Jane Fonda: de la boulimie à l’authenticité
En 1982, aux États-Unis, à l’occasion de la sortie de sa vidéo « Ma Méthode » qui allait révolutionner l’industrie du « fitness” Jane FONDA
En 1982, aux États-Unis, à l’occasion de la sortie de sa vidéo « Ma Méthode » qui allait révolutionner l’industrie du « fitness” Jane FONDA, icône du cinéma américain, l’actrice aux deux Oscars (meilleure actrice en 1971 pour Klute et en 1978 pour Coming Home), l’activiste engagée contre la guerre du Vietnam, dévoile à la presse son passé de boulimique.
{xtypo_quote_right}Extrait de la vidéo de Jane Fonda à l’Actor Studio
{/xtypo_quote_right}« -…Vingt-trois ans d’agonie. » (depuis son entrée au collège jusqu’à environ trente-cinq ans). « C’est une chose dont je n’ai encore jamais parlé. Jamais.
Plus de vingt pour cent des femmes américaines sont boulimiques
Et la seule raison pour laquelle je le fais à présent, c’est que ce mal se répand aujourd’hui dans d’énormes proportions : 20 à 30 % des femmes américaines en souffrent en ce moment. La boulimie détruit leur vie. Croyez-moi, je sais… », confia-t-elle en 1985 au magazine Cosmopolitan.
Cette déclaration fit l’effet d’une bombe. Jusqu’alors, toutes les femmes américaines boulimiques vivaient cachées, dans la honte.
Mais puisque « Barbarella » en personne, au corps et au sourire si parfaits, avait osé dire que sur les plateaux, entre ses films, elle avait passé son temps à manger, vomir, remanger, revomir du matin au soir, au point que sa vie en avait été saccagée, toutes les autres femmes concernées se sont, elles aussi, senties le droit d’en parler.
Incarnation de la réussite et de l’obstination américaine, héritière d’une dynastie d’acteurs, Jane Fonda a véritablement discipliné sa vie comme elle a discipliné son corps. Plus jeune que Marilyn, elle a profité du mouvement féministe pour revendiquer son indépendance, s’engager à fond dans des combats comme le Vietnam, l’injustice sociale, le racisme, la lutte contre la pollution… et la nourriture équilibrée !
Son dernier combat, elle l’a mené contre elle-même
Pourtant son premier combat, elle l’a mené contre elle-même. Dans son livre Ma Méthode, elle raconte: « À l’internat j’engloutissais des quantités impressionnantes de gâteaux et de crèmes glacées de sucreries et de sandwiches au bacon.»
Elle cherche désespérément à perdre du poids pour ressembler aux canons de beauté en vigueur dans les années soixante. Autant dans les années cinquante on aimait les rondeurs, autant à la fin des « sixties » on prônait une maigreur androgyne.
« Au pensionnat, j’avais découvert les vomissements, au collège la dexedrine (les amphétamines), mannequin, j’adoptai les diurétiques. J’ai pris des diurétiques pendant près de vingt ans, presque la moitié de ma vie, sans me rendre compte de ce que j’infligeais à mon corps.».
En fait, l’histoire de la libération de Jane Fonda et de ses engagements politiques est en relation avec son sentiment de dépendance. Toujours excessive, elle s’est lancée à fond dans l’exercice physique pour lutter contre la boulimie, a ouvert un cours d’aérobic, écrit une méthode où elle allie gymnastique et conseils nutritionnels.
L’une de mes participantes, Caroline, utilise ce moyen de façon intensive pour contrôler son poids.
