Boulimique vomitive et pourtant ronde

« Et une journée de plus!!! » écrit Mynameis Lilie sur le forum de boulimie.fr dans la rubrique « pour parler boulimies… ». Dans cette article nous reprenons le récit de Mynameis Lilie afin d’illustrer un des aspects de la boulimie vomitive.

« Les commissures de mes lèvres sont tellement abîmées que le fond de teint ne les cache même plus. Mon visage est bouffi et j’ai la marque de mes dents sur la main droite. Depuis environ 7 mois j’allais à un groupe de parole sur les TCA, j’y retrouvais régulièrement les mêmes filles, certaines avec qui j’avais été hospitalisée.

Mais depuis environ 1mois je n’ose plus y aller, je n’ose plus me montrer. J’ai tellement regrossi depuis ma sortie d’hospi fin juin (environ 10kg de plus!!!!!), j’ose pas me montrer. En plus, dans ce groupe, la majorité des filles sont des anorexiques donc très minces ou si il y’a des boulimiques elles sont « normales ».

Et je sais, je sens dans leur regard, que je représente tout ce qu’elles détestent, et tout ce qu’il leur fait peur.

C’est affreux de voir qu’on représente la phobie de quelqu’un. Je les sens gênées de parler parce qu’elles, leur discours, c’est « j’ai repris un kilo et j’ai du mal à l’accepter », ou encore « fait chier j’ai encore pas mangé pendant 2 jours », et que moi elles voient bien chaque semaine que je suis de plus en plus grosse et de peur de me vexer elles ne s’expriment pas plus, parce qu’elles sentent que moi je rêverais de ne prendre qu’un kilo ou savoir arrêter de manger, pouvoir s’arrêter. Comment dire qu’on n’arrive pas à s’arrêter de se goinfrer quand une fille vient de dire qu’elle avait horreur de la bouffe?

Bien sûr je sais qu’elles souffrent énormément mais sincèrement, et c’est affreux de dire ça: je les envie. J’envie leur contrôle que moi je n’ai pas, ce contrôle sur soi-même qui me fait défaut. »

Moi je suis une boulimique vomitive ronde.

« Même si je vomis, je stocke des calories et je grossis. Des fois c’est parce que je ne vomis pas assez, ou des fois c’est parce que je mange pendant 2H et lorsque je vais vomir certains aliments en début de crise sont déjà digérés.
Moi, ma boulimie, c’est pas 1 crise ou 2 par semaine. Moi, c’est tous les jours, du matin au soir, comme une seule et même crise qui s’étendrait tout au long de la journée.
Par exemple aujourd’hui, j’ai été faire des courses avec ma mère, et après je devais aller au groupe. Mais l’obsession est arrivée, accentuée par l’appréhension du regard des filles du groupe.
Résultat : je suis allée au Flunch, et j’ai bouffé 4 assiettes de frites mayo, pâtes, riz, purée. Après je me suis acheté des bonbons et des chips, puis je suis enfin rentrée chez moi.
C’est une journée-type, comme tant d’autres depuis 6 ans…
Je suis seule, sale et seule.
Une crise ne suffit plus.
Céder à la crise ne fait plus disparaître l’envie de crise, l’envie de manger. J’aimerais tant manger et garder, ne pas vomir, mais je ne sais pas. Je ne sais même plus ce que ça fait.
J’ai oublié ce que c’était que de manger une part de gâteau et de se dire »mmh c’est bon » sans le finir. Le 23 Novembre c’est mon anniversaire, je vais avoir 23ans. Il va y avoir le traditionnel repas de famille et le gâteau. Est ce que ce sera la première fois depuis 6 ans que je ne le vomirais pas?

