Pourquoi certains se sentent-ils absents d’eux-mêmes ? Découvrez comment naître à soi-même et quitter la personnalité d’emprunt pour exister vraiment.
Dans cet article, nous allons explorer un phénomène souvent silencieux : la sensation de ne pas être vraiment né, de traverser sa vie sans jamais l’habiter pleinement.
Beaucoup connaissent ce sentiment sans pouvoir le nommer. Ils pensent, ils agissent, ils réussissent parfois. Mais au fond, ils se sentent absents d’eux-mêmes.
Ils ont bâti une personnalité d’emprunt, une image destinée à rassurer ou à plaire, qu’ils tentent de rendre plus que parfaite pour obtenir l’approbation des autres. Mais cette perfection n’apaise pas le vide. Elle renforce l’impression d’être déconnectés d’eux-mêmes, de n’avoir jamais vraiment pris vie dans leur propre existence.
Alors, pour ressentir qu’ils sont encore là, ils se tournent parfois vers des addictions ou des sensations fortes. Non pour se détruire, mais pour tenter, à leur manière, de se sentir vivants.
Ces personnes ne cherchent pas à retrouver quelque chose qu’elles auraient perdu. Elles cherchent à naître pour de vrai. Non plus comme de purs esprits adaptés au regard des autres, mais comme des êtres incarnés, capables de sentir, de vibrer et de se reconnaître dans leur propre vie.
Ce que vous allez trouver dans cet article :
- Pourquoi certains ressentent un vide intérieur
- Comment ce vide pousse à chercher des sensations fortes
- Sous quelles formes l’addiction peut apparaître
- Pourquoi la volonté seule ne suffit pas
- Comment une vraie naissance intérieure est possible
Le vide intérieur : une blessure invisible
Derrière une intelligence fine, une capacité d’adaptation ou un sourire tranquille, beaucoup cachent une douleur profonde : celle de ne pas se sentir vraiment là.
Dès l’enfance, certains ont appris à s’adapter. Ils ont compris qu’il fallait plaire, être performant, correspondre aux attentes. Ils ont construit un personnage capable de survivre, mais ils se sont éloignés d’eux-mêmes.
Ce vide intérieur n’est pas un manque d’amour des autres. C’est un manque de lien vivant avec soi-même. Un sentiment de traverser la vie comme en apnée, sans jamais toucher terre.
Avec le temps, cette absence d’ancrage devient insupportable. Alors, pour apaiser l’angoisse de ne pas être vraiment là, beaucoup se tournent vers des comportements d’excès.
Le psychiatre écossais Ronald Laing, dans son ouvrage « Le Moi Divisé », a décrit ce phénomène avec une acuité rare. Selon lui, certains individus se scindent très tôt entre une façade sociale, adaptée mais creuse, et un moi intime, fragile, replié au fond d’eux-mêmes. Ce moi caché survit comme il peut, souvent en silence, incapable de se montrer au grand jour.
Sensations fortes et addictions : une tentative de se sentir vivant
Pour combler le vide, il faut du bruit, de l’intensité, du mouvement.
La nourriture, l’alcool, le travail acharné, les relations fusionnelles, les sports extrêmes, les excès numériques : toutes ces tentatives n’ont qu’un but, ressentir, vibrer, prouver que l’on existe encore.
L’addiction n’est pas une faiblesse. Ce n’est pas un échec de la volonté. C’est une tentative, maladroite mais vitale, de se reconnecter à son existence.
À travers ces excès, chacun cherche un instant de vérité brute : un moment où l’on sent, enfin, son corps, ses limites, sa respiration. Un moment où l’on n’est plus un rôle, mais un être vivant.
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre français, a montré combien la naissance psychologique se construit au tout début de la vie, dans le lien sécure avec une personne nourricière. Si, dans les mille premiers jours, l’adulte qui entoure l’enfant est lui-même stressé, inquiet, ou peu disponible émotionnellement, le bébé n’osera pas développer ses gestes spontanés. Il cherchera à plaire, à rassurer, à s’adapter, au lieu de s’affirmer.
