Confiance en soi

boulimie_avril_2011Aquisition de la confiance en soi chez l’animal comme chez l’homme par Sarah Bréhant.

Sarah, étudiante en éthologie a souhaité faire un article sur ce que les animaux peuvent nous apprendre de nous-même. Ainsi elle nous fait découvrir que les difficultés de l’enfance peuvent créer des dysfonctionnements plus tard chez l’adulte lesquels peuvent être rattrapés par un apprentissage de la confiance en soi.

Essayer de comprendre pourquoi les animaux agissent est une entreprise énigmatique et captivante. J’apprends à donner un sens à mes propres actions et motivations, mêmes les plus absurdes a priori, comme la boulimie, en regardant le comportement animal.

La personnalité des êtres humains et le type de mode relationnel qu’ils vont développer sont en partie façonnés par les premiers échanges, par la relation (sécurisante ou anxieuse) à la mère, l’enfance, etc.

De la même façon le comportement des animaux est parfois très profondément marqué par les expériences précoces de leur existence. Les chercheurs parlent d’effets « ”winner” » et « ”loser” » lorsqu’un jeune animal a une claire tendance à toujours gagner ou à toujours perdre les combats dans lesquels il affronte d’autres individus. Par définition, plus un animal perd les combats, plus il a une grande chance de perdre les suivants parce qu’il perd de plus en plus confiance dans ses capacités. C´est l´effet “loser”. Et inversement, plus il gagne, plus il prend confiance en lui et augmente sa chance de gagner les prochains combats. C’est l´effet “winner”. Ce mécanisme permet de créer une hiérarchie plus ou moins stable au sein d’une fratrie de jeunes oiseaux, comme par exemple celui au nom étrange : le Fou à Pieds Bleus. Ces effets de l´expérience précoce créent aussi des tendances générales de comportement dominant ou soumis. Le jeune oiseau dominé, maintenu dans la soumission par cet effet “loser”, ne se soumettra pas seulement à son frère (ou à sa sœur) dominant(e), mais également à tous les autres jeunes oiseaux qu’il rencontrera. Il part, en quelques sortes, vaincu d’avance et sans espoir

Ce qui est intéressant, c’est que sa force physique et sa capacité réelle à combattre n´ont pas été modifiées au cours de ces défaites successives (il reste techniquement aussi doué au combat que les autres oiseaux). Mais c’est seulement la représentation de sa capacité à gagner qui a été modifiée. Ces jeunes oiseaux ”loser”  perdent même des combats contre des adversaires beaucoup plus petits et moins forts qu’eux !

Le comportement, les réussites et les échecs actuels de l´existence peuvent donc être très fortement influencés par la seule perception de soi-même construite dans le passé. Un autre exemple de l’effet des expériences précoces est présenté par Boris Cyrulnik dans Parler d’amour au bord du gouffre. Il évoque l’exemple d’une femelle macaque qui a vécu un développement carencé et qui n’a pas appris les rituels d’interaction qui favorisent la rencontre avec les mâles. Elle est attirée par eux, s’en approche mais très effrayée par son incapacité à entrer en contact avec eux elle les attaque ou prend la fuite.

Chez les personnes boulimiques, une mauvaise, voire une très mauvaise estime de soi est un trait fréquemment observé. Alors qu’elles sont pourtant nombreuses à n’avoir pas de raisons de douter autant d’elles-mêmes tant elles se sont investies et accomplies sur le plan professionnel, social ou physique. D´ailleurs on peut leur dire souvent  « tu as tout pour être heureuse », « arrête de te plaindre, ouvre les yeux », etc. N´empêche qu´elles sont souvent persuadées qu’elles l’admettent ou non de ne rien valoir face aux autres, d´être plus nulles, moins intéressantes, moins attirantes.

Tout se passe comme si les personnes boulimiques étaient elles aussi fortement maintenus dans une sorte d´effet  ”loser”  (sans connotation péjorative), un mécanisme involontaire similaire à ce qu´expérimentent certains animaux. Il semblerait qu´elles souffrent d´un mécanisme invisible (puisqu´en apparence tout va bien chez elles), mais qui existe pourtant puisque les effets sont réels et pesants au quotidien.

J’ai trouvé intéressant de mettre en rapport ces effets étudiés chez les animaux et les fausses croyances qui maintiennent dans la conviction qu’on n’est plus nul, moins intéressant que les autres. Les fausses croyances nous figent dans une certaine perception de nous-mêmes et elles sont « imprimées dans notre inconscient dès notre plus jeune âge, pour la majorité, découlant de gens nous ayant fait vivre des situations, certaines à répétition. On les appelle des fausses croyances car elles ne sont pas fondées sur la vraie réalité de chacun. En effet, lorsqu’on met à jour, en thérapie notamment, les fausses croyances qui amènent une personne à toujours réagir de la même façon à une situation, on remarque que, souvent, elles ne correspondent pas à la réalité actuelle de la personne.» (Sur les fausses croyances dans boulimie.fr)

Si les fausses croyances sont parfois de grandes contraintes, lourdes, bien établies, il n’est heureusement pas impossible de les assouplir, voire de s’en affranchir. Chez les animaux comme chez les humains il existe des moyens efficaces d’agir sur la perception de soi. Ainsi les chercheurs ont montré que ces effets “winner” et “loser”, même s´ils sont puissants, ne sont pas irréversibles. Mais s´en défaire nécessite un effort. Il est possible d’entraîner les oiseaux “loser” à prendre confiance en leurs capacités et à réduire peu à peu leur tendance soumise. Si l´entraînement est intense et durable, ils peuvent même reprendre confiance en eux-mêmes au point de passer de dominés craintifs à dominants sûrs d’eux en peu de temps.

Les psychothérapies peuvent aider à revisiter les fausses croyances et à apprendre à se libérer au moins partiellement de certains gros blocages émotionnels. Depuis que j’ai commencé une thérapie de groupe il y a un an, je me rends compte (et me réjouis!) des profonds remaniements émotionnels qui s’opèrent petit à petit en moi et aussi du changement de la perception que j’ai de moi-même ainsi que des multiples bénéfices quotidiens que ce changement induit (dont le départ des boulimies, entre autres).

Référence:Boris Cyrulnik Parler d’amour au bord du gouffre, Editions Odile Jacob

Fin de l’article

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