Stopper les compulsions alimentaires : combler le vide intérieur

Les compulsions alimentaires : plongée dans les mécanismes psychologiques profonds

Explorons les mécanismes psychologiques profonds de la boulimie : un réflexe de survie, un vide identitaire, une peur panique de vivre. Comprendre pour guérir.

La boulimie est souvent perçue de l’extérieur, et vécue de l’intérieur, comme un combat acharné et honteux contre soi-même et contre la nourriture…. C’est une lutte constante pour éviter de manger, pour ne pas « craquer », une tentative désespérée de maîtriser une envie qui semble tout dévorer…. On s’occupe, on s’agite, on cherche mille moyens de fuir cette pulsion irrésistible…. Pourtant, malgré cette volonté farouche, il y a des moments où la compulsion l’emporte, où l’on « boulime pendant des jours et des jours »…. Cette envie est décrite comme étant « plus fort que moi, ça me prenait : il fallait que je mange ». Ce besoin impérieux de manger à volonté n’est cependant pas, selon les sources, une simple question de manque de volonté…. C’est une fausse idée ou une croyance fausse que de penser que la boulimie est une simple faiblesse de caractère. La volonté appartient à la partie consciente de nous-mêmes, ce que les sources appellent le « Moi-conscient ». Mais la boulimie a un objectif bien plus profond : elle vise à satisfaire des besoins profonds et souvent inconscients….

La Boulimie comme réflexe de survie face à l’angoisse et au vide

L’un des mécanismes psychologiques fondamentaux mis en évidence par les sources est que la boulimie agit comme un réflexe de survie…. Ce n’est pas un manque de courage, mais un mécanisme désespéré mis en place pour calmer une angoisse très profonde… ou pour gérer une peur panique de vivre. C’est une gestion de sa peur…. La compulsion est une urgence… qui permet d’apaiser cette angoisse ou de combler ce vide immense que l’on ressent en soi…. Ce vide n’est parfois même pas ressenti autrement qu’à travers cette compulsion….

Ce vide immense est central…. Il est décrit comme un vide d’existence, la sensation d’être vide, incomplet, inexistant…, ou encore de n’être « rien », « jamais né », ou « complètement vide, morte »…. Même si, en apparence, tout semble aller bien dans la vie de la personne…. Manger procure alors, dans ces instants de crise, une sensation fugace d’être simplement vivante… ou remplie. C’est une tentative de combler l’absence de sens, d’émotion ou de lien. La nourriture devient un moyen d’apaiser un ennui ou une angoisse. La crise peut donner l’impression de retourner à un état infantile où l’on ne pense à rien, la bouche pleine, fonctionnant comme un calmant pour compenser une angoisse reliée à un problème d’identité…. Ce sentiment de ne pas savoir vraiment qui l’on est… ou de ne pas avoir sa place… est au cœur du problème. Pour certaines personnes, la boulimie est perçue comme l’unique partie vivante de soi qui s’exprime…

 

LIRE ÉGALEMENT : Angoisse du vide et addiction alimentaire

 

Les origines profondes : une zone pré-verbale et des angoisses archaïques

Les sources insistent sur le fait que la compulsion vient d’une zone du cerveau préverbale…, celle que nous avions quand nous étions nourrissons…. Elle est liée à une émotion non gérable… ou à des angoisses archaïques qui n’ont pas de mots pour le dire…. C’est pourquoi il est impossible de savoir vraiment les pensées qui ont précédé la crise…. L’origine est souvent non verbale et réside dans des zones plus primitives de la psyché…. Cela suggère que les causes profondes ne sont pas forcément accessibles à la conscience sous forme de souvenirs clairs ou d’émotions verbalisables avant la crise. La boulimie devient alors une manière d’exprimer ou de gérer ce qui ne peut être dit avec des mots….

La peur du vide sous-jacent et du « mal de vivre »

Malgré l’« enfer »… qu’elle représente, la perspective de se séparer de la boulimie génère une peur tout aussi intense…. Cette peur d’arrêter vient de la crainte de perdre ce mécanisme de survie qui, aussi destructeur soit-il, semble protéger de « la mort »…. La « mort » ici n’est pas forcément physique, mais la terreur d’affronter le « grand vide »… avec parfois des angoisses, de la déprime et des peurs qui surgissent lorsque le symptôme disparaît. C’est la peur de se retrouver « complètement vide, morte »… sans cette « carapace » ou cette « barrière » qui protège de soi-même et des autres. Le symptôme est une façon de « ne pas sentir » ce qui fait mal au plus profond. L’abandonner, c’est devoir affronter ce « mal de vivre » sous-jacent…, ces problèmes d’identité (« qui je suis, je ne le savais pas », « qui vivait à ma place ») et l’impression d’être « rien » ou d’être « à côté de la vie, sans pouvoir jamais y prendre sa place ». La boulimie, bien qu’étant un « enfer », est paradoxalement perçue comme la seule chose qui permet de « survivre »…, rendant la séparation, et l’affrontement du vide qu’elle masquait, profondément angoissante.

