Utilisation de la violence en thérapie
Souvent les personnes boulimiques sont très violentes envers leurs proches. Clotilde, comme vous le verrez dans l’histoire qui va suivre était très violente vis-à-vis d’elle-même.
Souvent les personnes boulimiques sont très violentes envers leurs proches. Clotilde, comme vous le verrez dans l’histoire qui va suivre était très violente vis-à-vis d’elle-même.
Mais plutôt que de chercher pourquoi on est violent avec les autres ou vis-à-vis de soi-même, les nouvelles thérapies (à l’instar des thérapies classiques inspirées de la psychanalyse) ont tendance à voir la violence comme une énergie utile pour les personnes qui ont besoin des puzzles manquants de leur personnalité.
Clotilde est très ronde et sourit tout le temps mais elle souffre beaucoup de son apparence, contrairement à certaines femmes obèses (non boulimiques) qui réussissent à s’accepter telles qu’elles sont sans complexe.
{xtypo_quote_right}Boris Cyrulnik dit qu’on devient souvent et vraiment adulte vers cinquante ans, quand on n’en veut plus à ses parents et qu’on a compris que ce sont des gens comme tout le monde. Avec une thérapie ça peut venir plus vite..{/xtypo_quote_right}Elle ne se fait pas vomir et, quand elle se met au régime, elle ne tient pas deux jours. Très discrète, elle évite de se faire remarquer et prend rarement la parole, tant sur son lieu de stage (elle est étudiante) que dans les groupes de thérapie qu’elle suit depuis bientôt un an.
Un jour, dans un groupe, après avoir vu une jeune femme se mettre en colère dans un jeu de rôle où celle-ci était supposée se confronter à son père, Clotilde prit la parole et dit, du bout des lèvres avec une petite voix douce :
J’ai de la violence, mais ça ne sort pas
Ma sœur est très violente avec moi et je sens que j’ai la même violence qu’elle, mais ça ne sort pas. Et après je suis très mal…
Un psychanalyste aurait sans doute invité (par un « oui ? ») Clotilde à parler de ses rapports avec sa soeur afin de lui permettre de faire la relation entre la violence qu’elle ressent aujourd’hui et celle qu’elle ressentait jadis, quand elle était enfant.
Le psychothérapeute de Clotilde, formé aux nouvelles thérapies, fait le choix d’aider Clotilde à entrer en contact avec sa violence et de la lui faire exprimer. Il lui propose de faire un jeu de rôle et de choisir quelqu’un dans les groupes pour jouer sa sœur.
Les deux jeunes femmes se mettent face à face au milieu de la pièce. Sur un ton agressif la jeune femme qui joue la sœur de Clotilde dit : « va te faire f… c… ! « ..
Clotilde, bien que ce ne soit qu’un jeu de rôle, pâlit. Les bras croisés elle n’entre pas dans la colère et répond simplement, d’une voix étouffée : « je ne veux pas céder »..
Le psychanalyste serait peut-être rentré dans le contenu et aurait proposé de réfléchir sur l’emploi du mot » céder « . Céder sur quoi ? Céder à qui ?
Va te faire f… c… !
Le psychothérapeute formé aux nouvelles thérapies choisit d’aider Clotilde à contacter sa colère et demande à la jeune fille qui joue la sœur de redire « va te faire f… c… ! » en criant. Une nouvelle fois, les bras croisés Clotilde répond, le visage passant du blanc au rouge, sur un ton encore plutôt calme et plus ferme : » Non, je ne vais pas partir « .
Le psychothérapeute fait signe à la jeune fille qui joue la sœur de répéter encore la même phrase. Clotilde une nouvelle fois entre dans le rationnel et répond simplement, toujours d’une voix calme : « Tu ne vaux pas mieux que moi ».
Le psychothérapeute fait signe à la jeune fille qui joue la sœur de répéter encore » va te faire f…c… »..
Clotilde répond, plus fermement, mais toujours calmement : « T’as pas à m’ordonner, je ne m’en irai pas ». Le psychothérapeute, en sans aucun mot fait signe à la jeune fille qui joue la sœur de continuer à dire . « Va te faire f… c… ! « . Mais Clotilde, toujours les bras croisés d’un ton ferme et calme répond toujours qu’elle ne cédera pas.p>Le psychothérapeute demande alors à Clotilde de ne plus raisonner, de ne pas utiliser son cerveau d’intellectuelle mais de se connecter avec sa personnalité « animale » et de lui répondre, tout simplement : » Va te faire f… toi-même ! « . Clotilde s’exécute et quand la jeune fille crie » va te faire f… c… ! « , elle dit : « va te faire f… toi-même! », d’une voix plus forte qu’avant, mais toujours sans crier.
Le thérapeute lui dit alors: » Plus fort « . Clotilde s’exécute et, cette fois, crie » va te faire f… ! « .
.Le thérapeute luidemande qu’elle le fasse encore plus fort. Au bout de trois ou quatre fois, elle décroise ses bras et se met à hurler très très fort dans un cri strident : » Va te faire f… » puis se met immédiatement à pleurer comme une toute petite fille en portant ses mains à son visage.
