De l’anti-psychiatrie à la nouvelle psychiatrie

La boulimie, trouble de l’identité accompagné de symptômes alimentaires et non plus trouble du comportement de l’alimentation. Cette nouvelle philosophie du traitement de la boulimie est-elle en cours d’installation?

Aux alentours des années 1968, tandis que les valeurs culturelles volent en éclats dans divers domaines et dans plusieurs pays, deux psychiatres, Ronald Laing et David Cooper fondent le mouvement de l’anti-psychiatrie.

Pour l’anti-psychiatrie, la folie n’était pas une maladie

S’insurgeant contre la psychiatrie traditionnelle qui soigne par des médicaments ou des électrochocs sans tenir compte du contexte socio-psychologique, ils proposent une nouvelle voie pour explorer, comprendre et soigner la souffrance psychique. Selon eux, la maladie mentale n’existe pas. La folie est une expérience personnelle et sociale, un état modifié de conscience (EMC), un voyage.

Les professeurs Guelfi et Rouillon ont signé fin 2007 un Manuel de Psychiatrie qui annonce un courant nouveau et très ouvert sur toutes les thérapies : « La question n’est plus de savoir s’il faut choisir le cognitivisme et rejeter la psychanalyse ou préférer les mathématiques à la clinique du vécu subjectif et de l’empathie, écrivent-ils dans l’introduction ». Ils préconisent d’accompagner l’individu, étiqueté « malade mental », dans son cheminement de réappropriation de son langage, de son esprit et de son corps, que ce cheminement passe ou non par un état prétendument archaïque ou franchisse la ligne jaune de la bienséance et de l’hygiénisme.

Aujourd’hui, la psychiatrie renforce son positionnement sur le courant humaniste du mouvement antipsychiatrique. D’une certaine façon, elle s’en rapproche de plus en plus si l’on en juge par le tout récent Manuel de Psychiatrie des professeurs Guelfi et Rouillon. Ecrit avec la collaboration d’une centaine d’autres psychiatres mais aussi de chercheurs issus de différentes disciplines parmi lesquelles les sciences humaines et sociales, on sent naître avec cet ouvrage un courant nouveau et très éclectique.

 

LIRE ÉGALEMENT : Manuel de psychiatrie – préface de Julien Daniel Guelfi

 

Avant le psychiatre c’était pour les fous

Les auteurs de ce nouveau manuel ne se focalisent plus sur la « maladie » mentale mais sur la souffrance mentale. « Nous nous sommes demandés » écrivent-ils « si un livre de psychiatrie générale avait encore du sens aujourd’hui, à une époque où les psychiatres s’interrogent sur l’avenir de leur discipline et sur les risques d’éclatement qui la menacent avec la balkanisation de ses modes d’exercice (privé/public, secteur, liaison, urgence, SMPR…), la multiplication de ses missions (précarité, prévention de la la délinquance, cellules d’urgence médico-psychologique…), la diversité de ses types de prise en charge thérapeutique (sophistication du maniement des psychotropes, nouvelles techniques de stimulation, pluralité de méthodes psychothérapeutiques…) nécessitant des sur-spécialisations comme l’exigent d’ailleurs certaines pathologies (par exemple l’anorexie mentale sévère), ou encore l’émergence de sous-spécialités (addictologie, psycho-gériatrie, psychiatrie légale…) ». Dès lors qu’il s’intéresse à la souffrance mentale, le champ de la psychiatrie devient très large.

Maintenant la psychiatrie soigne aussi la souffrance

«La maladie mentale n’est plus notre seul cœur de métier; en plus des soins délivrés à nos patients souffrant de troubles psychiatriques avérés, il nous faut désormais promouvoir la santé, au sens que lui a donné l’Organisation Mondiale de la Santé: « Etat de complet bien-être physique, mental et social ».

Si l’on s’en réfère à cette définition de la santé, la psychiatrie d’aujourd’hui concerne un quart de la population générale. Son champ d’application devient immense. Elle se doit alors d’intégrer des données multiples relevant de modèles théoriques distincts.

D’où la diversité – inhabituelle pour un ouvrage en langue française — des auteurs de ce manuel. « Nous avons réuni autour de nous dix-neuf spécialistes coordonnateurs des différentes sections du manuel et cent quarante auteurs, psychiatres cliniciens, chercheurs, généticiens, biologistes ou psychologues ».

« Aujourd’hui » écrivent les professeurs Guelfi et Rouillon « la question n’est plus de savoir s’il faut choisir le cognitivisme et rejeter la psychanalyse ou préférer les mathématiques à la clinique du vécu subjectif et de l’empathie ».

Ce vent nouveau qui souffle sur la psychiatrie moderne tend enfin à nous faire passer du psychiatre technicien, traitant la maladie mentale, au psychiatre humaniste, traitant la personne en souffrance.

Enfin une nouvelle donne ?

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