Les trois étapes de la guérison
Lorsqu’on a une addiction, boulimie-anorexie ou autre, il est essentiel pour guérir de comprendre que ce n’est pas la consommation de nourriture
Lorsqu’on a une addiction, boulimie-anorexie ou autre, il est essentiel pour guérir de comprendre que ce n’est pas la consommation de nourriture ou de substances qui est responsable de son malheur, même si cette consommation a en elle-même des conséquences malheureuses.
Depuis sa création (sept ans déjà), boulimie.fr explique (éditoriaux, articles de fond sur les thérapies, témoignages vidéos des personnes qui s’en sont sorties…) qu’il ne faut pas prendre le problème à l’envers : on mange parce qu’on a une fragilité de fond qui n’est pas nutritionnelle mais caractérielle. Bien sûr, l’acte de manger trop ou pas assez peut créer des symptômes physiques et psychologiques nécessitant une approche médicale couplée, dans certains cas, à moyen terme, à une approche diététique. Mais dans un premier temps, avant même de chercher à manger équilibré, il est nécessaire de cibler et traiter le mécanisme du mal-être.{xtypo_quote_right}On est boulimique parcequ’on n’a pas grandi émotionnellement même si intellectuellement on peut se sentir très fort.{/xtypo_quote_right}La vraie maladie, c’est de n’avoir pas grandi émotionnellement même si intellectuellement on peut se sentir très fort.
Au fond on se sent vide
Au fond de soi on se sent vide, incomplet, pas construit, comme un petit enfant avec des émotions débordantes, parfois ingérables. On a des sensations de vide et d’ennui intenses, le sentiment d’être seul parmi les autres, même avec ceux qu’on aime. Il faut plaire à tout prix pour que l’autre ne nous abandonne pas. Et si l’autre donne l’impression de s’éloigner, ne serait-ce que pour un moment, ne serait-ce que parce qu’il n’est pas d’accord, soit on panique, soit on le hait au point de chercher à lui faire du mal, soit on le «jette».
On passe tous, bébés, par ces shémas-là. Mélanie Klein, une pédiatre psychanalyste contemportaine de Freud disait que le petit enfant alterne entre des fantasmes de fusion et de destruction vis-à-vis de sa mère. Ensuite en grandissant il passe par des processus de maturation qui lui permettront de faire son « Œdipe » et relativise les processus relationnels. « Maman n’est pas contente, c’est pas un drame, je n’ai plus tant que ça besoin d’elle!».
Winnicott un psychanalyste qui était également pédiatre, observa que certains adultes, même intelligents, n’avaient pas acquis les bases qui leur permettent de se sentir exister face à l’autre ni même de sentir l’autre exister face à eux.
Winnicott pédiatre et psychanalyste.
A propos de l’une de ses patiente qu’il décrivait comme une gloutonne, au sens propre (« elle arrivait en séance chargée de provisions d’épicerie ») comme au figuré (il avait parfois le sentiment d’être dévoré par elle) il observait que lorsqu’il faisait une interprétation qu’elle ne comprenait pas, elle pouvait se sentir désespérée, éprouver le sentiment d’être attaquée, détruite et même réduite à néant. Elle était elle-même médecin (elle s’occupait de patients psychotiques) et cependant, comme tous les patients qui n’ont pas constuit les premières assises de leur identité, elle avait le sentiment que sa personnalité se « désintègrait », qu’elle était privée de sa capacité de se loger dans son corps, d’accepter sa peau comme limite, se sentant irréelle par rapport à l’environnement et éprouvant le sentiment que l’environnement était irréel. (Vous pouvez trouvez lire l’éditorial de septembre 2004 au sujet de la thérapie analytique très particulière que Winnicott a mené avec cette patiente, elle aussi très particulière).
L’évolution des personnes boulimiques anorexiques et hyperphagique en trois étapes principales
Le traitement de telles personnes consiste à leur donner les moyens d’acquérir les assises de leur identité. Pour ce faire, ils auront à dépasser leur « fantasme de fusion » : l’autre, ni tout puissant, ni inexistant ne leur appartient pas et ne leur doit rien. L’évolution des personnes boulimiques se fait alors généralement en trois stades :
Au départ : on explose ou on fuit et tant pis pour l’autre, on est trop mal.
Première étape : On explose mais on se rend compte après qu’on a eu tort et on regrette
Deuxième étape : C’est encore la tempête dans la tête mais on s’efforce de ne plus exploser ouvertement.