Ainsi naît la faille : un être qui existe en fonction de ce qu’il croit devoir être, mais qui ne sent pas qu’il a une place par lui-même.
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Naître pour de vrai : sortir du cycle de la personnalité d’emprunt
Le chemin n’est pas de mieux jouer son rôle. Il n’est pas d’améliorer encore la façade.
Il est d’oser tomber les masques.
Il est d’accepter de ressentir l’insécurité, la vulnérabilité, la joie aussi, sans chercher à paraître.
Naître pour de vrai, c’est cesser d’être un projet pour devenir une personne. C’est habiter son propre corps, ses émotions, sa parole, sans demander d’autorisation.
Ce n’est pas facile. C’est parfois douloureux. Mais c’est la seule manière de retrouver un lien vivant avec soi-même.
Peu à peu, quand ce lien intérieur se restaure, le besoin d’addiction s’efface. Non parce qu’on a gagné contre lui, mais parce qu’il n’a plus lieu d’être.
Vivre pleinement, c’est ne plus avoir besoin de se prouver qu’on existe.
La sensation de vide à travers le prisme des grands psychologues
Perspectives théoriques sur la sensation de vide
Le concept de « sensation de vide » a été exploré par de nombreux psychologues et psychiatres influents. Carl Jung, figure majeure de la psychologie analytique, décrivait cette sensation comme un « vide existentiel » – un état où l’individu se sent déconnecté de son « Soi » authentique. Pour Jung, combler le vide intérieur nécessite un processus d’individuation, permettant à la personne de réconcilier les différentes parties de sa psyché pour atteindre une plénitude existentielle.
Winnicott, psychanalyste britannique, a développé le concept du « faux self » qui résonne profondément avec notre article. Cette structure psychique se forme lorsque l’enfant développe une personnalité d’emprunt pour répondre aux attentes de son environnement. La sensation de vide découle alors de cette déconnexion avec le « vrai self », enfoui mais jamais complètement éteint.
Viktor Frankl, fondateur de la logothérapie, a particulièrement étudié ce qu’il nomme le « vide existentiel » – cette sensation d’absence de sens qui caractérise tant d’existences modernes. Pour Frankl, combler le vide passe par la découverte d’un sens authentique à sa vie, une quête qui dépasse la simple satisfaction des désirs immédiats.
Approches contemporaines pour combler le vide
Mihaly Csikszentmihalyi propose une perspective différente avec son concept de « flow » – cet état d’immersion totale dans une activité qui permet temporairement de faire disparaître la sensation de vide. Pour lui, ces moments d’engagement complet constituent une manière saine de combler le vide intérieur sans recourir aux addictions.
Brené Brown, chercheuse contemporaine, établit un lien direct entre la sensation de vide et notre difficulté à embrasser notre vulnérabilité. Selon elle, la honte et la peur du jugement nous poussent à construire des façades qui nous éloignent de notre authenticité, créant ainsi ce sentiment d’absence à soi-même. Pour combler le vide, Brown préconise le courage de se montrer vulnérable et authentique.
Le psychiatre Gabor Maté, spécialiste des addictions, propose une vision éclairante sur les tentatives de combler le vide par des comportements compulsifs. Pour lui, l’addiction représente une adaptation à un vide intérieur issu de traumatismes précoces. Combler le vide ne peut donc se faire qu’en retissant un lien authentique avec soi-même et ses émotions véritables, au-delà des mécanismes d’adaptation développés pour survivre.
La sensation de vide et les moyens pour la combler constituent donc des thèmes centraux dans l’exploration psychologique de l’être humain. Ce que tous ces penseurs partagent, c’est la conviction que le chemin vers une existence pleine passe par la reconnaissance de ce vide et par un travail d’authenticité personnelle.