L’hypnose intrigue, fascine et parfois inquiète. Beaucoup de gens pensent qu’une simple interdiction donnée sous hypnose pourrait suffire à transformer un comportement enraciné, comme arrêter de fumer ou cesser des épisodes de boulimie. L’idée qu’une suggestion puisse toucher directement l’inconscient, cette partie de nous qui échappe à notre contrôle, semble pleine de promesses. Et parfois, cela peut effectivement fonctionner, comme une clé qui vient déverrouiller une porte bien fermée.
Mais dans le cadre d’une psychothérapie, l’hypnose va bien au-delà de la simple interdiction. Elle n’est pas là pour imposer une solution extérieure, mais pour accompagner la personne dans un voyage intérieur. Elle sert à l’aider à se détacher de ces « disques rayés », ces pensées ou comportements automatiques qui tournent en boucle et limitent son élan de vie. En entrant dans cet état particulier qu’est la transe hypnotique, l’esprit peut poser un regard neuf sur sa propre histoire et, petit à petit, inventer de nouvelles manières de faire, de ressentir, de vivre.
L’hypnose, sur le plan neurologique, est un phénomène fascinant. Elle repose sur une réorganisation de l’attention, un déplacement de la conscience. Ce qui domine dans l’état d’éveil – notre vigilance, notre logique – s’efface au profit d’une ouverture aux images, aux sensations et aux émotions. Sous hypnose, l’inconscient ne distingue pas le réel de l’imaginaire. Une situation vécue dans cet état est enregistrée par le cerveau comme une expérience authentique. C’est ce qui donne à l’hypnose thérapeutique toute sa puissance : elle permet de « vivre » de nouvelles possibilités dans un cadre sécurisé et de les intégrer profondément.
Une application dans de multiples domaines
En thérapie, l’hypnose est utilisée de multiples façons. Elle peut aider à apaiser l’anxiété, à soulager des douleurs, à réinterpréter des souvenirs douloureux ou encore à débloquer des comportements compulsifs. Mais au-delà de ces applications spécifiques, elle est avant tout un outil pour explorer les possibles. Elle invite la personne à imaginer des chemins qu’elle n’avait jamais osé emprunter et à ressentir ce que cela pourrait changer dans sa vie.
Prenons l’exemple de Juliette, une jeune femme qui est venue consulter parce qu’elle avait du mal à poser des limites. Elle vivait avec une colocataire très bavarde, qui monopolisait ses soirées avec des monologues interminables. Juliette, par politesse ou par peur de blesser, n’osait pas lui dire « non ». Elle restait là, à écouter, même lorsque son corps et son esprit criaient silencieusement qu’elle avait besoin de repos.
Dans une thérapie de groupe, ce genre de difficulté peut être abordé par des jeux de rôle. La personne s’entraîne à dire « non » dans un contexte fictif mais proche de la réalité, entourée de soutien. Mais en séance individuelle, la psychologue de Juliette a choisi une autre approche : l’hypnose thérapeutique.
Juliette s’est installée confortablement dans le fauteuil, les yeux fermés, tandis que la voix de sa psychologue l’accompagnait doucement dans un état de relaxation profonde. Très vite, elle a été invitée à imaginer une scène bien connue : sa colocataire parlant encore et encore, et elle, figée, incapable de se libérer. L’ennui et l’exaspération qu’elle ressentait dans la réalité sont remontés en elle, intenses, comme si elle revivait cet instant.
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Puis, la psychologue a guidé son esprit vers une autre version de cette situation. Juliette a visualisé une soirée différente, où elle osait interrompre, avec bienveillance. Elle se voyait dire « non » d’une voix douce, légère, presque enjouée. Et, dans cette scène imaginée, sa colocataire accueillait ce refus sans se vexer, sans dramatiser. Sous hypnose, Juliette a ressenti un plaisir profond, presque euphorique, en vivant cette nouvelle possibilité. Ce plaisir s’est ancré en elle comme une sensation délicieuse, liée à l’idée de poser des limites sans culpabilité.
Lors de la séance suivante, Juliette est arrivée avec un sourire radieux. Elle racontait comment, la veille, elle avait osé dire « non » à sa colocataire. « Je lui ai expliqué que j’avais besoin de temps pour moi, et elle l’a bien pris ! Je ne me sentais pas tendue ou mal à l’aise. C’est venu tout seul. » Ce qui, quelques semaines auparavant, semblait impossible était devenu naturel, presque facile.
L’hypnose : une expérience positive sur l’inconscient
L’hypnose thérapeutique avait ouvert une porte en elle. En expérimentant sous hypnose une situation qui lui faisait peur, Juliette avait découvert que ses craintes n’étaient pas fondées. Son inconscient avait enregistré cette expérience positive comme une nouvelle possibilité, qu’elle a pu reproduire dans sa vie réelle.
C’est là la grande force de l’hypnose thérapeutique. En permettant de vivre des expériences dans un cadre imaginaire mais ressenti comme réel, elle offre au patient la possibilité de transformer sa relation à lui-même et au monde. Chaque sensation de plaisir ou de libération vécue sous hypnose s’inscrit dans la mémoire émotionnelle, devenant un repère. Ce qui est agréable donne envie d’être renouvelé, ce qui est désagréable pousse à être évité.
L’hypnose n’est pas une baguette magique, mais elle agit comme un miroir intérieur. Elle reflète les ressources souvent oubliées ou ignorées et aide à les mobiliser pour créer du changement. Ce n’est pas tant une suggestion imposée de l’extérieur qu’un éveil intérieur. Le thérapeute ne fait que guider ; le véritable pouvoir réside en chacun.
Dans le cadre de l’hypnose thérapeutique, il ne s’agit pas simplement d’effacer des habitudes ou de corriger des comportements. Il s’agit d’ouvrir des chemins nouveaux, d’explorer les possibles et de réinventer sa vie, un pas après l’autre. Et parfois, tout commence par un simple « non » dit avec le sourire.