Peut-on se libérer du passé?

Peut-on se libérer du passé ?
«Le secret du changement consiste à concentrer son énergie pour créer du nouveau, et non pas se battre contre l’ancien» écrivait Dan Millman1.

Il n’empêche que certaines personnes ne parviennent pas à créer du nouveau, tant elles sont engluées dans leur passé, sans le savoir, sous la forme de discours intérieurs négatifs qu’elles se tiennent à elles-mêmes : « Je suis moins bien que les autres », « j’ai des bons résultats scolaires (ou professionnels) mais, au fond, je suis nulle », « je ne suis rien sans mes parents …mon compagnon … mes enfants… mon mari… mon travail». Elles n’ont pas conscience que ces assertions négatives ne sont pas la réalité mais les séquelles d’un malaise infantile souvent précoce qui ne laisse pas sa place au présent.

En tant que nourrisson, on n’a pas encore la faculté de penser, mais on perçoit déjà la présence ou l’absence de l’autre. Selon que la personne maternelle est très réactive ou pas aux indices minimaux indiquant les changements de rythme et les besoins de l’enfant, ce dernier peut se sentir en confiance ou pas. Si les moments de désarroi sont plus fréquents que les moments d’apaisement, et si face à ces moments de désarroi la personne maternelle n’a pas la faculté de rassurer l’enfant, ce dernier peut ressentir un stress envahissant qui va compromettre ultérieurement sa relation à lui-même et aux autres.

Il arrive aussi que la personne nourricière soit très accompagnante, très réactive et cependant pas suffisamment apaisante pour des enfants émotionnellement fragiles. Quand le nourrisson naît avec un organisation neurophysiologique qui fait de lui un bébé émotionnellement hypersensible, et que la réponse de la personne nourricière ne répond pas à tous ses besoins, l’insécurité, la peur, le manque de confiance en l’autre (c’est un ressenti pas un sentiment) fait qu’il ne développe pas de confiance en lui-même, ce qui conditionne toute sa vie relationnelle ultérieure.

Quand on entre dans l’intimité des personnes qui ont une addiction sévère, on se rend compte qu’elles n’ont pas d’estime pour elles-mêmes au point qu’elles sont obligées de s’agripper aux autres (dans le domaine affectif) pour se sentir en vie. Si il n’y a pas possibilité de s’accrocher à quelqu’un, parce qu’on a trop peur ou que l’on est déçu par la relation aux autres, ou que l’on a fait fuir tout le monde… on se sent plus proche de la non vie que du sentiment d’exister. Alors, pour ne pas basculer dans la dépression, on a recours à un comportement addictif: drogue, alcool, médicaments, nourriture… parfois tout à la fois pourvu qu’on ne pense plus.

Les personnes émotionnellement hypersensibles restent souvent prisonnières de leur passé comme si elles n’avaient jamais dépassé le cap de leur petite enfance. Ainsi, Sonia est encore à trente-cinq ans dans un registre affectif de petit enfant. En parlant de sa mère elle dit qu’elle « angoisse face à l’inquiétude hyper-intrusive de cette dernière, qui veut tout savoir sur tout et qu’elle voit comme une mante religieuse qui va la dévorer toute crue ». Marc a quarante ans mais n’ose pas dire à son père qu’il va divorcer tant il a peur de la réaction de ce dernier. Quant à Odile, cinquante ans, elle se laisse maltraiter par sa patronne au-delà du supportable parce qu’elle ne se sent toujours pas capable de s’affirmer face à ceux de son entourage qui ont du pouvoir.

L’hypersensibilité, souvent observable dès le plus jeune âge, est une caractéristique qui influence profondément la vie psychique de l’individu tout au long de son existence. Les personnes hypersensibles perçoivent le monde avec une acuité particulière, ressentant les émotions, les stimuli et les nuances avec une intensité souvent supérieure à la moyenne. Cette sensibilité accrue, bien que source de richesse et de profondeur émotionnelle, peut aussi engendrer des défis spécifiques à mesure que l’individu grandit.

L’un des éléments clés de cette hypersensibilité est la sérotonine, un neurotransmetteur essentiel dans la régulation de l’humeur, de l’appétit et du sommeil. Les niveaux de sérotonine peuvent influencer la manière dont une personne réagit aux stimuli émotionnels. Chez les hypersensibles, une régulation atypique de la sérotonine peut rendre ces individus plus réceptifs aux émotions, positives comme négatives. Cela peut les rendre plus susceptibles de ressentir de l’anxiété, de la dépression ou d’autres troubles de l’humeur.

