Je pense trop pour être heureuse

Je pense trop pour être heureuse !

Je pense trop pour être heureuse » dit Charlotte qui voudrait bien «sortir de sa tête», être davantage «dans ses tripes»

« Je pense trop pour être heureuse » dit Charlotte qui voudrait bien «sortir de sa tête», être davantage «dans ses tripes», arrêter de «mouliner» tout le temps ?Depuis la fin de sa thérapie, elle ne se tient plus des discours hyper négatifs sur elle-même comme avant.

Elle ne se dit plus: « T’es à chier, t’y arriveras jamais, tu peux pas gérer les choses importantes, t’es plaintive, tu t’apitoies sur ton sort pauvre dinde et en plus t’es moche, grosse tarte, t’es un imposteur sur cette terre, ma pauvre, t’es tellement bordélique dans ta tête que tu ne sauras jamais bien tout ranger, et qu’est-ce que nous saoûle, ras-le-bol, tires-toi une balle, on aura la paix et toi aussi ! ». Elle ne se demande plus : «à quoi je sers ?» ou «qu’est-ce que je fais sur cette terre ?».Elle ne « paranoïe » presque plus : «Avant, quand je discutais avec d’autres personnes, j’avais l’esprit complètement obnubilé pas des pensées parasites et irrépressibles: un regard de travers et tout de suite je me disais:

« C’est sûr, il ne m’aime pas »

{xtypo_quote_right}Pourquoi certaines personnes passent-elles leur temps à se parler à elles-mêmes alors que d’autres, au contraire, se laissent vivre tranquillement sans se poser de questions. Charlotte voudrait bien « sortir de sa tête », être davantage « dans ses tripes », arrêter de « mouliner » tout le temps..{/xtypo_quote_right}«C’est sûr, il/elle ne m’aime pas, il/elle me trouve chiante, grosse, on ne voit que le bouton sur mon nez… ». Le début d’un silence et c’était la panique : « vite, vite, il faut que je trouve quelque chose à dire » (cf. éditorial de mars 05 « J’ai le cerveau en ébullition » ?

Maintenant elle n’a plus envie de se suicider, elle ne se sent plus souffrir insupportablement, ça va plutôt bien. Mais bien que ses pensées ne soient plus morbides, elle se sent encore beaucoup trop « dans la tête » pour apprécier suffisamment sa vie.

Pourquoi certaines personnes passent-elles leur temps à se parler à elles-mêmes alors que d’autres, au contraire, se laissent vivre tranquillement sans se poser de questions. Est-ce un symptôme de se tenir des discours à soi-même ou un tempéramment ? A en croire Charlotte, en tout cas, c’est assurément une entrave à la détente et à son plaisir de vivre.

Pourquoi certaines personnes passent-elles leur temps à se parler à elles-mêmes alors que d’autres, au contraire, se laissent vivre tranquillement sans se poser de questions. Est-ce un symptôme de se tenir des discours à soi-même ou un tempéramment ? A en croire Charlotte, en tout cas, c’est assurément une entrave à la détente et à son plaisir de vivre.

Trop penser, rationaliser empêchent parfois de vivre

« Personnellement le piège dans lequel je retombe toujours c’est : penser, penser, trop penser, rationnaliser, vouloir avec les neurones et se faire violence pour que ma vie obéisse à mes pensées. Par exemple tout à coup, je pense qu’ IL FAUT faire le ménage « parce que franchement ça craint de vivre dans une poubelle, c’est honteux, c’est néfaste pour ceux qui vivent avec nous, etc. », je me dis « bon allez, il faut le faire ça ne peut pas durer, c’est pas acceptable ». Je n’attends pas de trouver une bonne énergie pour agir. Au contraire, je me mets une telle pression, je me force avec une telle violence qu’au final le résultat ne sera peut-être même pas appréciable.

« En revanche, quand j’attends le déclic, quand émotionnellement je ne supporte plus l’ambiance poubelle, quand elle me devient trop désagréable, quand mon action n’est pas déterminée par un jugement de valeur mais par un ressenti, alors là, ça ne me coûte pas de faire le ménage et ça se fait tout seul.

« Idem pour le symptôme : si je me dis « non pas de crise, non pas de bouffe, stop, aïe aïe aïe, absolument faire un régime pour tellement de bonnes raisons (moi je ne me fais pas vomir)… ça ne marche pas. Les seuls rares moments où j’ai réussi à prendre soin de moi avec la bouffe et à maigrir naturellement, sans violence, sans une contrainte étouffante c’est quand je ne suis pas dans l’obligation de MAIGRIR. Ce sont des moments où je ne me fais pas violence mais où je me dis simplement, sans drame, que mon corps ne me plait pas tel qu’il est. Dans ces moments là je ne suis pas fanatiquement obsédée par lui, j’arrive à ressentir du plaisir ailleurs, avec autre chose, en faisant autre chose et je ne cherche pas à discipliner intellectuellement ma relation avec la bouffe.

« Maintenant ça va, je vis »

« Enfin avec le travail que j’ai fait dans les groupes, même si je fonctionne encore beaucoup avec la tête, je me sens assez bien, ça va je vis. J’ai pas envie de me suicider, je ne me sens pas souffrir insupportablement, tout va plutôt bien. Mais franchement ce serait con d’en rester là, de se satisfaire d’un « ça peut aller » alors que je sens bien que je pourrais vraiment m’éclater plus que ça dans la vie, me sentir plus libérée, aller plus au bout des possibles que je sens en moi. La tête c’est un putain de cadenas ! ».