Elle répond « j’ai peur », entre deux sanglots. Le thérapeute la laisse pleurer un moment puis elle ajoute: « je me fais peur moi-même avec cette voix ». Le thérapeute lui propose de ne pas tenir compte de sa peur et de continuer à crier de plus en plus fort « va te faire f… » à la jeune fille qui joue sa sœur.
Elle se met à hurler de toutes ses forces en pleurant comme une toute petite fille qui fait une crise de nerfs. Le thérapeute la stoppe et lui demande de continuer aussi fort, mais en remplaçant son cri de victime par un cri de colère. Clotilde se met à crier sur un ton de colère avec une voix plus grave, plus » adulte »: » va te faire f…! Je ne veux pas que tu me parles comme ça ! T’as pas à me parler comme ça ! Je t’emm… ! « .
Le cri de souffrance se transforme en cri d’affirmation
Le thérapeute l’encourage à continuer sur ce ton et de plus en plus fort et ponctue par un « voilà, voilà, bravo, plus fort ! plus fort ! ». Et Clotilde cette fois, en hurlant, mais d’une voix tout à fait « adulte » redit : « T’as pas à me parler comme ça, je te le défends ! Je te défends de me parler comme ça ! ». Son visage n’est plus du tout souffrant mais, détendu et victorieux. On sent qu’elle n’en revient pas de la force qu’elle vient d’extérioriser. « Bravo », dit encore le thérapeute admiratif. Clotilde fait un sourire radieux. Recommence encore une fois propose le thérapeute, juste pour te prouver à toi-même que tu sais le refaire. Clotilde s’époumone sur la jeune fille qui joue sa sœur puis se tourne vers le thérapeute avec le visage de quelqu’un qui vient de pondre un œuf en or.
Le thérapeute lui laisse le temps de ressentir cette nouvelle force qu’elle vient de découvrir en elle puis lui demande de rester sur la même émotion, et de dire la même phrase, mais, cette fois, avec moins de violence. La jeune fille qui joue sa sœur reprend : « Va te faire f… c… » à quoi Clotilde répond, fermement, avec assertivité, sans crier, mais assez fort : « va te faire f… toi-même ! « .
« Encore une fois », dit le thérapeute, « avec la même énergie mais très doux maintenant ». Et quand la jeune femme qui joue sa sœur crie une nouvelle fois « va te faire f… c… », Clotilde la regarde droit dans les yeux et lui dit doucement, fermement mais sur un ton sans appel : » Non, je ne veux pas que tu me parles comme ça ! « .
Le thérapeute applaudit d’admiration, les participants du groupe applaudissent et Clotilde affiche un visage triomphant. Pour la première fois de sa vie probablement, elle a su dépasser sa peur, sa détresse et s’affirmer sans agressivité, en adulte, d’abord avec un cri de colère et ensuite, sans colère, avec fermeté. Elle sait maintenant qu’elle peut se faire respecter. Elle sait aussi qu’elle va commencer à se respecter.
L’inconscient ne fait pas
de différence entre le réel et l’imaginaire
Ce jeu de rôle était symbolique puisqu’il n’a pas eu lieu dans la « vraie vie » mais dans un groupe. Mais les nouvelles thérapies tablent sur le fait que l’inconscient ne fait pas la part entre le réel et le symbolique.
Ce qu’on apprend à vivre dans le symbolique, on sait ensuite le reproduire dans la « vraie vie », d’où la puissance des jeux de rôles qui permettent de reproduire d’anciens scénarios, d’anciennes émotions dans un premier temps, puis d’apprendre de nouveaux comportements, associés à de nouvelles émotions dans un second temps.
Plutôt que de chercher pourquoi Clotilde n’arrivait pas à exprimer sa violence, Clotilde a appris à exprimer sa violence et à rester elle-même dans la confrontation.
Elle n’a pas fini sa thérapie, mais « depuis ce groupe », dit-elle : « je réussis à regarder en face les personnes qui sont très agressives, qui ont une voix stridente. Sur mon lieu de stage, il y a une personne très carrée très rapide qui me coupait mes moyens, et, depuis le jeu de rôle dans le groupe, j’ai réussi à la regarder dans les yeux en lui disant mon opinion et en restant droite, en me sentant moi-même, sans me démonter. Clairement maintenant je n’ai plus peur des gens. Je sais me confronter à ceux qui, auparavant, me faisaient peur. »
Cette intervention thérapeutique est récente et on peut s’interroger sur la maintenance du résultat dans le temps. Le recul sur vingt ans de pratique avec d’autres problématiques similaires montre que lorsqu’on a réussi à découvrir un nouveau comportement associé à une nouvelle émotion, en thérapie, dans un jeu de rôle, on l’acquiert pour de bon et on est capable de le refaire ensuite dans sa vie quotidienne. Clotilde, très probablement, n’aura plus de mal à répondre à sa sœur lorsque celle-ci sera violente avec elle. Tout comme elle n’a plus de mal à s’affirmer dans sa vie de tous les jours avec les gens qui, auparavant, lui faisaient peur.
Ce que nous essayons de démontrer avec cette histoire, c’est que lorsqu’on n’a pas toutes les clefs pour vivre confortablement, il peut être plus efficace d’apprendre en thérapie à devenir soi-même plutôt que chercher dans son passé pourquoi et comment on n’est pas vraiment soi-même.
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