L’enfant qui a peur de grandir

L’enfant qui a peur de grandir

Ce mois-ci, boulimie.fr donne la parole à Marie Eve Caldera, une internaute très présente sur le forum qui a voulu s’exprimer sur Michael Jackson.

Ce mois-ci, boulimie.fr donne la parole à Marie Eve Caldera, une internaute très présente sur le forum qui a voulu s’exprimer sur Michael Jackson. Nous lui avons demandé si elle voulait le signer avec son nom de famille. Elle nous répond : « Je veux bien que vous donniez mon nom de famille, j’en serais même très fière. Il m’a fallu tellement de temps pour ne plus avoir honte de mes boulimies et de moi tout court.

{xtypo_quote_right}Avant de me juger, essayez de m’aimer Regardez avec votre cœur et demandez vous: avez vous vu mon enfance ?
Michael .Jackson.{/xtypo_quote_right}Je suis ravie aussi que vous m’ayez permis d’honorer à ma façon la mémoire de Michael Jackson. C’est vraiment une personne qui me touchait profondément, sans doute parce que je me retrouvais en lui…beaucoup de souffrance derrière un très grand silence et la même propension à fuir dans la rêverie et les contes de fées. Je me rappelle d’un professeur d’histoire au collège qui me disait souvent : « bon, petite Calderara, il faudrait que vous descendiez de votre petit nuage rose… » Cela résume bien comment je me sentais à l’époque. »

Ce mois-ci, Boulimie.fr m’a donné le feu vert pour vous parler de Michael Jackson. Sa mort m’a profondément émue. Peut-être parce que comme lui, j’ai souffert moi aussi de la peur de grandir. J’ai donc voulu comprendre pourquoi il tenait tellement à rester enfant, pourquoi préférait-il le monde des enfants à celui des adultes.

Qu’est-ce qu’il trouvait chez les premiers, qu’il ne trouvait pas chez les seconds ?

Nul doute que Michael cherchait à fuir un monde adulte qui l’angoissait. Dans une interview, il explique que John Merrick, « l’homme-éléphant », le touche profondément parce qu’il retrouve un peu de son histoire dans la sienne. Certainement que comme Merrick, il vécut toute sa vie seul avec le sentiment de n’avoir jamais été compris, ni accepté. « Je suis l’être le plus seul au monde. » dit-il avec désespoir, « seuls les enfants me comprennent. Ils ne me veulent pas de mal. Ils ne m’ont jamais trahi ni trompé. Les adultes, eux m’ont laissé tomber. » Peut-être avait-il de bonnes raisons de s’en méfier. Un père maltraitant et une exposition médiatique dès son plus jeune âge expliquent certainement sa peur de l’autre et sa difficulté à faire confiance. Sans doute n’avait-il pas suffisamment de sécurité intérieure pour aborder la vie d’adulte avec sérénité. Etait-il suffisamment construit ?

Il sentait bien au fond de lui que quelque chose clochait. « Je me sens bizarre lorsque je suis entouré de personnes normales , « Je me sens étranger dans la vie avec les gens de tous les jours. » dit-il.

J’ai l’impression que les personnalités boulimiques ont aussi ce sentiment d’être sur une autre planète ou dans une dimension parallèle. Est-ce parce que le regard qu’elles portent sur le monde est encore celui d’un enfant ? Et si, comme Michael, elles n’avaient pas grandi émotionnellement?

Je suis une habituée de boulimie.fr. A lire les nombreux messages de son forum on voit bien à quel point, derrière le discours très adulte, quand on entre dans le registre affectif, c’est l’enfant que l’on perçoit derrière les femmes qui s’expriment. Ce qu’il y avait de surprenant chez Michael, c’est qu’il était incapable de cacher qu’il n’avait pas grandi. Mais d’ailleurs le voulait-il ? Conserver un physique enfantin n’était-il pas rassurant?

Avec sa silhouette dégingandée de gamin qui a poussé trop vite et sa voix prépubère, il était le prototype réussi de l’éternel adolescent. De l’enfance, Il avait la candeur, la spontanéité et les émotions débordantes. Il était particulièrement sensible à l’injustice. Mais ses engouements affectifs de petit enfant, touchant au premier abord, devenaient vite ingérables. Comme moi-même avant ma thérapie, comme les personnes boulimiques du forum de ce site qui deviennent « folles » quand elles se sentent traitées de façon injuste (que cela soit réel ou non) Michael pouvait réagir avec violence et impulsivité. Le procureur qui le poursuit pour pédophilie en fit les frais. S’estimant persécuté, le chanteur lui dédicaça en retour une chanson haineuse qui se termina par un coup de feu.

Ne vous fait-il pas penser à un petit enfant en colère débordé par ses émotions ? Est-ce qu’il avait les ressources psychiques suffisantes pour les gérer, comme la frustration d’ailleurs ? Comme la boulimique qui se jette sur la nourriture pour court-circuiter son angoisse et combler le vide, il se gave de médicaments et se ruine en dépenses inconsidérées.

Comme boulimie.fr l’observe à propos des personnes boulimiques-anorexiques, Mickael lui aussi voit la vie en blanc ou noir, en tout ou rien. On a l’impression qu’il y a d’un côté les gentils (les enfants qu’il idéalise) et de l’autre les méchants (les adultes jugés corrompus). Or, pour parvenir à l’âge adulte, il faut être capable de distinguer les nuances, comprendre que l’autre n’est pas ou tout bon ou tout mauvais. Mais comme les personnes qui ont un problème d’addiction, Michael était resté psychologiquement un tout petit enfant. Ses lunettes roses déformantes le rendaient vulnérable. C’est pour cela qu’il ne se remit peut-être jamais des accusations de pédophilie dont il fut l’objet, convaincu que les adultes ne l’aimaient pas.