À l’âge adulte, cette hypersensibilité du premier âge se traduit souvent par une profondeur émotionnelle, une grande empathie et une intuition accrue. Ces individus peuvent être d’excellents auditeurs, des artistes passionnés ou des thérapeutes doués. Cependant, ils peuvent aussi être facilement submergés par des environnements bruyants, des situations conflictuelles ou des changements inattendus. Leur sensibilité à la sérotonine peut les rendre plus vulnérables aux fluctuations émotionnelles, nécessitant une attention particulière à leur bien-être mental.

Il est essentiel de reconnaître et de comprendre l’influence de l’hypersensibilité sur la vie psychique de l’adulte pour offrir un soutien adapté. Cela implique souvent des stratégies d’adaptation, comme la méditation, la thérapie ou des exercices de pleine conscience, pour aider à gérer l’intensité émotionnelle. En comprenant le rôle de la sérotonine et en reconnaissant les défis et les atouts de l’hypersensibilité, il est possible d’embrasser cette caractéristique unique et de la transformer en une force tout au long de la vie.

Ce jour-là, le groupe tirait à sa fin. Claire en était plus ou moins au même point : elle continuait à se sentir nulle et inintéressante. Pourtant, quand à la fin du groupe la thérapeute demande à chacun quel a été son moment fort, agréable ou désagréable, Noémie, quand vient son tour, se surprend à dire, sans réfléchir: « C’est mon huitième groupe et malgré cela je n’arrive pas à parler, et encore moins pendant les pauses repas. Mais si j’avais réussi à m’exprimer, je serais allée vers Lisa pour lui dire combien je la trouve sympa. » La thérapeute lui propose alors l’occasion de créer « du nouveau ». Elle l’invite à se lever, à aller vers Lisa, à s’approcher tout près, à lui prendre les mains et à lui dire, les yeux dans les yeux qu’elle la trouve sympa.

Courageusement la jeune femme accepte le challenge. Elle s’approche de Lisa, et, les joues rouges, elle dit à la jeune femme combien elle la trouve sympa. Elle ajoute que, si elle avait osé, elle serait volontiers allée vers elle pendant les pauses repas.

Elle fut tout étonnée constater que Lisa était aussi émue qu’elle. Cette dernière lui répondit qu’elle la trouvait sympa aussi, qu’elle regrettait qu’elle n’ait pas osé venir et que, à un prochain groupe, elle se réjouirait de passer un moment avec elle pendant la pause repas pour la connaître mieux. L’authenticité de l’échange était très beau. Il apparaissait clairement aux autres participants comme à Claire que Lisa ne répondait pas juste pour faire politesse sociale. Elle était sincère.

Voilà que tout à coup, à son insu, Claire expérimentait l’inimaginable. Elle n’était pas aussi intéressante qu’elle le croyait : la personne qui lui plaisait le plus à ce groupe avait envie de mieux la connaître !

Et ainsi, bien qu’encore prisonnière de son passé, Claire vivait dans le présent du groupe une expérience nouvelle lui permettant de changer son regard sur elle-même.

1 « La voix du guerrier pacifique » éd. Octave 2010) Notre vie se compare à l’ascension d’un sentier de montagne. En cours de route, nous devons affronter des défis de toutes sortes. Nous savons pour la plupart ce qu’il faut faire, mais pour effectuer de véritables changements, nous devons passer du savoir à l’acte. Dan Millman nous montre comment – nous engageant sur la voie du guerrier pacifique – nous pouvons transmuer nos intentions en actions, nos défis en forces et nos expériences en sagesse. Cet ouvrage nous donne des moyens simples, mais combien puissants, de trouver notre équilibre physique, de nous libérer l’esprit, d’accepter nos émotions et d’ouvrir notre coeur. Le bonheur est une pratique de chaque instant. La voie commence là où nous sommes. Elle fonctionne à tous les niveaux. La méthode est l’action. Le temps, maintenant. Dan Millman est l’auteur des best-sellers « Le guerrier pacifique », « Le Voyage Sacré du guerrier pacifique » et « Votre chemin de vie ». Ancien champion de gymnastique, il a enseigné à l’Université de Stanford, au Oberlin College et à l’Université de Californie. Ses récits allient des principes universels à la sagesse populaire et permettent d’adopter une attitude de guerrier pacifique face au quotidien !

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