 

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Manger par peur de se perdre

À Mynameis Lilie, à qui Lolo Pamplemousse essaie d’expliquer que son problème de nourriture est un problème de personnalité, Marie Eve, toujours avec une super idée de lecture nous brandit un livre d’une psychologue de l’Hôpital Saint Anne spécialisée dans la thérapie des personnalités «borderline» :
« Bonjour les filles, dans l’ouvrage de Firouzet Mehran, « Traitement de la personnalité borderline, thérapie cognitive émotionnelle », je suis tombée sur un passage qui me parle. Vous reconnaîtrez vous dans cette description Mynameis Lilie ? »

« Mason et Kreger dans leur livre « Stop walking on eggshells » décrivent la peur de l’abandon expérimentée par des sujets souffrant du trouble de la personnalité borderline de cette façon : « Imaginez la terreur que vous ressentiriez si vous aviez sept ans, perdu et seul au milieu de Times Square à New York. Juste une seconde avant, votre mère était là et tenait votre main. Soudainement, la foule la balaya loin et vous ne pouviez plus la voir…Vous regardez frénétiquement partout pour essayer de la trouver alors que des gens qui vous sont étrangers vous jettent des regards menaçants… ».

La terreur de l’abandon

« Ainsi, les personnes borderline, dans leurs interactions avec les autres, expérimentent la terreur de l’abandon et développent des stratégies de « faire face » inadaptées comme l’automutilation, les crises de boulimie, la prise d’alcool, etc. pour gérer ces sentiments douloureux. (…)» «Est-ce que ce passage remue également des choses en vous ? » demande Marie Eve aux autres internautes de ce forum. « Moi, depuis je errais, seule. J’en suis même arrivée à développer très jeune, une phobie : la peur de me perdre. Adulte, j’étais persuadée que je n’avais aucun sens de l’orientation et à chaque fois que je devais me rendre à une adresse inconnue, j’étais très tendue, très angoissée. Je pouvais effectuer plusieurs fois le trajet pour le mémoriser parce que j’avais terriblement peur de m’égarer en chemin. »

On peut travailler sur la peur en psychothérapie

« Aujourd’hui, cette phobie a disparu, mon sens de l’orientation est meilleur et je n’ai plus cette angoisse de me perdre. Mais quand je suis déstabilisée sur le plan affectif, il m’arrive de refaire ce rêve où je me perds, où je suis abandonnée par quelqu’un de proche. Est-ce que vous avez (eu) ce genre de rêve, est-ce que vous avez souffert (ou souffrez) de la phobie de vous perdre ? J’aimerais beaucoup avoir vos retours.

Comme cet extrait d’ouvrage le laisse supposer, je suis persuadée que l’origine de la boulimie remonte à la toute petite enfance. Enfant, j’avais une relation très symbiotique avec ma mère. J’ai longtemps pensé que ma boulimie était liée à son suicide, mais je me suis rendue compte que j’avais cette peur terrifiante de me perdre bien avant sa mort, que j’étais très soumise et très collée à elle, à son bon vouloir. Et j’ai appris récemment qu’elle avait fait plusieurs tentatives de suicide avant ma naissance. Apparemment, elle portait en elle une fêlure très profonde. Et, cette faille narcissique, elle me l’a certainement transmise. »

Se construire une sécurité intérieure

« Mais sans vouloir vous plomber et pour terminer sur une note positive, je voudrais vous dire qu’on peut travailler en thérapie sur ces angoisses, sur cette peur terrifiante d’être abandonnée. Je crois que même si ces peurs sont archaïques et profondément enracinées en soi on peut apprendre à ne plus se laisser submerger par elles. On peut aussi se construire cette sécurité intérieure qui nous manque depuis la prime enfance. C’est pour cela, d’ailleurs, que c’est important de trouver un thérapeute capable d’aider à se réparer narcissiquement. Travailler sur cette notion de sécurité intérieure est fondamentale parce que c’est elle qui donne accès à ce sentiment de complétude (qu’on a pas quand on est boulimique) et qui permet aussi de se laisser vivre tranquillement. »

« Vous avez raison, Marie Eve, il est nécessaire construire en thérapie une sécurité intérieure pour les boulimies s’en aillent définitivement. Cela peut prendre six à huit ans en individuel, deux à trois en groupe. Mais c’est possible et je vous invite à aller regarder les vidéos des personnes qui s’en sont sorties si vous avez du mal à croire que cet enfer a une fin. Sur Amazon vous trouverez plusieurs ouvrages traitant des personnalités « borderline » (en tapant « borderline » dans amazon) Sur boulimie.fr vous trouverez aussi plusieurs articles sur cette personnalité qui n’est ni névrosée ni psychotique et qui ressemble tant à la plupart d’entre vous. Bonne lecture. »

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