Les racines dans l’enfance et les expériences précoces

Les sources suggèrent fortement que la boulimie n’est pas simplement un trouble du comportement alimentaire, mais un problème bien plus profond lié à l’identité et à des blessures remontant souvent à la petite enfance…. L’origine remonte souvent à la toute première enfance, avec des peurs et des messages qui se sont inscrits jusque dans le corps. Cela peut être lié à un manque de sécurité intérieure ressenti pendant les 1000 premiers jours de la vie. Les sources évoquent des expériences émotionnelles précoces difficiles, une hypersensibilité défavorable au développement, ou des difficultés dans la relation mère/enfant, où un sentiment de décalage a pu se produire, conduisant à des peurs insurmontables. Il peut y avoir eu un échec dans l’internalisation des premières relations sécurisantes, laissant la personne dépendante de la présence d’autrui et sans l’autonomie souhaitable.

Certaines sources pensent que les boulimiques se sont effondrées à un moment où elles auraient dû explorer le contact avec l’autre mais en ont eu peur. Des traumatismes développementaux (abus, négligence parentale, stress parental, séparation) peuvent également être associés. Cependant, certaines études récentes suggèrent que l’association apparente entre la boulimie et les traumatismes développementaux est en partie attribuable à la présence, dans un sous-groupe de boulimiques, d’un trouble de la personnalité borderline (TPB) associé. Selon ces études, l’adversité développementale pourrait avoir un rôle plus spécifique sur les symptômes de type borderline (comme l’impulsivité et les déficiences interpersonnelles) que sur les symptômes boulimiques eux-mêmes. Néanmoins, le lien entre TPB et adversité sociale (dont abus et négligence) est bien établi, ce qui maintient un lien fort entre expériences précoces difficiles et ces troubles qui coexistent souvent. D’autres événements perçus comme traumatiques par l’enfant, tels que la naissance d’un autre enfant, une dépression ou une maladie de la mère, ou une séparation occasionnelle, peuvent prendre une portée très variable selon leur gravité et l’âge de survenue. Pour certaines personnes, manger était même un moyen de ne pas sentir….

L’impuissance face au symptôme et ses conséquences

Cette impuissance face à la compulsion mène à beaucoup de culpabilité et de honte…. La honte est dévorante. Après les crises, vient le dégoût de soi…. On se sent « mal, mais mal », « bonne à rien, si inutile », « à côté de la vie »…, « complètement vide, morte »…. La volonté semble « complètement annihilée »…. C’est une spirale infernale…, une « routine de la souffrance ».

La boulimie entraîne également des dangers graves et des conséquences physiques dévastatrices. Le corps souffre. Il peut y avoir des vomissements fréquents qui soulagent un instant mais causent honte et dégoût…. On peut aussi ne pas vomir et grossir énormément, avec des variations de poids importantes. Cela peut être vécu avec une douleur presque physique, « comme quand tu as des bleus », comme si le corps se délabrait…. Des troubles digestifs, douleurs abdominales, fatigue constante sont présents. Le corps peut sembler « bourrelé de partout », « crénelé de cellulite et de mauvaise graisse ». L’abus de laxatifs cause la « colique en permanence » et peut mener à des lésions. Les dangers peuvent être très graves, menant à une perte de la vue, un corps qui « se délabre à grande vitesse », nécessitant des soins intensifs et même une paralysie partielle. La santé générale est touchée.

Sur le plan émotionnel, c’est une torture constante. Il y a une « culpabilité maximum », un sentiment de « honte »… et de « dégoût de soi-même »…. C’est un « enfer »… rempli de « peur » et d’« angoisse »…. L’addiction est une « drogue » qui peut pousser à penser au « suicide ». On se sent « paralysée par la peur ». C’est aussi une « incapacité de maîtriser ces pulsions ». On peut se sentir « séparée des autres par un mur de verre » ou avoir l’impression d’être une « coquille vide », une « non-personne ». Il y a « un orgueil démesuré et en même temps une estime de soi complètement détruite ».

