Beaucoup de gens pensent que Amy Winehouse était alcoolique et toxicomane. C’est vrai, mais elle était surtout boulimique. Elle ne se cachait plus déclara Alex Foden, un ami couturier qui partagea son appartement pendant une période. Dans une interview accordée au « Mirror » il raconte : « Elle engloutissait de la nourriture avant de courir aux toilettes […] Parfois, elle avait des périodes de quatre ou cinq jours sans repas, où elle consommait juste de l’alcool, des drogues et des sucreries ». Selon un magazine people son mari Blake Fielder-Civil l’aurait supplié de se battre contre la boulimie avant que la maladie n’ait raison d’elle
Arrêtée et emprisonnée début novembre, choqué par la maigreur de sa femme alors que celle-ci lui rendait visite il lui aurait dit : « Tu es bien trop maigre. Moi, pour la première fois depuis plusieurs mois, je mange trois repas par jour et je dois dire que je me sens beaucoup mieux. Mais toi, tu te drogues, tu ne manges pas et voilà que tu te mets à faire des malaises. Tu dois commencer à mieux t’alimenter sans quoi la boulimie te détruira ».
Je rencontre assez souvent en thérapie des personnes qui utilisent l’alcool ou la drogue pour échapper aux conséquences de l’addiction alimentaire sur leur corps.
Ainsi, une jeune femme par exemple m’expliquait que pour elle l’alcool est clairement un « coupe-envie-de-manger ».
« Je suis rentrée du boulot comme d’habitude. Mon irrésistible envie de manger pour quatre est toujours là ; alors je bois. L’alcool est le seul « coupe-envie-de-manger » que j’ai trouvé depuis quatre ans environ. Je bois du whisky comme une pauvre nulle boulimique ou/et alcoolique à tour de rôle. Le pire c’est que j’ai trop envie de manger, même si je compense en buvant de l’alcool. Je suis tout à fait consciente que c’est loin d’être une solution, mais je n’arrive pas à faire autrement : c’est l’un ou l’autre voire les deux quand ça va vraiment mal.«
L’alcool et la drogue sont souvent utilisés par les personnes boulimiques-anorexiques pour soulager leur souffrance. Elles sont sous pression vingt-quatre heures sur vingt-quatre et il leur arrive d’avoir besoin de se « shooter » pour trouver le répit. La plupart des gens réussissent à se détendre avec un bain, une sieste, un ciné, un coup de fil, un verre avec des amis, une ballade, un livre… Mais pour une boulimique, tout est fatigant. Elle a un tel stress et une telle tristesse qu’elle a besoin de s’étourdir avec des « produits » qui vont lui permettre de déconnecter.
Je connais des personnes boulimiques-anorexiques qui, seules ou en soirée, pour souffler, vont volontairement jusqu’au coma éthylique. Emmanuelle, jeune mariée depuis peu, est professeur de philosophie dans un lycée. Tout comme Jeanne, elle ne peut pas s’empêcher de boire, aussi bien dans la journée entre ses cours que le soir. Elle vit dans la peur du contact avec les autres, peur qui lui fait faire aussi d’énormes excès d’alcool quand elle sort. Elle recherche alors clairement la perte de conscience pour s’échapper un moment de cette vie qu’elle trouve si difficile. Il lui arrive aussi d’utiliser massivement des somnifères dans ce but. Elle s’est parfois retrouvée aux urgences pour « tentatives de suicide » alors qu’elle voulait simplement débrancher la machine un moment.
Certaines personnes boulimiques-anorexiques cherchent aussi la perte de conscience en fumant du cannabis sans tomber nécessairement dans les drogues dures. Mais il m’arrive aussi de rencontrer des personnes qui préfèrent substituer l’héroïne à la boulimie parce qu’elles se sentent moins humiliées d’être dépendantes à la drogue qu’à la nourriture.
D’autres se « shootent » à la télé. Emilie passe tous ses après-midi à regarder des séries « à l’eau de rose » sur le câble. Elle dit trouver archinuls les feuilletons qu’elle regarde, mais c’est la seule chose qui lui permet de ne pas penser à sa vie. « Même quand ma meilleure amie m’appelle, je n’ai pas envie de me bouger le c… ni de me « déscotcher » de l’écran. »
Peut-être voyez vous aussi votre proche, comme Emilie, passer ses journées et/ou ses nuits à regarder la télévision jusqu’à épuisement. Ne la jugez pas, ne cherchez pas à la raisonner, sachez que cela lui est nécessaire.
Elle ne le fait pas par plaisir ou par intérêt culturel mais parce qu’elle ne sait pas s’occuper autrement, et aussi pour s’anesthésier.
Quand une personne boulimique-anorexique me dit « je n’ai envie de rien », je lui demande si elle regarde la télévision. Si elle me répond « oui » la psychothérapeute que je suis sait qu’elle n’est pas dans un « no man’s land » total, puisqu’elle vibre au moins un tout petit peu pour quelque chose. Il m’arrive même de conseiller à certains parents de mettre une télévision dans la chambre de leur fille boulimique lorsque celle-ci le souhaite. La télévision peut parfois éviter de plonger très profondément dans la dépression. Lorsque l’on n’éprouve de désir pour rien, tout est bon à prendre.