Lettres à mes sœurs perdues
Personnellement, pendant les cinq années de mon calvaire « , écrit Anne « , …j’ai gagné et reperdu plus de 120 kilos. J’étais devenue un yoyo humain, une pendule affolée
« Personnellement, pendant les cinq années de mon calvaire « , écrit Anne « , …j’ai gagné et reperdu plus de 120 kilos. J’étais devenue un yoyo humain, une pendule affolée, s’empiffrant pendant des jours pour ensuite ne plus rien avaler… … Je souhaite que mon témoignage encourage les personnes atteintes à sortir de l’ombre et à entreprendre une démarche personnelle. Par expérience, je sais que l’on sort vainqueur de ce voyage, dans une nouvelle splendeur, dans la valorisation de nos qualités… et de nos défauts. Pas une superwoman, pas une perfectionniste mais une femme, une vraie, qui accepte ses défaillances et ses limites… »
{xtypo_quote_right} Présentation d’un livre de Anne Letourneau, « La Folie des Douceurs », récit d’une comédienne canadienne qui a guéri de sa boulimie avec une thérapie de groupe.{/xtypo_quote_right}Nous avons déjà parlé de « La Folie des Douceurs » dans la rubrique des livres « coup de cœur » de boulimie.fr.
Une internaute, a tenu à ce que nous publions un extrait de ce livre qui l’a particulièrement émue, et qui nous a, nous aussi, passionné, au point d’en faire le propos de notre article de décembre. Beau livre, généreux, formidablement bien écrit et si juste dans sa manière d’aborder le problème de la boulimie : « La guérison de cette dépendance passera toujours par la quête de notre authenticité ».
Ce faux elle-même derrière lequel elle se cachait
Anne s’en est sortie et nous raconte sa délivrance dans un livre qu’elle vient de publier au Canada où elle réside et où elle a fait une brillante carrière de comédienne, aussi bien à la télévision qu’au cinéma. Ce n’est pas tant la boulimie qu’elle a attaquée en premier, c’est elle-même, ce faux elle-même derrière lequel elle se cachait : « La guérison de cette dépendance passera toujours par la quête de notre authenticité. Au début, détruire le faux soi provoque une réelle panique. »
À l’occasion d’un déplacement à Paris, elle a décidé de faire une thérapie de groupe. C’était il y a quinze ans. Gagnant déjà bien sa vie, elle aurait pu opter pour de l’individuel à raison d’une séance par jour, mais elle a compris qu’elle avait avantage à se mettre en danger dans un groupe si elle voulait s’en sortir rapidement. Bien lui en a pris parce qu, ‘à la suite de la thérapie elle découvre un tout nouveau sentiment d’exister qui s’ensuit par l’arrêt de ses boulimies. Elle consacre tout un chapitre de son livre à sa thérapie groupe à Paris et parle de ce qui a mis fin à certain nombre de ses conditionnements. Vous pouvez vous procurer « La folie des Douceurs » en contactant Anne qui a un site … et je donne la parole à Annick, notre internaute pour vous parler de ce qu’elle a aimé dans le livre d’Anne Letourneau.
« Les dernières pages de ce chapitre sont dédiées aux jeunes femmes souffrant de boulimie ainsi qu’à leurs parents et amis. J’espère que ces réflexions sauront projeter un trait de lumière sur les eaux troubles de cette maladie et redonner un peu d’espoir à celles qui souffrent. »
Lettre à mes sœurs, perdues au cœur de la tourmente
La boulimie est une force vive, semée de tumultueux rapides, d’écueils sanglants. Un mal incompris, solitaire. Une maladie honteuse que l’on croit devoir cacher. Enfermées dans un délire, nous sommes prisonnières de notre passé, de nos croyances, de nos perceptions faussées. Nous voulons sauver le monde, mais l’extérieur nous apparaît menaçant, effroyable. Nous sommes des chevalières déchues, habitées de grandes aspirations, mais se croyant inaptes à les accomplir. Incapables de dévorer la vie, nous dévorons nos émotions refoulées. Ce manège peut prendre des proportions démesurées. Personnellement, pendant les cinq années de mon calvaire, j’ai gagné et reperdu plus de 250 livres. J’étais devenue un yoyo humain, une pendule affolée, s’empiffrant pendant des jours pour ensuite ne plus rien avaler. Le jeune alors devenait ma religion, ma forme de purgation. Abuser mon corps de la sorte a entraîné de graves répercussions sur mon métabolisme.
