Relation parents enfants

Relation parents enfants

Les personnes boulimiques qui ont une personnalité « borderline » – autant dire la majorité d’entre elles – ne font jamais dans le détail.

Les personnes boulimiques qui ont une personnalité « borderline » – autant dire la majorité d’entre elles – ne font jamais dans le détail. Elles passent du TOUT au RIEN, du « je t’aime passionnément » au « je ne te supporte plus », en très peu de temps. Ce style affectif commence généralement au travers de la relation avec les parents. Une adolescente, me parlant de sa mère, l’autre jour me disait : Je l’adore et en même temps je ne peux pas la supporter même si au fond je sais que je l’aime à la folie.

On aime adulte comme on a aimé enfant

La nuit, je rêve souvent qu’elle a un accident, qu’elle tombe dans un précipice, qu’elle meurt… et je me réveille en sursaut en espérant que ça ne soit pas arrivé. » Très probablement, cette adolescente reproduira ce schéma plus tard avec la ou les personnes qu’elle aimera, alternant cycles d’amour fusionnel et agacement.

{xtypo_quote_right}Plutôt que de parler d’amour, les éthologues préfèrent parler d' »attachement ». Lorsque l’attachement est « sécure » l’enfant de se sentir en sécurité et plus tard, il pourra se distancier de maman sans souffrance. En revanche, lorsque l’attachement est « insécure », l’enfant n’y trouve pas son compte de sécurité et il ne pourra pas plus tard se détacher réellement de maman. En tout cas pas sans souffrance et encore moins sans symptôme{/xtypo_quote_right}Il est vraisemblable d’ailleurs, comme c’est le cas pour bon nombre de personnes qui ont un problème de dépendance affective, qu’à l’âge adulte cette jeune femme ne réussisse à « couper le cordon » avec ses parents. Ces derniers resteront peut-être encore sur le devant de sa scène affective, soit parce qu’elle aura besoin de garder avec eux un lien très rapproché, soit parce qu’elle se sentira encore « étouffée » par eux même si elle réussit à les tenir géographiquement à distance.

Le style affectif de la petite enfance…

La manière dont les parents se sont comportés avec leurs enfants, quand ils étaient petits, est-elle pour quelque chose dans le style affectif que ceux-ci auront plus tard dans leur vie d’adulte ? La plupart des enfants sont aimés, mais comment ont-ils été aimés ? A-t-on réellement respecté ses différences ou simplement ses rythmes biologiques? A-t-il eu le sein (ou le biberon) quand il commençait à s’agiter dans son berceau ou bien lui a-t-on donné à manger à heures fixes selon le planning établi par maman (peut-être conseillée par son médecin? A-t-il été accompagné avec tendresse, calme et disponibilité pendant toute sa période de dépendance ou bien maman était-elle très stressée, angoissée par les évènements de sa vie ?

Un enfant qui développera plus tard un trouble du comportement addictif a-t-il eu avec ses parents une relation suffisamment sécurisante afin qu’il puisse développer en lui le sentiment de sécurité nécessaire pour se développer tranquillement, sans soucis, ou bien a-t-il manqué d’un  » attachement réellement sécure  » pour reprendre le concept utilisé par les éthologues? Concept assez voisin de celui du psychanalyste pédiatre Winnicott dont nous vous avons parlé à plusieurs reprises.

Reprenant les théories des psychanalystes de l’enfance (dont le chef de file était Winnicott) Boris Cyrulnik, que j’ai eu le plaisir d’écouter lors de l’une de ses conférences, explique qu’un enfant sur trois ne se sent pas en sécurité aujourd’hui « parce sa mère est mal, parce que l’histoire personnelle de celle-ci l’a rendue mal, parce que son mari la rend mal, parce que la société la maltraite, la rend malheureuse. En étant mal, elle ne le sécurise pas. Il vit alors dans un monde sensoriel qui ne lui donne pas confiance en lui. Il ne peut pas exprimer ses orages intérieurs et se met à avoir des comportements auto-centrés, comme on en voit en éthologie animale : il tourne, se balance, tape sa tête contre les barreaux du lit, rumine la nourriture dans sa bouche sans l’avaler ou refuse déjà de s’alimenter « . Les enfants en carence affective seraient, selon Boris Cyrulnik 25% de tous nos enfants.