Socialement et dans le comportement quotidien, les dangers sont aussi présents. La boulimie pousse à fuir surtout, à vouloir ne plus voir personne, à s’isoler…. La vie sociale se trouve « complètement rétrécie ». On a honte de parler et on vit « en permanence dans le mensonge »…. La vie entière « tourne autour de la nourriture »…. Les sorties ou les week-ends peuvent sembler insurmontables car ils empêchent de retrouver ce refuge secret et sa nourriture. De plus, la dépendance coûte cher, pouvant mener à vider ses comptes ou à voler. Elle peut impacter les relations intimes et la vie de famille, rendant difficile d’assurer une éducation équilibrée ou amenant à blesser ses proches. On peut se sentir « ailleurs » et ne pas « s’affirmer »…. Ces dangers montrent que l’addiction alimentaire est une maladie grave qui affecte profondément la personne à tous les niveaux…

 

LIRE ÉGALEMENT : Quels sont les symptômes de la boulimie ?

 

Pourquoi la volonté ne suffit pas : le besoin est trop profond

La compulsion est plus forte que la volonté parce qu’elle répond à un besoin beaucoup plus ancien et plus profond… que la simple faim ou le désir conscient de maigrir. Comme mentionné, la volonté appartient à la partie consciente, tandis que la boulimie satisfait des besoins profonds et inconscients. La compulsion vient d’une zone pré-verbale… et est liée à une émotion non gérable ou à des angoisses archaïques sans mots…. Les approches qui se concentrent sur la restriction, les régimes, ou qui demandent de contrôler les compulsions ne fonctionnent souvent pas…. Elles ciblent le symptôme, l’acte de manger, sans s’attaquer à la cause profonde…. Tenter d’arrêter à tout prix peut même renforcer la culpabilité…. Les sources critiquent ces approches thérapeutiques qui se concentrent uniquement sur le symptôme alimentaire, sur la volonté ou sur les émotions conscientes autour de la crise, car elles ne touchent pas au fond du problème.

Comment s’en sortir : lâcher la boulimie en se reconstruisant

Alors, comment fait-on pour s’en sortir, pour « combattre » ces compulsions ? Les sources suggèrent que la bataille frontale contre le symptôme, en s’appuyant uniquement sur la volonté, n’est peut-être pas la bonne approche. Les personnes qui y sont parvenues expliquent qu’elles n’ont pas « lâché » la boulimie… ; c’est la boulimie qui les a « lâchées »…. Cela n’arrive pas en luttant contre le symptôme…, mais en déplaçant l’attention vers soi…, en portant l’attention ailleurs, sur qui l’on est vraiment.

Le chemin passe souvent par le contact avec les autres…. Dans un groupe, on découvre qu’on n’est pas seul…. Partager son expérience, même les « petits détails » que l’on croyait insignifiants, permet de se sentir vu et d’avoir sa place. Être en contact vrai et sincère avec d’autres personnes permet de se voir un peu comme dans un miroir, de comprendre ses propres limites, et d’oser dire qui l’on est et ce que l’on veut…. Rompre l’isolement est essentiel.

L’important devient d’apprendre à se connaître…, à comprendre ce vide…, et à exprimer ce qui ne pouvait s’exprimer qu’à travers l’acte de manger…. Le but n’est plus d’arrêter les crises à tout prix, mais de travailler sur la personnalité, ses manques et ses peurs profondes…. C’est un travail en profondeur sur l’identité…, sur les peurs, les manques, et la capacité à s’affirmer… et à entrer en contact authentique avec les autres…. Il faut oser parler, s’affirmer, même si l’on se sent « minuscule » ou « sans valeur ». S’autoriser à dire « non », à poser ses propres limites. La guérison passe par un travail psychologique en profondeur qui permet de remettre en question, d’accéder à ces peurs archaïques qui ont bloqué le développement, de reconstruire un « vrai soi », et d’apprendre à tolérer et gérer les émotions profondes. Ce travail peut impliquer de retrouver un mode d’expression verbale juste pour dire ce qui est ressenti, ou parfois de passer par des « actes » ou des expressions corporelles et émotionnelles avant que les mots ne viennent.

En cessant de vouloir être « normale » ou de correspondre à une image extérieure, en acceptant toutes les parts de soi, on commence à trouver sa place. L’obsession de la nourriture disparaît d’elle-même à mesure que l’on se sent « une personne »…, « entière », capable de ressentir et de vivre pleinement. Il s’agit de se remplir de l’intérieur avec son vrai soi…, de se « remplir » autrement, afin que la boulimie puisse « lâcher ». La peur diminue car le bouclier devient moins indispensable. Il est aussi important d’accepter le symptôme au début, sans le combattre violemment ou se sentir coupable. Laisser tomber les régimes qui souvent aggravent le problème est conseillé. Diminuer la culpabilité qui pèse si lourd est crucial. Apprendre à exprimer ses émotions et ses besoins avec des mots, plutôt que de les avaler ou de les cacher….

La possibilité de la guérison définitive

La question de savoir si l’on peut se sortir définitivement d’un trouble du comportement alimentaire, et spécifiquement de la boulimie, est abordée par plusieurs cliniciens cités….