« L’aérobic ça me casse l’angoisse et l’envie de bouffer »
« L’aérobic ça marche bien. Déjà ça me casse l’angoisse, et en sortant de trois heures de cours, ça me coupe aussi l’envie de bouffer. Enfin… pendant quelques heures ! »
Jane Fonda est très lucide :« Je ne suis plus Jane Fonda, femme, actrice, mère et militante, je suis une athlète. ( … ) Mais c’est avec moi-même que j’entre en compétition. »
Cette course au plus-que-parfait est caractéristique de tout ce dont sont capables les boulimiques pour se fabriquer le personnage le plus séduisant possible. Elles sont dans un registre de combat, en lutte contre une partie d’elles-mêmes qu’elles croient maléfique et étrangère. D’où leur vocabulaire : « je me bats », « je gagne », « je perds », « j’ai craqué », « je vaincrai ». Mon premier travail, quand elles arrivent dans les groupes, c’est de les engager de se laisser aller, tant à leurs boulimies qu’à leurs élans émotionnels, positifs ou négatifs. Il est non seulement impossible, mais inutile de se battre contre soi-même. Nous sommes le pile et le face d’une même pièce de monnaie, la boulimie n’est pas une partie malade du cerveau qu’une chirurgie miracle pourrait localiser et extraire.
Jane Fonda est devenue la championne toutes catégories de la diététique, du gâteau macrobiotique, du germe de blé et des jus faits maison, l’ennemie des « fast-food », des produits tout prêts et des trusts de l’industrie alimentaire. À plus de quarante ans, mariée, mère de famille, elle affichait son bonheur et son épanouissement, conciliant travail et famille, se libérant des modèles contraignants de sa jeunesse, refusant d’être la poupée gonflable des années soixante.
De la soumission à la révolte
Passant de la soumission à la révolte, s’acharnant très fort contre le système, elle tombait dans l’extrême inverse : la rébellion comme affirmation de soi (le côté-face de la même pièce de monnaie !).
Ce n’est qu’à l’âge de cinquante et un ans qu’elle déclara dans une interview à Michèle Manceaux dans un magazine féminin : « Depuis toujours, je suis une survivante, mais je commence seulement maintenant, depuis quelques mois, à devenir vraiment « entière » !.
Mais même si elle ne se rebellait plus, était-elle vraiment entière ? Quinze ans plus tard, en 2005, lors de la sortie de « Ma vie » (éd. Plon) elle avoue qu’elle n’était pas authentique avec son mari. Elle n’osait pas s’exprimer réellement, elle n’osait pas lui dire « non » par peur de se retrouver toute seule. Elle n’osait pas être réellement elle-même avec lui.
Elle tenait absolument à ce que « son homme » la comprenne
Tout récemment, lors d’un passage à l’émission « Actor Studio », elle s’exclame : « A soixante ans je me suis vraiment trouvée totalement, mais ça n’a pas arrangé mon mariage parce que cela impliquait que je me mette « à table » et que je dise à l’homme que j’aimais : « Voilà vraiment comment je suis, il faut que tu me connaisse aussi sous cet aspect-là.
Il n’a pas pu. Tout paraissait aller bien. J’avais du succès. Mais comme je le dis dans mon livre, on peut avoir du succès dans bien des domaines différents, professionnellement, politiquement, socialement mais c’est derrière les portes fermées de la relation intime que le problème apparaît. C’est dans la relation intime que se manifestera le manque de soi. En tout cas c’est mon expérience et c’est aussi celle d’une grand nombre de femmes que je connais. Je pouvais aller au Vietnam sous les bombes mais je ne pouvais pas dire à mon mari « je ne veux plus continuer telle ou telle chose ». Je ne pouvais pas lui dire qui j’étais parce que j’avais trop peur d’être seule. Et cependant j’étais Jane Fonda !
La maladie de faire plaisir
Cela montre que même pour quelqu’un comme moi, ce besoin de faire plaisir à l’autre, cette « maladie » de faire plaisir comme dit Oprah, ce besoin d’être parfait est omniprésent dans notre société, pour les femmes. Il faut briser ce cycle ! A soixante ans je me suis recentrée et je me suis dit qu’à présent c’est mon 3è acte, ce n’est pas une répétition, c’est ma vie. Je ne veux pas mourir sans avoir exprimé ce que j’étais totalement à celui que j’aime. Ça m’a pris deux ans pour avoir le courage de le faire. Et quand je l’ai fait, je me suis retrouvé seule. C’est ça le grand tournant de ma vie. Mon mariage a pris fin et il comptait beaucoup pour moi. Mais je savais que ce qui comptait encore plus c’était d’être moi-même. » (extrait vidéo de Jane dans « Actor Studio »).
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