Le fait de s’affamer puis de se suralimenter a des effets très néfastes sur le système hormonal, qui affecte à son tour le système de pensées. Les désordres alimentaires sont d’abord une maladie de l’esprit, amplifiée par un dérèglement physiologique.
Je préférais me détruire plutôt que de risquer le jugement d’autrui.
C’est après m’être imposée toutes sortes de restrictions, des diètes trop strictes, des jeunes prolongés, que je suis devenue une boulimique chronique. Ces actions se sont manifestées dans mon corps par un mal qui me rongeait déjà l’âme. Le fait de vouloir plaire et d’être aimée à tout prix a créé un état d’esprit ou je préférais me détruire plutot que de risquer le jugement d’autrui. Dans cet enfer, j’avais peur de tout, mais surtout du regard des autres.
Encagée à l’intérieur d’une spirale sans fin, je frayais quotidiennement avec l’anxiété, la dépression. Etouffée par les cris que je ne pouvais pas pousser, par les vagues de colère, de frustration que je ne me donnais pas le droit de ressentir. Entravée, pieds et poings liés par le syndrome de la bonne fille, par le rôle de la bonne Samaritaine, de la femme qui aime trop. Pour s’évader de ce carcan, plus d’autre choix que de tomber dans l’excès de nourriture, pour endormir le mensonge, anesthésier les plaies. Ce stratagème devient un moyen de survie, une façon de ne pas affronter notre potentiel, souvent formidable.
De couper les liens avec notre créativité, notre expression profonde, pour ne rien avoir à accomplir et éviter de risquer l’échec. Se fabriquer un faux soi, ne vivre que pour lui, épuise l’esprit et le vide de toute substance.
La guérison de sa dépendance passa par la quête de son identité
La chose prend alors une tournure démentielle. C’est l’hystérie des calories, la fureur du sucre, la folie des douceurs. Et les rapports avec les autres deviennent impossibles, torturés. Quand on ne sait plus qui on est, on attire les envahisseurs. Reniflant nos carences émotives, les prédateurs comprennent très vite à qui ils ont à faire. Ils en profitent pour se servir de notre vulnérabilité, de notre générosité mal placée.
Facile de berner, de subjuguer une jeune femme qui est prête à se trahir, à se perdre, à étouffer ses désirs, pourvu qu’on veuille bien un peu d’elle. Nous provoquons la trahison dans nos vies, parce que nous nous trahissons tous les jours. Nous provoquons le rejet parce que nous rejetons notre propre vérité. Arrive maintenant la question que nous devrons toutes nous poser un jour: que faire pour s’en sortir ?
La guérison de cette dépendance passera toujours par la quête de notre authenticité. Au début, détruire le faux-soi provoque une réelle panique. Bardé de défenses, il fera tout en son pouvoir pour empêcher de ramener à la lumière la personne vivante, originale, autonome.
De la superwoman à la femme fragile
L’important est de sortir de l’isolement, de chercher de l’aide, de participer à des groupes de soutien et surtout d’entreprendre une thérapie. Apprendre à nous reconnaître, à nous redécouvrir demande des années de courage et de dévouement. Il faut retrouver notre vraie identité, loin de celle qui veut aider et plaire à tout prix.
Loin des images imposées par les médias, loin des actrices, chanteuses et mannequins rachitiques, dont les photos sont de toute façon retouchées, trafiquées. Il est irréaliste de nous mesurer au quotidien à ces icônes inaccessibles, qui forcent des millions de jeunes femmes à se mettre au régime, à s’affamer pour essayer de leur ressembler. Il faut arrêter de nous identifier uniquement à ce corps-bourreau.
Faire un effort conscient pour nous libérer de cet enfermement ou chaque jour, chaque heure, chaque minute est une ronde obsessionnelle autour de l’image de soi. Je souhaite que mon témoignage encourage les personnes atteintes à sortir de l’ombre et à entreprendre une démarche personnelle. Par expérience, je sais que l’on sort vainqueur de ce voyage, dans une nouvelle splendeur, dans la valorisation de nos qualités… et de nos défauts. Pas une superwoman, pas une perfectionniste mais une femme, une vraie, qui accepte ses défaillances et ses limites. Une femme qui comprend que ses déceptions ne sont qu’un pas de plus vers le succès, l’évolution et le déploiement de son âme »
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