépendants de sa personnalité,
sa manière de compenser avec des addictions (alcool, amphétamine, nourriture).{xtypo_quote_right}Marilyn voulait puiser chez l’autre la vie qu’elle ne sentait pas en elle.{/xtypo_quote_right}et montrer que dans sa vie privée elle n’était pas aussi séduisante que devant l’objectif des photographes.
« Malgré son irrésistible beauté, sa célébrité et sa réussite, Marilyn n’était pas autonome. Elle l’était financièrement, mais elle croyait, comme toutes les personnalités dépendantes, que son bonheur dépendait d’autrui. Elle attendait de l’autre qu’il la rende vivante. Cette attente est-elle réaliste ?
Et si elle semble l’être au tout début de la passion amoureuse, qu’en est-il dans la durée ? Peut-on combler son/sa partenaire et être comblé(e) par lui/elle lorsqu’on le/la place au centre sa vie ? Peut-on désirer ce que l’on a à sa portée de façon permanente. Le désir ne nécessite-t-il pas un minimum de distance et la distance n’est-elle pas favorisée par la sensation que l’autre est libre et autonome. Si l’on s’offre sans réserve, si l’on est toujours en demande, l’autre peut-il ne pas se sentir étouffé ? L’amour fusionnel laisse-t-il une place au désir ? .
Ses amours étaient toujours compliqués
En ce qui concerne Marilyn, ses amours étaient toujours compliqués. A la fin de sa vie, bien que surexposée médiatiquement, elle était isolée. Sa vie amoureuse fut jalonnée de ratages, de mariages malheureux et de divorces. Comment s’y prenait-elle pour dégoûter systématiquement les hommes qu’elle aimait ? La star la plus glamour de tous les temps était-elle « pot-de-colle » ? Se transformait-elle en « monstre » insatiable quand elle était amoureuse, au point de faire fuir les hommes qu’elle aimait ? Arthur Miller, son mari écrivain, confia sa stupeur de découvrir une jeune femme dépendante, qui semblait n’avoir que lui dans sa vie. Son premier mari, Jim Dougherty, la voyait désespérée quand il lui annonçait une absence. «C’était comme si une force destructrice la frappait très fort. Elle voulait quelque chose, quelqu’un, à garder tout le temp» confia-t-il à une journaliste de l’époque.
Bien sûr, à y regarder de près, Marilyn avait de bonnes raisons de se sentir abandonnée. Une mère insécurisante et des foyers d’adoption lui ont laissé une peur insurmontable de se retrouver seule. Le producteur de son dernier film disait d’elle : «Nous connaissons tous l’anxiété, la tristesse, le chagrin, mais là, c’était de la terreur pure et simple»..
Marilyn ne cachait pas son côté enfant effrayé, elle en faisait même un atout de charme. Mais dans la relation amoureuse, elle devenait vite trop envahissante au point que les hommes ne voyaient en elle qu’une enfant à materner et non une partenaire de jeu. Belle, intelligente et talentueuse en apparence, elle se transformait en pauvre petite fille insatiable, ce qui la rendait vite insupportable. En 1956, parti à Reno régler son divorce d’avec sa première femme, Arthur Miller rapporta que Marilyn, supportait mal leur séparation, l’appelait plusieurs fois par jour. Au cours d’un appel, elle lui déclara : « je ne veux plus de ça, «Daddy » je ne veux pas lutter seule, je veux vivre avec toi à la campagne et être une bonne épouse. ». Se rendait-il compte alors que lorsqu’elle l’appelait Daddy c’était au premier degré ?
Vivre avec Marilyn était un travail à plein temps
Beaucoup de conjoints amoureux de personnes boulimiques, lorsqu’ils découvrent la personnalité dépendante de leurs compagnes, ne se sentent pas capables de les prendre en charge et de combler tous leurs besoins. Ils finissent par s’épuiser à la tâche. Ce fut le cas de la plupart des maris et amants de Marilyn. Ils abandonnèrent en découvrant la « voracité » enfantine de la jeune femme. Ceux qui endossèrent l’armure étincelante du chevalier « sauveur » finirent par capituler. Vivre avec Marilyn était un travail à plein temps !.
Si encore elle n’était que « pot-de-colle », cela aurait peut-être pu se surmonter. Elle en aurait été moins sexy, mais elle était si belle ! En revanche c’est sa tyrannie qui devenait rédhibitoire pour les hommes qu’elle aimait. Ses comportements lui étaient dictés par sa peur de la solitude et par son sentiment de dévalorisation, mais à lire les hommes qui ont écrit sur elle, vivre à ses côtés ne donnait pas droit à l’erreur.
Les personnes qui ont un trouble dépendant affectif trouvent normal que l’on pense comme eux et que l’on ressente la même chose qu’eux au même moment qu’eux et bien sûr sans qu’ils aient à l’exprimer. Il faut les deviner. Cela leur donne le sentiment de ne plus être seul et d’exister enfin pour quelqu’un. Cela les maintient dans une unité sans laquelle ce serait la mort.