…détermine notre vie affective ultérieure

A propos du sentiment de sécurité et du respect que les parents n’ont pas toujours suffisamment pour leurs enfants, je voudrais partager avec vous le mail d’un ami qui compte beaucoup pour moi. Il y a trente ans, c’est lui qui m’a fait découvrir la philosophie et les groupes des thérapies humanistes. C’est avec lui que j’ai appris l’importance du respect dans les relations humaines.

Marié depuis vingt ans avec une femme délicieuse, douce et équilibrée (pas borderline du tout) il a eu une petite fille qu’ils ont élevé avec calme, légèreté et… respect dès sont plus jeune âge. Bébé, la petite était très calme et souriante. Elle ne pleurait pratiquement jamais. Dès qu’elle se sentait inconfortable, ils intervenaient tout de suite pour qu’elle retrouve l’expression lumineuse d’une enfant qui se sent bien dans sa peau. Quand ils allaient voir les amis et qu’ils emmenaient l’enfant, ils ne restaient pas trop longtemps pour éviter qu’elle ne s’ennuie. Attentifs à son confort, ils étaient conscients que les repas d’adulte pouvaient être vite fastidieux pour elle.

J’aurais voulu lui poser des tas de questions

Aujourd’hui, la petite a grandi. Voilà ce qu’il m’écrit :  » Chère Catherine. Eh bien voilà, ma fille va avoir 17 ans le 4 juin. J’ai beaucoup d’émotions. Elle a attrapé une petite maladie infectieuse, une cystite (ça fait mal quand on fait pipi) et j’en ai profité – c’était l’occasion – pour lui demander si elle avait fait l’amour. Bien tranquillement ,elle m’a dit : « Oui et je me protège… ». J’étais tout étourdi : ma fille faisait l’amour, et moi je m’en étais pas rendu compte ! J’aurais voulu lui poser des tas et des tas de questions : « Est ce que tu éprouves du plaisir » …etc. , lui donner des conseils. Mais je ne m’en suis pas senti le droit. Je lui ai juste demandé qu’est-ce qu’elle aimait de son copain. Elle m’a répondu : « il me respecte sur tous les plans ».

Le respect de soi et des autres, ça s’apprend déjà au berceau. Bien sûr, il m’est arrivé souvent d’avoir eu le sentiment en rencontrant des parents de personnes boulimique-anorexiques qu’elles ont eu dans leur enfance tout le respect nécessaire. Je me dis alors qu’un problème physiologique (hormonal par exemple) a pu dérégler la vie émotionnelle de l’enfant au point qu’il ne se soit pas senti suffisamment sécurisé malgré un style relationnel tout à fait attentif. Ce ne serait alors pas la relation parent-enfant qui serait à interroger dans le déséquilibre affectif de ces personnes-là mais leur potentiel génétique.

Quoi qu’il en soit, que le sentiment d’insécurité soit lié à l’environnement ou qu’il soit essentiellement physiologique, je finirai par une note optimiste. Que celles et ceux qui n’ont pas pu développer un sentiment de sécurité suffisant pour être capable d’aimer plus tard avec la tolérance et le respect nécessaire à une vie harmonieuse ne désespèrent pas : Ils pourront un jour , comme Amélie (notre témoignage vidéo de ce mois) grâce à une thérapie, sortir de leur scénario familial et apprendre à se respecter soi-même tout en respectant les autres. Mieux vaut tard que jamais après tout pour la découverte de la liberté, de l’autonomie et de l’amour authentique.

Catherine Hervais

Partagez l’article sur: {module 131}

Laisser un commentaire