Gestion de la boulimie: 4 règles de vie à essayer pendant deux ou trois jours.

Cette vidéo est une introduction de Catherine Hervais à l’un de ses groupes de psychothérapie. Elle vous aidera peut-être à mieux comprendre l’article qui suit.

La gestion de la boulimie ne se fait pas en contrôlant la nourriture mais en utilisant une éthique relationnelle qui vous fera du bien et vous apaisera. En effet, la boulimie est  votre anxyolitique d’une angoisse très profonde, que vous ne pouvez pas laisser remonter à la surface. Pour réussir à vous apaiser autrement que avec la nourriture, il vous faut prendre conscience que vos pensées sont toujours limitantes et ne vous restituent pas la réalité, ni sur la connaissance de vous-même, ni sur la compréhension des autres. Essayez pendant deux ou trois jours de mettre  en doute systématiquement tout ce que vous pensez et dans la foulée de ne plus vous juger en négatif en vous disant que vous faites du mieux que vous pouvez. Bien sûr, il ne s’agit pas non plus de juger les autres, quoi qu’ils fassent parce que vous ne connaissez pas les vraies raisons de leurs actes et qu’eux aussi font du mieux qu’ils peuvent compte tenu des exigences de leur inconscient.

Essayez deux ou trois jours, scrupulesement et vous verrez à quel point vous vous sentirez mieux, même si vous faites des boulimies pendant cette période. L’autre vous agresse, ne le prenez pas contre vous. Ces exercices scrupuleusement appliqués vous  permettront de  trouver votre place parmi les autres, pendant ces deux ou trois jours et aussi de vous sentir authentiquement en vous-même et non pas à côté de vous-même en jouant un rôle.

Il vous faudra, également, repérer vos dysfonctionnements relationnels et vous méfier de vos interprétations.Ceci est la première règle pour réussir à gérer vos émotions. Ce travail aujourd’hui s’appelle mentalisation. Cela consiste à réfléchir dans le présent sur ce que l’on ressent, et également à vérifier ce que l’autre peut ressentir lorsque l’on est en communication avec lui.

Cela ne veut pas dire chercher l’évènement déclencheur dans le passé, mais trouver des mots sur ce que l’on ressent dans le présent et vérifier si ce que l’on ressent correspond bien à la réalité de l’interlocuteur et de la situation. L’idée c’est, pour avancer, se méfier de ses interprétations

Sortir de la boulimie ne consiste pas à contrôler son alimentation

Comme vous le savez si vous connaissez ce site, nous défendons une théorie qui dit que la boulimie est une respiration pour ceux qui sont quasiment en « apnée » du matin au soir sans savoir par quel bout commencer pour ne pas se laisser envahir par ses émotions et sa capacité à vivre simplement sa vie quotidienne. Le contrôle de l’alimentation peut vous aider à ne pas devenir obèse, mais pas à faire sortir de votre addiction alimentaire.

Ce matin une jeune femme téléphone du sud de la France. Elle a trouvé une vidéo sur la page youtube de témoignages où j’explique que, pour les profils atypiques « un peu comme nous », intelligents mais sans le sentiment d’exister vraiment, il faut respecter 4 règles de vie pour sortir de la boulimie.

« Et vous préconisez », dit-elle, « d’avoir quatre grandes lignes de vie en tête, à respecter tout le temps » :

Sortir de la boulimie c’est donc d’abord apprendre à vivre :

Les quatre règles :

  1. Pour sortir de la boulimie, ne pas chercher à comprendre, ni soi ni l’autre puisque tout le monde à un inconscient non accessible à la logique consciente.
  2. Pour sortir de la boulimie, écouter ses élans, même s’ils ont l’air stupides, même s’ils ont l’air ridicules, même s’ils se reproduisent ou se contredisent toutes des dix minutes, même s’ils ont l’air « fous ».  De toutes façons, le monde entier est fou et les gens les plus fous sont probablement ceux qui pensent ne pas l’être[1]. Il faut juste faire en sorte de ne faire de mal à personne de mal à personne. (J’insiste en parallèle sur le fait que ce n’est pas parce que l’autre vous dit qu’il a mal que ça signifie que c’est vous qui lui avait fait du mal.)
  3. Pour sortir de la boulimie, je ne dois rien à l’autre et l’autre ne me doit rien. l n’est pas obligé de penser comme moi, de faire ce que je veux et moi non plus.
  4. Pour sortir de la boulimie, on peut faire tout ce que l’on veut mais avec douceur et gentillesse. Si l’autre dit que vous le faites souffrir, ce n’est pas parce qu’il souffre que c’est de votre faute, même si cela vient à l’occasion de vos paroles ou de vos actes. Sa souffrance n’est pas de votre fait du moment que vous n’utilisez pas la violence, la manipulation et l’humiliation envers lui. Si vous faites les choses pour vous et non contre lui, si vous les faites avec douceur, sans violence, quand l’autre souffre vous n’avez rien à vous reprocher. Vous n’avez pas à vous rogner les ailes pour le rassurer ou lui faire plaisir.