Pr Philippe Jeammet affirme que « On guérit de la boulimie-anorexie ». Il précise cependant que c’est « un dur et long combat » qui exige une prise en charge plurielle et l’appui des proches. Son argument s’appuie sur son expérience clinique en pédopsychiatrie, insistant sur le diagnostic et la mobilisation précoces.

Pr Bernard Granger considère que la rémission complète est atteignable. Il publie des études montrant que la TCC de groupe améliore fortement les symptômes en 3 mois, à condition de poursuivre le suivi. Ses données quantitatives (scores EDE/Q, IMC) dans un hôpital de jour soulignent l’effet du suivi à long terme sur la consolidation.

Peter Fonagy indique que la pleine récupération est possible mais ne concerne qu’environ 30 % des patientes à 18 mois dans l’essai NOURISHED (MBT-ED). Cet essai contrôlé randomisé (MBT-ED vs. SSCM) suggère que l’écart provient surtout de la persistance des difficultés de personnalité.

Catherine Hervais donne une réponse très positive : « La réponse est UN GRAND OUI ». Selon elle, la boulimie peut disparaître définitivement après un travail identitaire intensif, surtout en thérapie de groupe. Sa position s’appuie sur des témoignages de patientes et sa pratique privée, avec une approche centrée sur la restauration du sentiment d’identité.

Dr Otto Kernberg répond également « Oui », mais seulement si la structure de personnalité borderline sous-jacente est traitée en profondeur. Il souligne que le travail est long (transference-focused psychotherapy). Son cadre psychanalytique lie le pronostic conditionnel à la modification des niveaux d’organisation du moi.

En synthèse, les sources montrent qu’une sortie est possible, mais la variabilité des résultats vient surtout des définitions de la « guérison » et du fait que certaines vulnérabilités (perfectionnisme, troubles de l’identité) exigent un suivi au long cours. Les voix optimistes (Jeammet, Hervais) et les voix plus nuancées (Fonagy, Kernberg) décrivent donc le même paysage, vu sous des angles et des temporalités différentes. Le chemin est long et demande du temps et de la patience….

Conclusion

En résumé, les sources expliquent que la boulimie est profondément ancrée dans des problèmes identitaires et émotionnels issus de l’enfance…, souvent liés à des expériences de développement adverses ou à des traumatismes, qu’ils soient clairement remémorés ou qu’ils résident dans des zones plus primitives et non verbalisées de la psyché…. Elle n’est pas un simple trouble du comportement alimentaire, mais un cri silencieux face à un vide intérieur insupportable…, un réflexe désespéré pour se sentir exister… et gérer une profonde souffrance intérieure. Pour s’en sortir, il ne s’agit pas de l’écraser par la seule volonté…, mais plutôt de se concentrer sur la reconstruction de soi…, de se remplir de l’intérieur avec son vrai soi, de s’affirmer, de se connecter aux autres et de gérer ses émotions…. C’est un chemin qui demande du temps, mais qui permet de transformer la boulimie, d’un secret honteux…, en une étape vers une vie plus riche et plus vraie….

Notes d’auteurs cités

  • Pr Philippe Jeammet : Pédopsychiatre. Affirme la guérison possible mais souligne que c’est un combat long nécessitant une prise en charge plurielle et le soutien des proches.
  • Pr Bernard Granger : Considère la rémission complète atteignable. Met en avant l’efficacité des TCC de groupe et l’importance du suivi à long terme….
  • Peter Fonagy : Clinicien impliqué dans l’essai MBT-ED. Indique que la pleine récupération est possible mais limitée à environ 30 % des cas à 18 mois, souvent en raison de difficultés de personnalité persistantes.
  • Catherine Hervais : Psychologue visant l’acquisition d’un sentiment d’identité en débusquant ce que le psychanalyste pédiatre Winnicott appelait le « faux self ». Comme Otto Kernberg, son expérience en thérapie de groupe vise la disparition des troubles liés à la structure borderline sous-jacente.
  • Dr Otto Kernberg : Psychanalyste. Conditionne la guérison définitive au traitement en profondeur d’une structure de personnalité borderline sous-jacente via une thérapie de longue durée (transference-focused psychotherapy).
  • Dr Donald Winnicott : Psychanalyste et pédiatre.
    Ces descriptions trouvent un écho profond dans l’œuvre du pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott. Bien qu’il ne soit pas cité nommément dans ces extraits, ses théories sur le développement précoce, la relation mère-nourrisson, le concept de « Vrai Self » et de « Faux Self », et l’importance d’un « environnement suffisamment bon » (holding environment) pour l’établissement du sentiment d’être, offrent un cadre pour comprendre ces dynamiques.

Laisser un commentaire

Prendre rendez-vous Doctolib