L’addiction alimentaire, une résilience négative ?

Dans son interview sur son dernier livre Les deux visages de la résilience, Boris Cyrulnik revisite le concept de résilience, qu’il a contribué à populariser. La résilience, c’est la capacité d’une personne à surmonter les épreuves et à rebondir après un traumatisme. Cyrulnik y apporte une nuance importante : la résilience peut avoir deux visages, un positif et un négatif. D’où la question à laquelle nous tenterons de répondre à travers cet article : L’addiction alimentaire, une résilience négative ?

Visage positif et visage négatif

Le visage positif de la résilience est celui qui permet à une personne de se reconstruire de façon saine après un traumatisme. Grâce à des relations de soutien, une prise en charge adaptée, et parfois un changement de perspective, la personne peut se réinventer et mener une vie équilibrée malgré les épreuves.

Cependant, il met en garde contre un aspect plus sombre : parfois, la résilience peut se manifester sous une forme déformée, où les personnes rebondissent en développant des comportements toxiques, comme des addictions. Ces comportements peuvent être une réponse aux traumatismes, une tentative de combler un vide ou de masquer une souffrance.

Application à l’addiction alimentaire

En lien avec l’addiction alimentaire, Cyrulnik explique que certaines personnes, ayant vécu des traumatismes, peuvent utiliser la nourriture comme un refuge, un moyen de gérer leurs émotions difficiles. L’addiction alimentaire devient alors une forme de résilience déformée, où l’individu tente de s’adapter à sa souffrance, mais d’une manière qui nuit à sa santé.

Ce type de comportement souligne l’importance de l’accompagnement dans le processus de résilience. Sans un soutien adéquat, la résilience peut prendre une mauvaise direction, conduisant à des dépendances ou des comportements autodestructeurs. Au contraire, avec des relations positives et une prise en charge adaptée, la personne peut transformer ses blessures en une force positive, évitant ainsi de tomber dans ces pièges.

Cyrulnik montre ainsi que la résilience est un processus complexe, et qu’il ne s’agit pas seulement de « rebondir », mais parfois de trouver un moyen de survie comme l’addiction de manière à réussir à se trouver une place, fut-elle bancale parmi les autres.

 

LIRE ÉGALEMENT : Relation au travail et addiction alimentaire

 

En ce qui concerne les personnes qui ne peuvent pas vivre sans une addiction alimentaire la psychothérapie pourrait être un pont entre une résilience déformé et une résilience positive. C’est ce que propose le Professeur Bernard Granger dans son livre « Les Borderline ». Les personnes qui ne peuvent pas vivre sans une addiction alimentaire présentent les mêmes troubles que ceux que Bernard Granger définit dans son livre « Les Borderline » : un trouble psychologique caractérisé par une instabilité marquée des émotions, des relations interpersonnelles, de l’image de soi et du comportement. Il décrit plusieurs traits essentiels de ce trouble :

•Instabilité émotionnelle : Les personnes borderline ont des sautes d’humeur intenses et rapides, souvent en réponse à des événements perçus comme des menaces à leurs relations ou à leur estime de soi. Elles peuvent passer d’un état de colère à la tristesse ou à l’anxiété en très peu de temps.

•Peur de l’abandon : L’une des caractéristiques centrales des personnalités borderline est une peur intense de l’abandon, qu’il soit réel ou imaginé. Cette peur peut entraîner des comportements désespérés pour éviter d’être rejeté ou seul.

•Relations interpersonnelles chaotiques : Les relations des personnes borderline sont souvent instables et marquées par des oscillations entre l’idéalisation et la dévalorisation des autres. Cela peut créer des conflits fréquents et intenses dans les relations intimes, amicales ou professionnelles.

•Image de soi instable : Les personnalités borderline ont une perception fluctuante d’elles-mêmes, ce qui entraîne des sentiments de vide ou une instabilité dans leur identité. Elles peuvent changer rapidement de valeurs, d’objectifs ou d’aspirations, ce qui complique leur adaptation sociale.

•Impulsivité et comportements autodestructeurs : Les personnes atteintes de ce trouble peuvent adopter des comportements impulsifs tels que des dépenses excessives, des comportements alimentaires compulsifs, des toxicomanies, des relations sexuelles à risque, et dans certains cas, des actes d’automutilation ou des tentatives de suicide.

•Difficultés à réguler les émotions : Bernard Granger souligne que l’une des difficultés majeures pour les personnes borderline est de réguler leurs émotions intenses, ce qui les conduit à des comportements impulsifs et parfois destructeurs.

•Comportements paradoxaux : Les personnalités borderline peuvent montrer des comportements apparemment contradictoires, comme un besoin d’intimité et en même temps une tendance à repousser les autres par crainte d’être blessées.

Ainsi pourrait-on voir l’addiction comme une tentative de résilience, une résilience « négative », très primaire. Elle donne la possibilité non pas de rebondir ni de se construire, mais tout de même de survivre socialement parmi les autres malgré une personnalité peu structurée sur le plan intime et relationnel affectif. On pourra parler de résilience lorsque la personne n’aura plus besoin d’une addiction alimentaire pour s’apaiser parce qu’elle apprendra à se sentir bien dans sa peau et sera capable d’avoir une vie relationnelle authentique et apaisée à la fois.

 

LIRE ÉGALEMENT : Lire un extrait du livre Les Deux Visages de la résilience sur le site de l’éditeur

 

 

 

Laisser un commentaire