Les antidépresseurs peuvent-ils vaincre la boulimie ?

Les antidépresseurs peuvent ils vaincre la boulimie ?

Une femme me téléphone ce matin pour demander si je connais une psychothérapie de groupe existentielle sur Toulon. Cette fois elle veut aller droit au but et trouver une psychothérapie qui va enfin la délivrer de ses crises de boulimie.

Elle a déjà tenté plusieurs approches différentes, centrées sur le sevrage et un travail sur le passé. Mais elle reste toujours aussi obsédée par la nourriture et ses boulimies lui gâchent la vie.

Elle commence à me raconter son histoire, s’apprête à me dire les événements qui de son point de vue sont sans doute responsables de son addiction. Je l’interrompt très vite. Les personnes qui me contactent ont toutes tendance à me raconter leur histoire au téléphone comme si cela devait m’aider à mieux les connaître.

Mais je leur dis qu’il n’y a pas besoin de connaître leur histoire pour comprendre. Quelles que soient les personnes et quelle que soit leur histoire, on commence à savoir maintenant que les gens qui ne peuvent pas vivre sans une addiction sévère, et dont aucune thérapie médicale ne vient à bout, ont un trouble de la personnalité lié à la toute première enfance. Même si celle-ci s’est en apparence très bien passée et même si l’addiction n’est apparue que tardivement.

« Oui mais alors quoi faire » ? demande-t-elle :« ici je ne trouve que des approches centrées soit sur le sevrage de l’addiction soit sur un éclairage du passé et ça ne me guérit pas. Tout récemment je suis allée voir un psychiatre qui m’a dit que j’étais déprimée et qui a voulu me mettre sous antidépresseurs à haute dose. J’ai refusé. Je ne me sens pas du tout déprimée. J’ai de la joie de vivre, je sors, je fais la fête, j’aime mon mari, j’aime mon travail — je travaille avec des enfants— et tout se passe super bien dans mon univers professionnel. J’ai vraiment l’impression qu’à chaque fois que je vais voir un psy ça ne sert à rien, parce que même si ça m’aide à comprendre un certain nombre de choses, je n’arrive pas à me débarrasser de mon seul et unique problème qui est ma relation à la nourriture. Ca me bouffe un temps énorme ! Tout ce que je cherche moi, c’est de pouvoir vivre ma vie telle qu’elle est, sans être obsédée par la nourriture ».

Je lui explique que dans beaucoup d’institutions l’addiction alimentaire, et même l’addiction en général, ne sont pas encore bien comprises: on les approche comme un problème médical, alors qu’à la base c’est un problème psychologique. La médecine peut être utile, mais surtout pour soigner les dommages corporels éventuels liés à l’addiction. Ce que l’on commence à comprendre maintenant c’est que quelque chose s’est passé dans la toute première enfance de la personne qui perturbe sa vie relationnelle aujourd’hui. Il s’est passé que, l’identité se construisant à partir de la relation à l’autre, et la relation à l’autre n’ayant pas suffisamment apporté à l’enfant le reflet de qui il est, la personne n’a pas construit vraiment son identité. Elle n’a construit que ce qui plaît à l’autre sans savoir s’appuyer sur ce qui lui plaît à elle-même.

J’explique à cette personne qui aimerait profiter de sa vie familiale sans la boulimie que contrairement à ce qu’elle croit, ce n’est pas son addiction qui l’en empêche: c’est sa difficulté à accéder à de véritables moments d’intimité y compris dans sa vie familiale qui crée un vide et qui produit la nécessité de l’addiction alimentaire pour se remplir.

Comme beaucoup de ceux qui ont une addiction sévère, dans la vie sociale elle n’a pas de problème. Mais dans sa vie intime, elle en a un : elle n’est pas émotionnellement sur la même longueur d’onde que tout le monde. De ce fait elle se sent seule, et pour calmer l’angoisse de sa solitude intérieure, elle mange pour se sentir pleine.

Je lui demande:
— C’est quand vous n’avez rien à faire de particulier chez vous que vous commencez à manger ?
— Oui c’est ça, c’est quand je n’ai plus rien à faire ou que ce que je fais ne m’intéresse pas particulièrement que j’ai envie de manger.

Je lui explique :
— C’est parce que quand les personnes qui ont une addiction n’ont rien à faire, l’angoisse s’empare d’elles, du fait qu’elles ne se suffisent pas à elles-mêmes. Elles ont besoin d’être occupées, occupées par quelque chose qui leur plaît. Quand ce n’est pas le cas elles se trouvent face à elles-mêmes et elles ressentent un vide insupportable. — D’où ça vient ce vide ? demande-t-elle.
— De quelque chose en vous qui ne s’est pas construit au moment de la toute première relation avec l’autre, quand vous étiez bébé. Certes vous n’êtes pas déprimée, certes vous prenez du plaisir à un grand nombre d’activités. Mais dans le rapport à l’autre vous êtes, sans vous en rendre compte, légèrement décalée, intimement parlant. Ca ne se voit pas en surface quand on est en contact avec vous, mais vous, vous le ressentez et vous finissez par vous sentir seule au monde, même quand vous êtes avec les gens que vous aimez et qui vous aiment. C’est de là que vient votre sentiment de vide. C’est ce qui déclenche de l’angoisse à laquelle vous réussissez à échapper, en vous remplissant de nourriture quand rien de passionnant pour vous ne vous «occupe ».

Les personnes qui ont une addiction disent souvent que lorsqu’elles sont « occupées » par quelque chose qui les passionne, ça va. Mais quand elles ne sont pas « occupées » c’est là qu’elles ont besoin de se « remplir » (ou de se shooter). Il faut une action passionnante ou quelque chose d’extérieur pour ne plus ressentir son vide intérieur.

— Mais alors quelle thérapie peut m’aider à remplir ce vide ?
— Une thérapie de groupe (mieux qu’une thérapie individuelle) permet de faire les ajustements relationnels qui n’ont pas pu être acquis dans la petite enfance avec la personne nourricière. Grâce aux interactions du groupe, on réussit à entrer authentiquement en contact avec l’autre, on découvre ses peurs, ses envies, ses limites et tout ce qui permet finalement de reconnaître les fondements de son identité propre. Ce faisant, on se débarrasse au passage de tout ce qui n’est pas soi, et en particulier des croyances, qui jusque là nous installent dans une vie qui n’est pas vraiment la nôtre.

Si un antidépresseur doublé d’un anxioliyque peuvent vous aider à souffrir mois, c’est utile. Je connais beaucoup de gens qui ont été moins déprimé par leur addiction et leurs humeurs extrêmes. Mais en plus vous avez surtout besoin d’un plongeon dans la vie relationnelle authentique, de découvrir par l’expérience qui vous êtes réellement, et de quoi vous avez besoin pour vous sentir exister.

Vous l’obtiendrez par la participation à un groupe de thérapie. Ne recherchez pas un groupe de thérapie pour boulimiques qui repose sur un autre principe, mais un groupe de thérapie qui travaille sur la relation à l’autre. C’est par cette approche que vous construirez une relation à vous-même et que votre addiction à la nourriture aura des chances de pouvoir disparaître.

Laisser un commentaire