Excessif dans sa vie, Michael l’était aussi dans son art. Les chansons romantiques et sucrées contrastent avec les histoires provocantes de « bad boy » qu’il interprète d’une voix d’ange. Souvenez-vous de ce clip où il danse de façon sexuellement provocante et explose une voiture à coups de batte de baseball. Quel contraste avec la douceur des vidéos où il apparaît sous les traits d’un ange ou d’un enfant. Quel contraste aussi entre sa timidité d’adolescent et son assurance de danseur. Qui a oublié ses parades amoureuses sur scène ou son fameux jeu de main sur sa braguette ? Le « king of the pop » était bien le roi du paradoxe et de la démesure.

De la démesure, il lui en fallait pour se sentir exister. Petit enfant insatiable, il avait un besoin d’amour XXL. Comme le bébé a besoin de se sentir en symbiose avec sa mère, il recherche l’amour à travers la fusion avec l’autre pour se sentir vivant. Regardez le lors d’un concert, enthousiaste et pétillant, alors que dans l’intimité, il paraît presqu’éteint. « Je suis tellement heureux » confie-t-il à un ami photographe quelques heures avant son décès. « Je me sens tellement en vie…Tu le vois ? C’est sur scène que je suis chez moi..

Pourquoi j’en suis resté éloigné si longtemps? La seule chose qui me manque, ce sont mes fans, mes amis, ma famille… mais ils viendront. Je sais qu’ils viendront.» Quand Michael prononce ces mots, on devine qu’il ne se sent « plein » que quand il est sur scène. Témoin des dernières répétitions de la star, son ami décrit un Michael Jackson épanoui : « Entre les chansons, il éclatait de rire et plaisantait avec les danseurs et le chorégraphe. Je ne l’avais jamais vu si heureux ». On est bien loin de l’image de cet homme-enfant craintif et évitant décrit dans la presse. Peut-être se la jouait-il « viril et assuré» sur scène parce qu’il était timide et effacé dans la vie. Et si, en définitive, c’était quand Michael chantait qu’il était lui-même ? Est-il possible qu’à force de vouloir plaire et se sentir aimé, Michael ait refoulé l’adulte derrière le masque de l’enfant?

Que le prix à payer est lourd quand on est resté bloqué en enfance. Le cœur de Michael, ancré dans l’enfance ne l’empêcha-t-il pas de développer des relations adultes nourrissantes ? Brook Shields, sa petite amie dans les années 80, se doutait qu’il ne pourrait jamais lui offrir une vie de couple normale. « Quand nous étions ensemble » dit-elle à la presse, « nous étions juste deux enfants qui s’amusaient ». Quand Michael la demande en mariage, elle lui répond : « Tu m’as pour le restant de ta vie ; tu n’as pas besoin de m’épouser, je vais faire ma propre vie, me marier et avoir des enfants mais tu m’auras toujours ». Probablement qu’elle ne voyait en lui qu’un petit garçon à materner et non un homme en mesure de satisfaire ses besoins.

Marie-Lisa Presley mariée deux ans à Michael, confia aussi ne pas avoir eu une « relation de couple normale ». Son mari ne la satisfaisait pas sexuellement. « Trop, doux, trop timide, il ne comblait pas mes instincts » lira-t-on dans Play Boy. Certaines attitudes de Michael confirment d’ailleurs sa difficulté à être intime avec ses partenaires. Il aurait par exemple toujours refusé que Lisa-Marie le voie sans maquillage ou nu avec la lumière allumée. « Lisa essayait de le surprendre en se levant tôt et en lui tapant sur l’épaule. Il criait alors « Non, ne me regarde pas ! » et se sauvait dans la salle de bain », confia un ami de la jeune femme. On veut bien y croire, quand on voit comment Michael se comporte dans certains talk-shows. Gêné et mal à l’aise, il rougit quand on l’interroge sur sa sexualité et tente d’esquiver les questions indiscrètes en répondant qu’il est un gentleman. Sans doute que l’acte sexuel ne l’intéressait pas vraiment. Comme beaucoup de personnes boulimiques, je crois qu’il recherchait avant tout de la tendresse maternelle. C’était en définitive d’une maman dont il avait besoin plutôt que d’une partenaire de jeu. Cela explique probablement pourquoi il aimait tant Diana Ross, Elisabeth Taylor ou Jane Fonda. Ces trois femmes, d’ailleurs, le lui rendirent bien. Qui d’ailleurs n’aurait pas été touché en plein cœur par cette demande pathétique d’amour ? Quelle mère n’aurait pas voulu consoler cet enfant triste que l’on sentait si perdu ?

« On voyait bien qu’il souffrait, qu’il ne s’habitait pas complètement » dit Céline Dion. « J’ai toujours eu cette envie de vouloir le sauver, de vouloir le prendre dans mes bras. » Mais qui aurait pu combler une demande d’amour aussi massive ? Même, Marie-Lisa Presley qui l’aimait fort, échoua, épuisée émotionnellement, dit-elle, pour avoir voulu le sauver. C’est peut-être pour cela que Michael abandonna définitivement le monde des adultes pour celui des enfants. A l’instar des boulimiques qui ont besoin d’une bulle pour échapper à leurs émotions dévorantes et au malaise qu’elles éprouvent dans la relation à l’autre, il s’était construit Neverland. Entouré d’enfants et d’animaux, se sentit-il enfin en sécurité ? Trouva-t-il auprès d’eux ce qu’il ne trouva jamais chez les adultes, à savoir une acceptation et un amour inconditionnel ? Du réconfort certainement mais le bonheur…Peut-on être heureux quand on vit avec une telle peur au fond de soi ?

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