« Quand j’applique ces règles je me sens beaucoup mieux », me dit-elle, « mais ce n’est pas toujours très facile. Je suis hypersensible et du coup je préfère moi souffrir plutôt que de faire souffrir l’autre. »

Je lui réponds que je la comprends très bien mais que dans ce cas elle aura besoin de la boulimie pour vivre parce qu’elle ne réussira pas à être elle-même.  À elle de faire le choix.

Ne pas se sentir coupable si l’autre souffre

« Oui me dit-elle, mais c’est très désagréable de voir l’autre souffrir. »  Je lui confie d’ailleurs que moi aussi je suis hypersensible, et quand je sens l’autre souffrir en me voyant respecter mes besoins, j’évite d’y penser parce que je ne pourrais pas résoudre son problème autrement qu’en renonçant à moi-même. Je n’ai pas à m’en sentir coupable.

« Mais », ajoute-t-elle encore, ma souffrance à moi, quand je contrarie l’autre, n’est même pas mentale, elle est physique. Quand je sens sa colère, je m’effondre. »

Pour sortir de la boulimie : donc se respecter soi, respecter l’autre

Je lui réponds que moi, quand je fais les choses gentiment sans vouloir faire du mal à l’autre, s’il se met en colère, je lui ouvre la porte et je lui dis de revenir quand il sera calme. Jacques Lacan, un grand psychanalyste post-freudien français, connu dans le monde entier pour ses propos à la fois si provocateurs et si justes, disait qu’on ne peut pas céder sur son désir.

La jeune femme m’entend et en même temps dit qu’elle ne trouve pas cela facile.

Ce à quoi j’acquiesce.

Sortir de la boulimie : l’efficacité de la mentalisation en groupe

Il est préférable de s’exercer de préférence dans un groupe, à défaut dans une approche individuelle , dans lesquelles le psy intervient aussi en tant que personne et pas seulement en tant que psy… intervient sur ce qu’il ressent plus que sur ce qu’il pense.

Du temps de Freud, le psychanalyste Ferenczi le faisait déjà avec ses patients (voir dans boulimie.fr l’article « À quoi sert un psy »). Il appelait cela l’ « analyse mutuelle ».

Le psychanalyste fondateur de l’antipsychiatrie, Ronald Laing, le faisait aussi. Il a dit dans un de ses ouvrages qu’il travaillait en consultation avec sa part de folie. (Voir mon article dans boulimie.fr : de l’anti-psychiatrie à la psychiatrie aujourd’hui).

Pour sortir de la boulimie : la mentalisation ?

Aujourd’hui Peter Fonagy, docteur en psychologie et psychanalyste britannique, attire à son tour tous les regards des psys qui s’intéressent aux personnalités borderline (Personnalités hypersensibles parmi lesquelles celles qui ont besoin d’une boulimie pour vivre), avec sa méthode de « mentalisation » dont nous avons parlé dans un article récent : « le sentiment de décalage ». 

Ce n’est pas une maladie mentale

Après toutes ces années (35 ans) où j’ai, en tant que psychologue, accompagné des personnes addict à la nourriture,  je suis de plus en plus convaincue qu’on peut avoir une addiction sévère sans avoir une maladie mentale. La médecine pour accompagner les symptômes éventuels de l’addiction est bien sûr plus qu’utile. Mais elle ne peut pas grand-chose pour aider les gens à ressentir leurs besoins identitaires profonds, ce qui est indispensable pour que l’addiction disparaisse.

Je trouve très efficace les approches en groupe où chacun parle librement de ses ressentis dans le présent, jusqu’à  prendre conscience de quoi il a vraiment besoin pour se sentir exister. Le groupe permet des jeux-de-rôle et offre beaucoup de relationnel sur lequel on peut s’exercer à être soi sans agresser ou sans fuir.

Sortir de la boulimie : L’individuel et le groupe

C’est faisable en individuel, mais c’est plus long et plus délicat et ça demande un psy non seulement bien formé à la psychanalyse mais en plus capable d’être face à l’autre une personne autant qu’un psy.

Cela dit, au bout du compte, rien ne se fera sans vous. Si vous-même n’appliquez pas sans faute les quatre règles de base pour avancer en dépassant vos peurs et vos croyances, même un groupe adapté à votre problème d’identité ou un psy individuel bien formé ne suffiront pas.

Laisser un commentaire