Troubles « borderline » de la personnalité: masque ou authenticité?

Quand on a des troubles de la personnalité borderline, parfois cela ne se voit pas, on joue un rôle. Mais on peut aussi être très authentique et en même temps, agressive et décalée, comme cette jeune femme

L’addiction boulimique anorexique est un trouble du comportement tellement envahissant, tellement aliénant, qu’on pense souvent qu’elle est la cause du mal de vivre. Mais ce n’est pas parce qu’on a une addiction qu’on vit mal c’est parce qu’on n’est pas dans SA PEAU, parce qu’on a une personnalité particulière que l’on a une addiction.

Chacun est unique, bien entendu, mais il y a souvent des traits de personnalité communs chez ceux qui ont un trouble du comportement alimentaire. Le type de personnalité que l’on retrouve le plus souvent est le trouble de personnalité « borderline » très bien décrite dans le DSMIV-R qui le manuel international diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux.
Quand on est « borderline » on se sent coupé du monde comme dans un bocal

Si on les regarde fonctionner dans leur registre émotionnel, si on les écoute parler de leur vie, de leurs manques affectifs, de leurs attentes, on s’aperçoit que, derrière une image qu’elles cultivent souvent au plus que parfait, leur personnalité rassemble à elle seule à peu près tous les critères des troubles de la personnalité décrits par le DSMIV, et particulièrement le trouble de la personnalité borderline.

Le manuel de psychiatrie décrit plusieurs types de personnalités

Voici la liste de neuf personnalités répertoriées par ce manuel qui sert de référence à la psychiatrie moderne :

– La personnalité paranoïaque est caractérisée par une méfiance soupçonneuse envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes.
– La personnalité schizoïde est caractérisée par un détachement des relations sociales et une restriction de la variété des expressions émotionnelles.
– La personnalité schizotypique est caractérisée par une gêne aiguë dans les relations proches, par des distorsions cognitives et perceptuelles et des conduites excentriques.
– La personnalité antisociale est caractérisée par un mépris et une transgression des droits d’autrui.
– La personnalité borderline est caractérisée par une impulsivité marquée et une instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects.
– La personnalité narcissique est caractérisée par des fantaisies ou des comportements grandioses, un besoin d’être admiré et un manque d’empathie.
– La personnalité évitante est caractérisée par une inhibition sociale, par des sentiments de ne pas être à la hauteur et une hypersensibilité au jugement négatif d’autrui.
– La personnalité dépendante est caractérisée par un comportement soumis et « collant  » lié un besoin excessif d’être pris en charge.
– La personnalité obsessionnelle-compulsive est caractérisée par une préoccupation par l’ordre, la perfection et le contrôle « .

Quand on lit ces descriptions, on s’aperçoit que les personnes boulimiques anorexiques répondent parfois aux critères des troubles de la personnalité dépendante et antisociale, et plus souvent aux critères associés des personnalités paranoïaque, schizoïde, schizotypique, évitante, narcissique et obsessionnelle-compulsive. Elles fluctuent de l’une à l’autre selon les périodes et les circonstances. Et on les retrouve tout à fait dans leur impulsivité marquée et dans l’instabilité de leurs relations interpersonnelles intimes.

La personnalité borderline selon la psychiatrie

Sont  borderline dans le manuel de psychiatrie international les personnes qui présentent les caractéristiques suivantes :

– Efforts effrénés pour éviter les abandons, réels ou imaginés.
– Mode de relation interpersonnelle instable et intense, caractérisé par l’alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation.
– Perturbation de l’identité. Instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi. Sentiment de ne pas exister, de représenter quelque chose de mauvais.
– Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet : dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie.
– Répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires ou d’automutilations
– Instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur : dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours.
– Sentiment chronique de vide.
– Colères intenses ou inadéquates ou difficulté à contrôler sa colère : fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées.
– Survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères.

La structure le la personne borderline selon la psychanalyse

Si le DSMIV est la grille de lecture préférée du monde psychiatrique hospitalo-universitaire, selon la psychanalyse il y a quatre grands types de structure de personnalité :
– Les névrosés (le plus courant
– Les psychotiques
– Les pervers
– Et les borderlines.

Tout se joue à partir du complexe d’oedipe (ce moment de la vie de l’enfant où il comprend que maman n’est pas à lui et où il va s’organiser psychiquement, tout petit, sur un plan imaginaire et symbolique, pour prendre sa vie en main.

Le complexe d’oedipe

Quand tout se passe à peu près bien, on devient un sujet plus ou moins « névrosé », (comme la plupart des gens selon Freud). L’enfant se détache du sein, comprend que maman n’est pas à lui, fait une dépression (vers le huitième mois) et se met à remplacer maman par tout un jeu symbolique et imaginaire inconscient qui vont lui permettre de ne pas se sentir en danger sans maman. Certaines personnes payent leur autonomie au prix d’un symptômes somatiques ou d’un trouble du comportement. D’autres, plus chanceux évitent des symptômes grâce à ce que Freud a appelé la sublimation (quand le désir s’exprime dans l’artistique).

Les nouvelles thérapies pour la plupart reconnaissent elles aussi souvent la pertinence du complexe d’oedipe: il y a un moment de sa maturation affective en effet où l’enfant s’autonomise. Mais elles considèrent que l’expression verbale émotionnelle et corporelle sont une autre manière de s’autonomiser sans le payer très cher avec des symptômes. En repérant ses émotions, en les exprimant, en s’ajustant aux autres tout en s’ajustant à soi-même, on peut aller bien sans être « piégé » par son inconscient dans des symptômes.

Les personnes borderline ne font pas un « oedipe »

La boulimie anorexie semble plutôt se rattacher à une structure préœdipienne dans la mesure où la personne ne peut pas s’autonomiser émotionnellement, elle ne peut pas « lâcher le sein ». Tout se passe comme si les personnes borderline boulimiques anorexiques n’avaient pas en elles les ressources pour faire un « oedipe » c’est à dire utiliser l’imaginaire et le symbolique pour lâcher maman (qu’on l’adore ou qu’on la déteste). La plupart des personnes qui ont besoin d’une addiction pour vivre n’en sont pas encore à l’ « oedipe ». Elles voient le monde comme si leur regard était encore celui du bébé : tout est blanc ou noir, bon ou mauvais, beau ou laid, indispensable ou inacceptable. Un peu comme si elles étaient toujours au bord de la dépression du huitième mois sans oser s’y laisser glisser vraiment parce qu’elles pourraient s’y anéantir là où la plupart des gens s’en servent pour se construire.

Sur ce sujet, voir aussi notre article: Boulimie: « Borderline » ou « dépendance affective » ?

Catherine Hervais

 

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