Fausses croyances et addiction

Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas la manière dont nous avons été traité dans l’enfance qui est responsable de nos difficultés d’aujourd’hui. C’est plutôt la manière dont cela nous a marqué, ce que nous en avons fait, émotionnellement, intellectuellement, et qui s’imprime en nous sous la forme de croyances.

On appelle croyances des convictions souvent inébranlables qui nous servent de repères pour construire une image du monde qui ait un sens à nos yeux. Ce sont des croyances erronées qui participeront, chez certaines personnes, à la mise en place et à l’entretien de l’addiction.

En effet, nous déterminons nos choix de vie, nos engagements, nos évitements et nos symptômes sur la base de nos croyances. Quand nous avons des symptômes ou que simplement notre vie ne nous plaît pas, c’est alors que nous avons intérêt à les questionner pour vérifier comment elles distordent notre regard sur le monde, comment elles font obstacle à notre équilibre et à la manière dont nous échangeons avec notre environnement.

Mais ce n’est pas si facile de les modifier car l’être humain s’accroche à ses croyances parfois plus qu’à sa vie du fait qu’elles ont une fonction. Elles servent à donner un sens à ce que nous percevons, ce qui nous rassure. Si notre perception du monde n’a pas de sens, l’anxiété qui en découle peut être ingérable. C’est à cela que servent nos croyances.

Depuis que nous sommes nourrisson, nous vivons des expériences agréables mais aussi des expérience douloureuses, qui ne sont pas forcément dues à des maltraitances, mais qui peuvent être des frustrations vécues comme des souffrances insupportables par un bébé hypersensible.

Ces souffrances s’inscrivent en mémoire, associées aux circonstances qui leur donnent naissance. Chaque fois que le nourrisson re-rencontrera ces circonstances, le vécu de la souffrance se réactivera, sans que le bébé puisse comprendre ce qui lui arrive, ce qui ajoutera en plus de l’anxiété.

Lorsqu’enfin il aura les moyens de conceptualiser, la rencontre des circonstances qui réactiveront cette souffrance insensée l’amènera à se servir de ses moyens de conceptualisation et de réflexion pour lui donner un sens. C’est là que prendront naissance ses croyances sur le monde, croyances plus ou moins proches de la réalité.

Plus ses croyances se rapprocheront de la réalité, mieux il vivra le monde. Plus ses croyances seront éloignées de la réalité, plus ses ajustements au monde qui l’entoure seront désadaptés et générateurs de symptômes et de souffrance. Et pour peu que sa mère n’ait pas été suffisamment attentive à ses besoins (parfois très intenses en raison de cette hypersensibilité), pour peu qu’elle traverse elle aussi des moments émotionnellement agités,il sera d’autant plus exposé à la construction de croyances erronées et donc perturbantes.

 

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Particulièrement la croyance qu’il faut se cramponner pour vivre si on ne veut pas mourir. Notons que le besoin de s’accrocher, l’impression de danger mortel imminent n’apparaît pas chez tous les bébés. Mais il est fort probable qu’elle existe chez ceux qui, lorsqu’ils seront adultes, ne pourront pas vivre sans une addiction.

Ainsi, même si les croyances ne sont pas toutes catastrophistes, elles s’inscrivent très tôt dans notre vie en fonction des expériences négatives et positives qui nous poussent à regarder le monde sous l’angle qui nous arrange le mieux.

Du début de la vie jusqu’à l’âge adulte elles influencent notre perception des choses et notre manière d’être au monde. Par exemple ceux qui ont la croyance qu’ils sont mauvais ou sans attrait vont toute leur vie chercher désespérément à plaire pour ne pas être abandonné et ne pas déprimer.

Nous prenons dès lors nos croyances, nourries de nos expériences familiales, sociales, pour un savoir. Nous les prenons pour la réalité et c’est en toute bonne fois qu’elles peuvent nous conduire à rater aussi bien notre vie amoureuse que parfois la relation que nous avons avec nous-mêmes.