Troisième étape : on n’a plus besoin d’exploser ou de fuir. On est guéri. Sabrina est en thérapie de groupe parce qu’elle est boulimique. Et dès le début, elle comprend le fond du problème :.
Un imprévu déclenche son agressivité
«Quand je planifie quelque chose et dès qu’il y a un imprévu, je fais des grosses crises de colère. Et là j’ai besoin de me défouler pour sortir tout ça. Avec mon copain, dès qu’il change d’avis sur quelque chose que nous avons prévu de faire par exemple, c’est la catastrophe. Soit je jette quelque chose parce qu’il faut que ça se casse ou bien je prends la voiture et je fais n’importe quoi.Puis je suis passée par un stade où j’essaie de le laisser de côté. Je le laisse et je pars toute seule. Mais ça arrive encore qu’il soit avec moi pendant mes crises de colère. Par exemple je conduis super-vite, je ne fais pas attention comment je vais me garer, je ne fais pas attention si je monte sur le trottoir ou pas, je peux même cogner la voiture contre une autre en stationnement ou contre un poteau. Je le fais exprès pour me défouler et pour lui montrer que je suis contrariée. Je me dis que c’est bien fait pour lui en espérant que ça va l’énerver. Et sur le moment je suis sûre que j’ai raison et que c’est bien fait pour lui puisque je suis énervée moi-mêmer.
Elle se force à contenir sa colère
Ensuite est venu un stade où j’essaie de contenir ma colère. Dernièrement j’ai réussi deux fois. Avant il fallait absolument que je me fasse mal, que je me blesse (je prenais des rasoirs pour me couper aux mains, je buvais beaucoup d’alcool, je prenais la voiture, je ne respectais aucun feu rouge. Plus il y avait d’adrénaline, mieux c’était. C’était à peine si j’arrivais à éviter des accidents de voiture. Quand la limitation de vitesse était à cinquante, moi je pouvais rouler à cent quarante, je prenais les ronds-points n’importe comment (c’était tout juste si la voiture ne se retournait pas). Quand j’étais avec les gens, soit je me disputais très fort, soit je coupais toute conversation avec tout le monde. Je me faisais physiquement du mal. Je m’arrachais aussi très fort les cheveux. Ce qui me soulageait beaucoup c’était de me couper.
Elle se force à écouter vraiment
Aujourd’hui je me rends compte de l’évolution qui s’est accomplie. J’écoute les gens et je me rends compte que ce qu’ils font n’est pas contre moi, ni pour me faire « ch.. » . J’ai changé énormément de choses au travers de la thérapie. Maintenant, quand je ne comprends pas, je demande à la personne de m’expliquer ce qu’elle dit ou ce qu’elle fait. Je suis consciente que j’ai tendance à interpréter et je m’efforce de vérifier. Je m’aperçois également qu’avant il fallait absolument qu’on me remarque, qu’on me trouve belle. Maintenant, je suis devenue plus calme, plus discrète. Mon ego est moins surdimentionné, je vois et j’accepte les gens qui viennent vers moi. Avant je ne voyais que moi, je crois.
Quand elle est énervée, elle essaie de ne pas être blessante
Maintenant, même quand c’est l’explosion dans ma tête, je refuse de faire du mal aux autres. J’en ai marre de les agresser. Mais je ne sais pas encore vraiment communiquer. J’ai encore trop tendance à me taire quand ça ne va pas. Quand quelque chose me contrarie, je me referme de suite de peur de ne pas trouver les mots et ça crée souvent des contentieux qui me donnent envie par la suite d’être blessante avec l’autre. En général, je m’en aperçois, encore souvent trop tard, mais je m’en aperçois.».
Sabrina perçoit le bout de chemin qui lui reste à parcourir, la troisième étape : devenir capable d’écouter ses ressentis face aux situations, de les formuler avec des mots plutôt que de les exploser au visage des gens. Exprimer clairement ses besoins. Respecter l’autre, même s’il refuse la satisfactions de ses besoins. Devenir personne capable enfin de s’écouter et de communiquer avec ses semblables.C’est alors que, sachant se nourrir et se remplir de la communication aux autres, elle pourra échapper à son mal-être, et ne plus avoir besoin de l’addiction pour panser ses plaies (cf. témoignages vidéos des personnes qui s’en sont sorties ).
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