Je ne me sens vraiment profondément rien », disait Romain Gary. La force artistique et en même temps la souffrance existentielle personnelle de ce grand écrivain qui obtenu à deux reprises le prix Goncourt, est d’avoir vécu une difficulté d’être lui-même et de ne pas avoir pu s’indexer sous une seule identité. Peu d’auteurs autres que Romain Gary ont su exprimer avec autant de justesse la souffrance de ne pas être soi-même.
Romain Gary dit n’avoir su trouver son équilibre psychique qu’avec la littérature et la sexualité. La littérature et la sexualité s’inscrivaient-elles pour lui dans un processus addictif ? Des addictions nobles, artistiques mais des addictions tout de même puisqu’elles lui servaient d’exutoire pour oublier sa solitude. « J’ai eu des vies multiples. Il y a eu des femmes : les femmes vous font changer de peau, chaque fois (…). Il y a eu les amitiés. J’ai à peu près laissé tomber tous mes amis, ou je me suis détaché d’eux, ou ils se sont détachés de moi. J’ai des fréquentations, j’ai des rapports « aimables » mais je reste actuellement sans amis. »1 disait-il.
Il ajoutera: « Je lisais au dos de mes bouquins plusieurs vies bien remplies : aviateur, diplomate, écrivain. Rien, zéro, des brindilles au vent, le goût de l’absolu aux lèvres. Toutes mes vies officielles, en quelque sorte répertoriée, étaient doublées, triplées par bien d’autres plus secrètes. Mais le vieux coureur d’aventures que je suis n’a jamais trouvé d’assouvissement dans aucune ».
Enfin, il reconnut : « J’étais las de n’être que moi-même. J’étais las de l’image « Romain Gary » que l’on avait collée sur le dos depuis 30 ans. (…) On m’avait fait une gueule. Peut-être m’y prêtais-je inconsciemment. C’était plus facile, l’image était toute faite, il n’y avait qu’à prendre place. Cela m’évitait de me livrer. (…) »
Peut-être aussi n’aurait-il pas souffert de son problème d’identité s’il avait pris le risque de se livrer ?
Récemment, dans un groupe de psychothérapie, une femme de quarante cinq ans reconnaissait que, le fait de s’être « livrée » à un psychanalyste, lui avait permis de sortir de grandes souffrances existentielles qu’elle connaissaient depuis sa toute petite enfance.
« J’étais dans un mal-être profond depuis ma naissance. Je vivais dans une sorte d’asphyxie existentielle qui a été extrêmement douloureuse et chaotique jusqu’à ce que je fasse une psychanalyse de quatre ans. À partir de là, j’ai commencé à me sentir un peu plus exister qu’auparavant.
Je me reconnais dans tout ce qui a été dit au cours de cette séance, même si je ne me reconnais pas tout à fait parce que j’ai l’impression d’avoir dépassé ce stade de difficultés de relations avec les autres. Je n’ai plus ça. Ça va beaucoup mieux maintenant depuis ma psychanalyse. À présent j’ai plus d’amis, j’arrive à tisser des liens. Il s’est passé quelque chose. J’étais dans le chaos absolu et tout à coup il y a eu un angle. Je ne suis plus dans une douleur permanente. Les premières sensations d’exister enfin se sont manifestées, à différents moments, pendant les séances de psychanalyse. Maintenant la souffrance a disparu . J’ai l’impression d’avoir changé de personnalité. Je suis dans un autre état d’être. »
Cette femme, dont c’est le premier groupe reconnaît n’avoir toujours pas trouvé son identité. Elle ne souffre plus, elle se sent davantage dans sa vie, mais elle ne se sent pas encore dans la vie. Elle peut rester des heures assise chez elle sur une chaise sans rien faire. Elle ne voyage jamais, sors rarement de son quartier et le moindre changement dans ses routines la met dans un état indicible, dit-elle. Professionnellement, elle a quelques activités qui ne lui permettent pas de gagner suffisamment sa vie. Sans le salaire de son mari elle serait en situation de précarité.
Avec sa psychanalyse cette femme à réussi à ne plus ressentir de souffrance. Maintenant elle fait le choix du groupe pour se confronter aux autres, et, ce faisant, dans l’action des interrelations, découvrir enfin son identité.
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