Dans cet article nous traiterons du trouble de l’attachement qu’est l’addiction alimentaire : En quelque sorte, une forme d’esclavage moderne et primitif.
La boulimie doit son appellation d’« addiction alimentaire » à la psychanalyste Joyce McDougall, qui s’est penchée sur le sens psychologique de ce trouble alimentaire. Dans son premier article intitulé L’économie psychique de l’addiction, elle explique pourquoi elle a jugé nécessaire d’emprunter le terme « addiction » aux Anglo-Saxons :
« J’aimerais commencer ma conceptualisation de l’économie psychique de l’addiction par l’étude du mot “addiction” lui-même parce que sa signification éclaire, d’une certaine façon, ma perspective sur l’économie psychique qui sous-tend les comportements addictifs.
Comme nous le savons, le terme “addiction” vient du latin addictus, qui se réfère à une coutume ancienne par laquelle un individu était donné en esclavage. Lors de mes premiers écrits sur le sujet (qui datent maintenant de quarante ans), j’ai consulté mon dictionnaire anglais-français pour y trouver la traduction française du terme, et j’ai découvert que le seul mot proposé était “toxicomanie”. Le but de cette digression étymologique est de démontrer que, du point de vue de l’« économie psychique », la terminologie française suggérait un désir de se faire du mal, tandis que la terminologie anglo-saxonne donne l’impression que le sujet addict est l’esclave d’une seule solution pour échapper à la douleur mentale. »
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Elle explique ainsi que la dynamique profonde de la boulimie constitue un moyen d’échapper à des angoisses archaïques, qui n’ont pas de mots pour se dire. En cela, elle rejoint les travaux du psychanalyste John Bowlby, psychiatre et psychanalyste britannique, qui a souligné l’importance des premiers liens du bébé avec celle ou celui qui occupe le rôle parental.
Selon lui, à travers ses travaux cliniques, les premiers mois de la vie entre un enfant et ses figures d’attachement sont déterminants pour son développement affectif ultérieur. Il a démontré que ces liens sont essentiels pour le développement de l’enfant. Ils lui offrent une base sécurisante, un refuge émotionnel face aux aléas du monde extérieur. Lorsque cet attachement est stable et fiable, l’enfant peut explorer le monde en toute confiance. Mais lorsqu’il est instable, absent ou marqué par des ruptures répétées, il laisse une empreinte durable dans le psychisme, pouvant s’exprimer par des troubles relationnels à l’âge adulte tels que la violence, des peurs dans la relation et, souvent, une addiction comme moyen de régulation des émotions.
L’apport de Bowlby à la psychanalyse est immense. Avant lui, Freud expliquait le développement du psychisme principalement à travers le complexe d’Œdipe et la sexualité. Bowlby, quant à lui, a compris que, pour certaines personnes n’ayant pas bénéficié d’un attachement sécurisant, les émotions restent figées au stade infantile. Ces individus stagnent au niveau émotionnel du bébé et développent un « faux self » pour s’adapter en société.
Heureusement, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, s’appuyant sur ses expériences éthologiques et les neurosciences, montre qu’être un bébé paniqué dans un corps d’adulte n’est pas une fatalité. La résilience est possible. Cyrulnik souligne le rôle fondamental du lien thérapeutique dans la guérison des blessures d’attachement. La confiance avec le thérapeute crée un espace sûr pour exprimer l’indicible et revisiter les souvenirs traumatiques. En mettant des mots sur les émotions, le patient apaise ses souffrances et réorganise son histoire de vie.
La psychothérapie offre une « expérience émotionnelle correctrice », où des relations nouvelles et bienveillantes redéfinissent les anciens schémas insécures. Grâce à la plasticité cérébrale, même des traumatismes anciens peuvent être transformés. Ce processus, lent mais durable, ouvre la voie à une résilience et à des relations plus équilibrées.
L’expérience des groupes de psychothérapie en séances intensives permet d’apprendre à devenir authentiquement soi face à l’autre et à se libérer de son faux self.
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Ce processus, non seulement non douloureux, procure une grande satisfaction. Il permet de développer un vrai soi, de renforcer l’estime de soi et de réduire considérablement l’angoisse, à tel point que l’addiction alimentaire finit souvent par disparaître d’elle-même. Concernant les addictions aux substances, une phase de sevrage sera nécessaire après la psychothérapie, mais cette fois-ci avec de bien meilleures chances de succès.