Tantôt boudeuse, tantôt distante
Mais Arthur Miller échouait parfois à deviner. Il dira d’elle qu’il était difficile de savoir ce qu’elle ressentait et la décrivait comme tantôt boudeuse, tantôt distante, s’enfermant parfois dans un mutisme déconcertant. Il rapporte qu’à d’autres moments « elle explosait littéralement de colère ». Bien sûr elle ne le faisait pas méchamment mais au final elle n’en était pas moins tyrannique. Au bout du compte les partenaires de Marilyn finissaient par étouffer. Ils ne se sentaient plus libres de faire ce qu’ils voulaient, agissant en fonction de la star, pour tenter de ménager sa susceptibilité, pour éviter les conflits, pour avoir la paix. En dépit de leurs efforts, la jeune femme entrait fréquemment dans des colères terribles exacerbées par la prise d’alcool et de drogues.
Ses maris s’agacèrent rapidement de ses crises de larmes et de ses reproches incessants dès qu’ils s’absentaient du nid conjugal. La jeune femme se sentait incomplète chaque fois qu’elle se retrouvait seule et elle avait besoin que l’être cher reste auprès d’elle pour la cajoler et la rassurer. Comme la plupart des boulimiques il lui fallait une attention exclusive, ne concevant pas l’idée que ses partenaires puissent vouloir changer d’air et nouer des relations avec d’autres personnes. Arthur Miller perçut très vite ce diktat de l’angoisse comme une entrave à sa liberté et à sa créativité. Au fil du temps, il la comme un fardeau pouvant nuire à son métier d’écrivain. Au début pour s’adapter à la nature dépendante de sa femme, il multiplia les concessions et n’écrivit pratiquement plus. Il accompagna Marilyn sur les plateaux, il la conseilla et l’encouragea de son mieux sur les tournages, comprenant son besoin désespéré d’être rassurée. Cela la rendait, selon ses propres mots, « spirituelle, gaie, charmante ». Il s’y emploie donc avec beaucoup d’énergie. Mais peu à peu, il ne s’appartint plus. Il n’osa plus exprimer ses besoins de peur de devoir subir l’instabilité émotionnelle d’une femme capable d’entrer dans une rage « cinglante et destructrice ». En outre, il supporta très mal les tentatives de suicide de Marilyn et les vécu comme une forme de chantage affectif. On peut du moins le supposer quand il rédige pour le théâtre : « un suicide tue toujours deux personnes, c’est même fait pour ça ».
Marilyn ne faisait peut-être pas de chantage quand elle se suicidait. Comme elle n’existait que par l’autre et vivait sa vie par procuration, si l’autre l’aimait, elle était aimable, s’il la quittait, elle n’avait aucune valeur. Lorsqu’elle avait un homme dans sa vie elle s’y accrochait désespérément et se sentait exister. Lorsque son partenaire ne lui prêtait plus d’attention, elle se sentait déconnectée d’elle-même et vide. Elle usait des hommes de la même façon dont elle usait de la nourriture et des barbituriques : pour tenter de combler son vide affectif.
Ses quatre psychanalyses ne lui ont pas permis
de se construire un sentiment de sécurité
Ses quatre psychanalyses lui avaient sans doute permis de remonter aux origines de sa dépendance affective, de donner du sens à son besoin avide d’être aimée. Mais comprendre n’est pas guérir. Les approches thérapeutiques de l’époque ne lui permettaient pas de faire les apprentissages nécessaires à la mise en place d’une relation autonome et nourricière. Marilyn aurait eu besoin d’apprendre à construire sa propre sécurité, à acquérir une estime de soi, à tenir compte des besoins de son partenaire, à mettre en place une relation égalitaire. Cela lui aurait permis de faire reposer son bonheur sur elle et non sur l’autre, de vivre pour elle et non par l’autre, d’aimer vraiment. Aimer l’autre pour ce qu’il est même quand il n’apporte pas la sécurité dont elle a besoin.
Sans doute les approches actuelles lui auraient permis d’aller plus loin que la compréhension, de faire divers apprentissages relationnels basiques et de mettre en place une relation amoureuse légère, épanouissante et construite sur le dialogue. En s’ajustant à l’autre, en permettant à l’autre de s’ajuster à elle aurait pu avoir accès à la « nourriture affective » réparatrice dont elle avait besoin. Ce n’est plus l’autre qui l’aurait nourrie, c’est la relation. Et lorsque la relation permet à deux personnes de s’épanouir, elle ne peut que durer.
Marilyn, la femme « tout à fait femme, la femme la plus fémininement femme du monde » était née trop tôt. Le monde de la thérapie n’était pas encore prêt. »
Marie-Eve C.
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