Les faux sourires ne trompent que soi

janvier-2015La bête noire de ceux qui ont un trouble du comportement alimentaire c’est le besoin irrépressible de manger qui prend la tête tout le temps. Mais ce besoin ne tombe pas du ciel: il a pour fonction d’apaiser une angoisse existentielle très profonde liée au fait qu’on se sent étranger à ce monde-là, trop sensible émotionnellement, et pas vraiment dans sa vie. Cela ne se voit pas parce que l’on joue à être quelqu’un d’autre, heureux, souriant, parfait, mais on fond de soi on sait bien que si tout paraît parfait, on est comme un personnage en quête d’auteur qui s’ennuie en improvisant un rôle convenu dans une pièce qui semble écrite pour quelqu’un d’autre. Qu’importe on essaie de faire bonne figure. Mais qui trompe-t-on avec ses faux sourires ?

Comment je fais pour paraître si simple, si rigolote, si heureuse devant mes amis ? Comment je fais pour me lever chaque matin, aller en cours, réussir mes exam’s avec mention et, en plus, donner l’impression d’avoir la pêche ? « , demande-t-elle au thérapeute avec un sourire radieux et le regard clair de quelqu’un qui semble habité d’une forme éclatante et jubilatoire.

Maud est angoissée et perdue, mais elle fait de gros efforts pour que ça ne se voit pas. Très jolie, très bien  » lookée « , du haut de ses vingt ans elle semble à première vue traverser la vie avec légèreté au point que les garçons lui trouvent un air coquin. Elle cultive l’illusion en minaudant, ce qui ne l’empêche pas de s’étonner qu’on la voit on jolie, elle qui se trouve moche et grosse.

{xtypo_quote_right}Les émotions se reconnaissent sur le visage objectivement et sont parfois mieux entendues que les discours.{/xtypo_quote_right}Muselée derrière un personnage qui ne lui ressemble pas, Maud se cache derrière son sourire mais qui trompe-t-elle vraiment ? Qui touche-t-elle réellement ?

Un vrai sourire ça se voit

Peut-on être attiré par quelqu’un qui se distancie de ses émotions dans la mesure où il est établi aujourd’hui par les neurobiologistes que l’empathie est essentielle pour la communication et qu’elle se détecter de façon non verbalement… sur l’expression du visage ?

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, le neurologiste Duchenne de Boulogne réalise une série d’expériences sur l’expression faciale de l’émotion. Il utilise la photographie et la stimulation électrique des muscles de la face pour mettre en évidence les mouvements associés à l’expression des émotions et remarque notamment que les sourires exprimant une joie sincère se différencient des sourires volontaires par la contraction d’  » orbicularis oculi « , un muscle situé autour des yeux.

Le sourire de Duchesne

Reprenant les travaux de Duchenne, en 1980, Ekman, un psychologue américain met en évidence le fait que nous sommes pour la plupart incapable de contracter volontairement le muscle orbicularis oculi et a proposé de baptiser  » sourire de Duchenne  » (Duchenne’s smile) le vrai sourire dans lequel le muscle orbicularis oculi est contracté.

Tout le monde ne connaît pas ce muscle orbicularis oculi, mais tout le monde sait, instinctivement, reconnaître un vrai sourire d’un faux, une expression d’angoisse, le regard de quelqu’un qui regarde vraiment ou qui se regarde en vous regardant…

Maud, avec son sourire ne trompe probablement personne et sa communication non verbale trop parfaite renseigne peut-être même ceux qui la regardent vraiment sur l’ampleur de son manque de confiance en elle-même.

Catherine Hervais

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