Boulimie: mon psychiatre veut me donner des antidépresseurs. Faut-il en prendre?

Boulimie et antidépresseurs. Une femme me téléphone ce matin pour demander si je connais une psychothérapie de groupe sur Toulon. Cette fois elle veut aller droit au but et trouver enfin LA psychothérapie qui va enfin la délivrer de ses crises de boulimie.

Les événements responsables de son addiction 

Elle a déjà tenté plusieurs approches différentes, centrées sur une nutrition équilibrée et un travail sur le passé. Mais les crises de boulimie sont toujours là. Même quand elle se retient de manger trop, elle reste toujours aussi obsédée par la nourriture.

Elle commence s’apprête à me raconter son histoire, les événements qui ,de son point de vue, sont sans doute responsables de son addiction.

Boulimie et trouble de l’attachement

Mais quelque soient les personnes et quelque soit leur histoire, on sait maintenant que les gens qui ne peuvent pas vivre sans une addiction sévère, et dont aucune thérapie médicale ne vient à bout, souffrent de boulimie à cause d’un trouble de l’attachement lié à la toute petite enfance.

Un trouble de l’attachement en psychologie se réfère à des difficultés significatives dans la formation de liens affectifs sains durant l’enfance. Ces troubles émergent souvent suite à des expériences de négligence, d’abus, ou simplement d’un sentiment d’insécurité éprouvé par le nourrisson, soit lié à son environnement, soit en relation avec une hypersensibilité émotionnelle affectant profondément la capacité à établir des relations sécurisées et stables à l’âge adulte.

Même si l’enfance semble avoir été épanouie, le trouble de l’attachement peut se manifester au moment de l’adolescence ou encore plus tardivement.

Oui mais alors quoi faire  ?

« Je n’ai trouvé que des approches centrées sur le sevrage de l’addiction ou sur la compréhension d’un traumatisme passé. Tout récemment je suis allée voir un psychiatre qui m’a dit que j’étais déprimée. Il a voulu me mettre sous antidépresseurs à haute dose. J’ai refusé. Je ne me sens pas du tout déprimée. J’ai de la joie de vivre, je sors, je fais la fête, j’aime mon mari, j’aime mon travail — je travaille avec des enfants— et tout se passe super bien dans mon univers professionnel. J’ai vraiment l’impression qu’à chaque fois que je vais voir un psy, ça ne sert à rien, parce que même si ça m’a aidée à comprendre un certain nombre de choses. Je n’arrive pas à me débarrasser de ma boulimie. Elle est mon seul et unique problème. Ca me bouffe un temps énorme ! Tout ce que je cherche c’est de pouvoir vivre ma vie telle qu’elle est, sans être obsédée par la nourriture ».

Quelque chose s’est passé dans la toutes première enfance 

Je lui propose de lire quelques articles dans boulimie.fr qui traite des troubles de la personnalité dus à la première enfance. J’admet avec elle que l’addiction alimentaire, et même l’addiction en général, ne sont pas encore bien comprises parce qu’on a tendance à ne voir que le trouble du comportement, alors qu’à la base c’est un problème psychologique. La médecine peut être utile, mais surtout pour soigner les dommages corporels éventuels liés à l’addiction. On peut ne pas être déprimée et souffrir d’un trouble de l’attachement en relation avec la toute première enfance de la personne qui perturbe sa vie relationnelle aujourd’hui.

XXXIl s’est passé que, l’identité se construisant à partir de la relation à l’autre, et la relation à l’autre n’ayant pas suffisamment apporté à l’enfant le reflet de qui il est, la personne n’a pas construit vraiment son identité. Elle n’a construit que ce qui plaît à l’autre sans savoir s’appuyer sur ce qui lui plaît à elle-même.

L’incapacité d’acceder à de veritable moment d’intimité 

J’explique à cette personne qui aimerait profiter de sa vie familiale sans la boulimie que contrairement à ce qu’elle croit, ce n’est pas son addiction qui l’en empêche: c’est sa difficulté à accéder à de véritables moments d’intimité y compris dans sa vie familiale qui crée un vide et qui produit la nécessité de l’addiction alimentaire pour se remplir.

Comme beaucoup de ceux qui ont une addiction sévère, dans la vie sociale elle n’a pas de problème. Mais dans sa vie intime, elle en a un : elle n’est pas émotionnellement sur la même longueur d’onde que tout le monde. De ce fait elle se sent seule, et pour calmer l’angoisse de sa solitude intérieure, elle mange pour se sentir pleine.

Je lui demande:
— C’est quand vous n’avez rien à faire de particulier chez vous que vous commencez à manger ?
— Oui c’est ça, c’est quand je n’ai plus rien à faire ou que ce que je fais ne m’intéresse pas particulièrement que j’ai envie de manger.

Je lui explique :
— C’est parce que quand les personnes qui ont une addiction n’ont rien à faire, l’angoisse s’empare d’elles, du fait qu’elles ne se suffisent pas à elles-mêmes. Elles ont besoin d’être occupées, occupées par quelque chose qui leur plaît. Quand ce n’est pas le cas elles se trouvent face à elles-mêmes et elles ressentent un vide insupportable. — D’où ça vient ce vide ? demande-t-elle.
— De quelque chose en vous qui ne s’est pas construit au moment de la toute première relation avec l’autre, quand vous étiez bébé. Certes vous n’êtes pas déprimée, certes vous prenez du plaisir à un grand nombre d’activités. Mais dans le rapport à l’autre vous êtes, sans vous en rendre compte, légèrement décalée, intimement parlant. Ca ne se voit pas en surface quand on est en contact avec vous, mais vous, vous le ressentez et vous finissez par vous sentir seule au monde, même quand vous êtes avec les gens que vous aimez et qui vous aiment. C’est de là que vient votre sentiment de vide. C’est ce qui déclenche de l’angoisse à laquelle vous réussissez à échapper, en vous remplissant de nourriture quand rien de passionnant pour vous ne vous «occupe ».

Quel thérapie et quel médicament pour la boulimie 

Les personnes qui ont une addiction disent souvent que lorsqu’elles sont « occupées » par quelque chose qui les passionne, ça va. Mais quand elles ne sont pas « occupées » c’est là qu’elles ont besoin de se « remplir » (ou de se shooter). Il faut une action passionnante ou quelque chose d’extérieur pour ne plus ressentir son vide intérieur.

— Mais alors quelle thérapie peut m’aider à remplir ce vide ?
— Une thérapie de groupe (mieux qu’une thérapie individuelle) permet de faire les ajustements relationnels qui n’ont pas pu être acquis dans la petite enfance avec la personne nourricière. Grâce aux interactions du groupe, on réussit à entrer authentiquement en contact avec l’autre, on découvre ses peurs, ses envies, ses limites et tout ce qui permet finalement de reconnaître les fondements de son identité propre. Ce faisant, on se débarrasse au passage de tout ce qui n’est pas soi, et en particulier des croyances, qui jusque là nous installent dans une vie qui n’est pas vraiment la nôtre.

Ce n’est sans doute pas d’antidépresseurs dont vous avez besoin, mais d’un plongeon dans la vie relationnelle authentique, de découvrir par l’expérience qui vous êtes réellement, et de quoi vous avez besoin pour vous sentir exister.

Vous l’obtiendrez par la participation à un groupe de thérapie. Ne recherchez pas un groupe de thérapie pour boulimiques qui repose sur un autre principe, mais un groupe de thérapie qui travaille sur la relation à l’autre. C’est par cette approche que vous construirez une relation à vous-même et que votre addiction à la nourriture aura des chances de pouvoir disparaître.

Catherine Hervais

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