Quelle solution pour celles et ceux qui pensent trop comme Charlotte ? Le yoga ? La méditation ? Le Qi cong ? L’auto-hypnose ? Aujourd’hui l’efficacité des techniques qui permettent de lacher prise avec la tête ne sont plus à démontrer. Elles ne permettent pas de chasser tous les bouillonnements mentaux en permanence ni de se transformer en maître zen. Il est peu probable qu’une personne qui pense trop réussisse un jour à se transformer en une personne qui pense peu. A chacun son type de fonctionnement et une personne cérébrale restera probablement toujours une personne cérébrale. Mais ces techniques peuvent être utilisées à chaque fois que l’on a besoin d’échapper à des agitations mentales ou à des angoisses insupportables et améliorer considérablement le confort de vie.

La solution n’est pas de penser moins, mais de penser sain

La solution serait non pas de penser moins, mais de penser sain. On peut apprendre non pas à stopper son activité mentale mais à la diriger de façon à ce qu’elle soit en accord, non plus avec les raisonnements, mais avec les ressentis. On peut décider de ne plus se juger, de ne plus juger les autres. Si j’ai très envie de faire quelque chose, même si ce n’est pas raisonnable, c’est peut-être bien pour moi de le faire quand même, ça veut peut-être dire que mon inconscient en a besoin, ça m’évite peut-être la dépression. Inversement si je n’ai pas envie de faire quelque chose, même s’il faudrait le faire, j’ai peut-être intérêt à m’écouter, ça a peut-être du sens. Ainsi je pourrais peut-être mettre mon activité mentale au service de choses qui me font du bien, à condition bien sûr qu’elle ne fassent de mal à personne. On peut continuer à penser tout le temps si on met sa pensée au service d’une philosophie différente qui consiste à ne plus se juger et à ne plus juger les autres non plus. On peut pour ce faire, s’appuyer sur des idéaux réalistes, plus en accord avec l’inconscient, centrés sur les notions de plaisir et de déplaisir : ce que j’ai envie de faire est ce que je dois faire et inversement, ce que je n’ai pas envie de faire n’est peut-être pas souhaitable pour moi maintenant, en dépit du raisonnable. On peut se baser sur des shémas réalistes du style « affectivement parlant, on ne me doit rien et je ne dois rien non plus à personne* ». On peut cesser d’agir pour faire plaisir aux autres tout en s’obligeant à respecter leur liberté, leurs points de vue, même si on ne les comprend pas… Les règles du jeu seraient ainsi différentes mais le jeu ne s’arrêterait pas. Les ruminations des pensées (il faut, je dois, je me dis que…) pourraient être systématiquement remplacées par un questionnement : « est-ce qu’il faut vraiment, compte tenu que je n’en ai pas envie, que je ne dois rien à l’autre* et que je ne me sens pas bien avec ça maintenant ? ». Cela revient à douter de ses certitudes, à questionner le bien fondé de ses actes — sauf, bien sûr s’ils nous font du bien (sans nuire aux autres), à faire en sorte qu’ils collent aux envies et non plus aux croyances etc.

Se construire en déconstruisant les évidences

Utilisée de la sorte, la pensée est sans doute indispensable à la conquête de notre liberté. Socrate ne passait-il pas son temps à penser en questionnant ses disciples pour les rendre plus sages par la connaissance de leur ignorance ? Derrida, l’un de nos plus grands philosophes contemporains, ne conseillait-il pas de «déconstruire» en permanence tout ce que nous croyons savoir sur la vie ? Et avant lui, Descartes, avec son fameux « je pense donc je suis » n’expliquait-il pas combien la philosophie est essentielle pour guider nos pas ? Elle est, disait-il « plus nécessaire pour régler nos mœurs et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour guider nos pas.» (« Les principes de la Philosophie »).Le problème de Charlotte n’est peut-être pas de penser trop mais de penser désordonné.P.S. : Cela dit, lorsqu’on pense trop, on peut aussi envisager l’éventualité d’un passage dépressif. C’était le cas de Aude. Elle avait fait, il y a quelques années, une thérapie qui l’avait beaucoup aidée mais se retrouvait tout à coup aussi mal qu’avant sa pychothérapie. Son médecin lui découvrit un problème de santé qui s’avéra être responsable de son humeur sombre.« Je vais un peu mieux, j’ai pris non pas des anti dépresseurs « classiques » mais des plantes, sur les conseils de mon médecin qui est aussi naturopathe. Après des analyses de sang, il s’est avéré que j’avais un problème au foie. Selon mon médecin, le foie étant un organe vital au niveau de l’énergie, c’est la raison pour laquelle j’étais tellement épuisée et donc déprimée.

J’ai donc un traitement drainant assez costaud pour le foie. Elle m’a prévenue que ça mettrait des mois avant que mon énergie et que mon foie reviennent comme avant. Mais ça commence à bouger. Même si certains jours je me réveille totalement épuisée, je ne pleure plus quotidiennement, je ne vois plus tout en noir et je réalise à quel point j’étais déprimée… Maintenant, je ne pense tout simplement plus, je ne me pose plus de questions sur la vanité de la vie, sur sa nullité. Je n’ai juste plus ces idées en tête… C’est fou comme j’avais oublié que la vie pouvait aussi être légère … Là je réalise à quel point la dépression est à prendre au sérieux, qu’on peut se faire aider. »

Catherine Hervais

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