Prenons un exemple pour illustrer ces propos. Si nous avons été un bébé hypersensible et si nous ne nous sommes pas senti en sécurité dans la relation avec notre mère ou avec la personne nourricière, nous pouvons donner du sens à ce que nous vivons en construisant la croyance profonde que nous sommes moins bien que les autres, que nous ne sommes pas à la hauteur, que si l’autre nous connaissait vraiment il nous quitterait.

Une telle croyance peut faire de nous quelqu’un de complexé, inhibé, peu affirmé dans la vie relationnelle intime comme dans la vie relationnelle professionnelle, et très dépendant sur le plan affectif. Ou bien, au contraire, elle peut déclencher en nous une sorte d’énergie du désespoir qui nous donne envie de nous imposer avec violence, d’obtenir les choses en force et de grimper tout en haut de l’échelle sociale mais sans en obtenir pour autant une réelle satisfaction profonde.

Notons au passage que toutes ces considérations sur la toxicité des croyances dans la construction de identité restent compatibles avec la théorie freudienne du complexe d’oedipe qui se vérifie sur la majorité des gens. Mais certaines personnes développent des croyances tellement destructrices qu’elle les empêche même de parvenir jusqu’au stade de l’oedipe et sa résolution.

Ainsi, puisque nos croyances jouent un rôle essentiel dans la construction de notre vie, de notre bonheur et de notre malheur, nous avons intérêt à les mettre en question de temps en temps, voire même tout le temps, si nous voulons avoir une vie épanouie qui colle à ce que nous sommes réellement et non pas à ce que nous croyons devoir être ou faire pour que les autres nous aiment.
Mais comment les mettre en question puisque par ailleurs nous en avons tant besoin?

Certains le font par la lecture de la philosophie1, d’autres par la pratique de la méditation, et quand ni l’une ni l’autre de ces approches ne marche, on peut le faire par un travail psychanalytique ou psychothérapeutique.

J’attire votre attention sur le choix de la psychothérapie dans laquelle s’engager. Toutes les psychothérapies ne travaillent pas nécessairement sur les croyances. Généralement, le psychothérapeute se contente de laisser ses patients s’exprimer, avec l’hypothèse que la libre expression des émotions leur suffira à trouver leur équilibre.

Certaines psychothérapies ont vocation à travailler sur les croyances mais avec l’hypothèse qu’une fois celles-là identifiées, la personne en thérapie réussira à les modifier ou à ne plus leur obéir aveuglément.

Il me parait important de choisir une psychothérapie qui ne se contente pas de parler intellectuellement des croyances mais qui s’attache à travailler à les modifier à la lumière des bouillonnements émotionnels qui surviennent dans la relation transférentielle avec le psychothérapeute ou avec le psychanalyste (et parfois avec les participants d’un groupe s’il s’agit d’une psychothérapie de groupe).

Lorsque la croyance est associée à une émotion authentique, à l’issue d’un travail relationnel qui met également en lumière des éléments de la réalité autres que ceux auxquels on adhère, un vrai travail de remise en question peut se faire et sera de ce fait plus efficace qu’un simple échange intellectuel avec le psy.

Vous pouvez regarder quatre vidéos pour illustrer ces propos :

La vidéo du psychothérapeute, ex-psychanalyste François Roustang qui explique que la psychothérapie doit amener les gens à perdre leurs certitudes.

La vidéo d’une pédiatre, Catherine Guegen, chercheur en neurosciences.

La conférence de la pédopsychiatre Nicole Guédeney (membre affilié de la Société Psychanalytique de Paris) sur l’attachement.

Le thème des croyances a déjà été traité à plusieurs reprises dans Boulimie.fr tant il est essentiel. Je vous invite à taper le mot « croyances » dans son moteur de recherche pour trouver la liste de ces articles et je vous souhaite un très bon mois de novembre à tous.

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