Boulimie sans vomissements ou hyperphagie ?

boulimie-vomitivet 2013On a tendance à penser que les personnes qui ne se font pas vomir sont moins « atteintes » que les autres. Elles le croient elles mêmes souvent et sont presque gênées d’aller consulter, par peur de ne pas être prises vraiment au sérieux: « je ne suis pas sûre d’être boulimique », disent-elle d’ailleurs,  « parce que je ne suis pas vomitive »… Certains médecins posent en effet souvent sur elles le diagnostic d’hyperphagie et non de boulimie. Alors, hyperphagie ou boulimie non vomitive?

Il est vrai que la boulimie avec vomissements paraît plus grave, vue de l’extérieur. Déjà parce que le vomissement d’une manière répétée est dangereux: on peut mettre en danger à long terme son existence parce qu’on induit des troubles métaboliques (les vomissements rejettent à l’extérieur du corps des substances indispensables à la vie, voire à la survie). C’est pourquoi, lorsqu’un médecin reçoit une personne boulimique vomisseuse, son premier acte thérapeutique est, à l’évidence pour lui, de prescrire l’arrêt des vomissements.

En même temps, ne pas se faire vomir n’est pas sans danger. Cela expose, à la souffrance physique immédiate du gavage, au risque de l’obésité et à toutes ses conséquences (cholestérol, artériosclérose, fatigues cardiaques et pulmonaires, épuisement du pancréas, diabète, etc…). Sans compter les risques de la dépression et parfois du suicide liés à la prise de poids, parfois de plusieurs dizaines de kilos en quelques jours.

« Je viens tout juste de faire une crise… Trois mille calories… et étant non vomisseuse je n’ai pas moyen de me « soulager » en allant vomir.. Je me sens lourde.. j’ai des sueurs.. je transpire.. j’ai hyper soif mais je n’arrive même plus a boire tellement mon ventre est plein et tendu.. J’ai l’impression que mon estomac se tord dans tous les sens, les douleurs sont aigües et violentes.. Je n’arrive presque pas à marcher. J’ai l’impression d’avoir pris 10kg. Je culpabilise tellement.. j’ai honte. J’ai mal.. je souffre. Je m’en veux d’avoir « craqué  » et pourtant j’ai lutté… » écrit une jeune femme sur le forum de boulimie.fr.

En plus de la souffrance de l’addiction, ces personnes très attachées à leur image corporelle, ont la honte supplémentaire de prendre du poids, de vivre dans un corps qu’elles ne reconnaissent pas comme le leur et de s’exposer ainsi au regard critique des autres. Les kilos s’entassent alors au point de ne plus oser sortir dans la rue, sauf pour celles qui s’adonnent à des sports intensifs qu’elles pratiquent sans répit le ventre au bord de l’explosion. 

Cela dit, que l’on se fasse vomir ou pas, on est emprisonné de la même manière par la contrainte incontournable de manger. Les unes et les autres sont « addict » à la nourriture comme on peut l’être avec la drogue. Elles vivent avec une obsession qui ne les lâche jamais sauf quand elles sont momentanément passionnées par quelque chose, un travail, une nouvelle relation amoureuse…).

Heureusement, tout comme celles qui se font vomir, elles ont elles aussi l’espoir de voir leur calvaire se terminer un jour en acquérant une meilleure connaissance de soi et en apprenant à être en accord avec elles-mêmes.  « Maintenant, j’ai beaucoup moins de crises parce que j’ai appris à m’écouter », dit une jeune femme au bout de deux ans de psychothérapie de groupe. « Et quand j’en ai,  je me rend compte que je n’étais pas au bon endroit pour moi. » Ce n’est pas toujours facile de suivre ses envies, cela demande beaucoup de courage pour des personnes qui sont très préoccupées par le regard des autres et qui ont toujours besoin d’être comprises.

Le besoin de comprendre l’autre et d’être comprises se sent très bien lorsqu’elles sont en psychothérapie. Au moment où elles commencent à percevoir ce dont elles ont besoin, elles disent souvent : « mon chéri, mes parents, mes amis ne comprendraient pas ! ». D’autant qu’elles ont une personnalité particulière (elles présentent des traits communs même si chacune a ses spécificités) qui les amène souvent à faire des choix différents de ceux faits par la majorité des gens. Il leur faut beaucoup de courage et de créativité pour réussir à être elles-mêmes sans s’imposer ou sans blesser. Mais c’est le prix à payer pour ne plus être en discordance avec elles-mêmes et pour ne plus avoir de troubles du comportement.

Donc, si à première vue la boulimie vomitive peut sembler plus grave, en réalité, derrière les apparences, à y regarder de près, les dangers et la souffrance occasionnés par la boulimie non vomitive sont tout aussi sérieux, avec un poids sans doute plus lourd à porter pour les personnes qui en souffrent comme nous le disent les témoignages dans la vidéo qui illustre cet article dont l’un par une personne qui a connu les deux.

Catherine Hervais
Psychothérapeute clinicienne

> Témoignages vidéo de personnes boulimiques non vomotives

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