Addiction et narcissisme

Addiction et narcissisme

Et si l’addiction était une pathologie du narcissisme ? Et s’il était nécessaire d’abord d’échapper à la tyrannie de son propre regard avant de se lancer dans un sevrage?

Et si l’addiction était une pathologie du narcissisme ? Et s’il était nécessaire d’abord d’échapper à la tyrannie de son propre regard avant de se lancer dans un sevrage?

En référence au mythe de Narcisse qui tomba amoureux de son reflet dans l’eau, on dit couramment de ceux qui semblent un peu trop satisfaits d’eux-mêmes qu’ils sont narcissiques. Mais que dire de ceux qui, au contraire de Narcisse, ne s’aiment pas au point d’avoir sur eux-mêmes un regard résolument négatif?

Il y a aussi un narcissisme de souffrance

Véronique est persuadée qu’elle est moche et que personne ne peut l’aimer. Léa se sait jolie, mais elle se croit nulle et redoute que les gens ne s’en aperçoivent.{xtypo_quote_right}Trop s’aimer ou ne pas s’aimer n’est-ce pas au fond ne regarder que soi{/xtypo_quote_right}Laure n’ose jamais formuler ses envies, même les plus simples, comme dire qu’elle a soif ou trop chaud. Elle se retient même d’aller aux toilettes quand elle doit traverser une pièce pleine de monde. Marc, médecin spécialiste très apprécié dans son service s’arrange pour ne jamais croiser le regard des autres, même quand il leur parle. Il vit comme un calvaire les moments où la proximité est inévitable (repas à la cantine, pots, soirées). Il a très bien réussi professionnellement mais il est persuadé d’usurper son succès.

D’ailleurs, même dans les moments où il se reconnaît des compétences professionnelles, humainement, il pense qu’il ne vaut rien. Que l’on contemple son image amoureusement comme Narcisse ou que l’on se regarde à longueur de temps avec dégoût, n’est-ce pas finalement la même chose ? N’est-ce pas, dans un cas comme dans l’autre, être tout le temps centré sur soi, enfermé ? Narcisse en mourut. Ceux qui ne s’aiment pas assez compensent souvent leur vide relationnel en se réfugiant dans l’alcool ou la nourriture jusqu’à en devenir éthylique, toxicomane, obèse ou trop maigre (à force de se faire vomir).

La trop faible estime de soi

Comment guérit-on du narcissisme ? De toute évidence, pas en soignant uniquement les symptômes. Faire manger Narcisse de force ne résoudrait pas son problème d’être trop centré sur lui-même. Proposer à ceux qui mangent trop de se restreindre ne les soignerait pas de leur trop faible estime de soi.

« La trop faible estime de soi doit impérativement être soignée. Faute de quoi elle se transforme en une mécanique lente d’autodestruction qui mène à un anéantissement, explique le neuropsychiatre Serge Bornstein (Figaro Magazine, article de Marc Durin Valois).

Les psys sont encore partagés

Comment réussit-on à échapper un jour à la tyrannie de son propre regard ? Les « psys » sont encore partagés. Certains pensent utile de revisiter, avec la psychanalyse, les frustrations de l’enfance pour comprendre émotionnellement comment on est conduit à se replier sur soi. D’autres pensent nécessaire de comprendre intellectuellement avec la thérapie cognitivo- comportementale dans quels mécanismes émotionnels mentaux on a tendance à s’enfermer. D’autres préfèrent les thérapies de groupe qui ont l’avantage de privilégier l’expérimentation en direct : en groupe on peut voir très concrètement comment on s’y prend pour se renfermer sur soi mais aussi et surtout comment on peut s’y prendre pour s’ouvrir progressivement à la relation authentique avec l’autre. Le travail en groupe est performant explique Serge Bornstein, parce qu’il apprend aux gens à établir des liens avec le monde et avec le mouvement, à sortir de leur isolement, de leurs ruminations.

Il faut peut-être d’abord en passer par l’autre pour revenir à soi.

Catherine Hervais

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