HPI et sensation de vide

Le HPI : une pensée vive, mais une vie intérieure instable

Derrière le haut potentiel intellectuel, un vide intérieur peut surgir. Marion, HPI, raconte comment elle l’a affronté en thérapie.

Le HPI, ou haut potentiel intellectuel, désigne une intelligence cognitive supérieure à la moyenne, mais ce n’est pas qu’une question de QI. Il s’agit aussi d’une vitesse de pensée, d’une curiosité insatiable, d’une intuition fulgurante. Beaucoup de personnes HPI décrivent une pensée en arborescence, qui va très vite, parfois trop vite pour le monde autour.

Mais derrière cette vivacité, il y a souvent un sentiment de décalage. Une impression d’être à côté. De penser trop fort, de déranger, de ne pas être compris. Ce qui conduit certains à s’isoler, à se suradapter, ou à faire semblant pour ne pas montrer qu’ils ne ressentent pas le monde comme les autres.

Et chez certains, ce décalage se transforme en vide. Un vide intérieur profond, sans contours. Comme si quelque chose d’essentiel manquait — sans qu’on sache quoi.

 

Le vide intérieur : un mal bien réel chez les HPI

Ce vide intérieur n’est pas un caprice. C’est un ressenti fréquent chez les personnes à haut potentiel. Il survient quand l’intellect ne suffit plus à donner du sens à la vie. Quand les lectures, les raisonnements, les performances n’apportent plus de satisfaction. Quand le manque de lien profond devient insupportable.

Ce vide peut venir de plusieurs facteurs :

  • Une enfance où l’intelligence a été valorisée, mais l’émotion ignorée
  • Un sentiment d’être aimé pour ce qu’on fait, pas pour ce qu’on est
  • Une hypersensibilité non reconnue, vécue comme une faiblesse
  • Une peur de l’intimité, liée à une inhibition affective

Ce vide-là, les personnes HPI tentent souvent de le combler par le travail, la nourriture, les relations multiples, les passions intellectuelles, mais il revient, fidèle, dans les moments de silence. Et il ne se laisse pas raisonner.

 

Marion, 34 ans : brillante, mais sans ancrage intérieur

Marion est arrivée en thérapie à 34 ans. Professeure d’université, spécialisée en histoire de l’art, elle était admirée pour son érudition. Elle lisait quatre langues, écrivait avec aisance, fascinait ses étudiants. Mais dans son intimité, Marion disait : « Je ne ressens rien. Ou alors, c’est un gouffre. »

Depuis des années, elle vivait seule. Pas de couple, peu d’amis proches, beaucoup de projets mais aucun ancrage émotionnel durable. Elle parlait bien, trop bien peut-être. Chaque phrase semblait écrite. Mais quand il s’agissait de parler d’elle, elle bloquait : « Je ne sais pas ce que je ressens. Ou alors, je le sens trop fort, et je fuis. »

Son bilan avait révélé un QI de 148. Mais surtout, un trait commun à beaucoup de HPI en souffrance : un déni émotionnel tellement ancré qu’il passait pour de la maturité.

Marion n’avait jamais crié, jamais pleuré devant personne. Elle avait appris à répondre à tout avec des mots élégants. Et dans le silence, une angoisse sourde s’installait. Le soir, elle grignotait sans faim. Ou restait figée, regardant le plafond, incapable d’agir. Son vide intérieur la paralysait.

 

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L’intellect comme armure, l’émotion comme menace

Marion n’est pas un cas isolé. Beaucoup de personnes à haut potentiel ont appris à se construire dans l’intellect, parce que le registre émotionnel leur semblait trop instable, trop imprévisible. Pour certains, dès l’enfance, la moindre émotion était perçue comme un danger : colère, tristesse, peur… Tout devait être contenu, contrôlé, intellectualisé.

Le problème, c’est que l’intellect ne suffit pas à vivre pleinement. Il protège, mais il ne nourrit pas. À force d’être dans la tête, on ne sent plus le corps. À force de tout analyser, on ne sait plus s’abandonner. Et c’est ainsi que naît la sensation de vide : quand plus rien n’atteint vraiment.

Ce vide est d’autant plus dur à vivre que les autres ne le voient pas. Ils voient un esprit brillant, une réussite sociale, une grande maîtrise de soi. Mais intérieurement, la personne HPI peut se sentir comme un château vide, bien éclairé, mais déserté.

 

Retrouver la sensation d’exister : un chemin émotionnel

Pour Marion, le travail thérapeutique a été long, mais libérateur. Elle a commencé par oser dire qu’elle ne savait pas ce qu’elle ressentait. Puis elle a accepté de ne pas tout comprendre tout de suite. Dans un groupe de thérapie, elle a expérimenté les exercices de contact, le regard, les mots simples, les silences partagés.

Elle a appris à nommer une émotion sans devoir l’expliquer. À se laisser toucher par la présence des autres. À s’exercer à dire non, à rire sans ironie, à pleurer sans honte. Le vide ne s’est pas envolé, mais il a cessé d’être menaçant.

Aujourd’hui, Marion enseigne toujours. Mais elle vit à deux, accueille le silence comme une pause, et ne cherche plus à tout remplir. Elle dit parfois : « Je ne suis plus brillante, je suis vivante. Et c’est mieux. »

 

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