Elle n’a plus de boulimie. Elle explique son parcours

Elle n’est plus boulimique au sens où l’obsession de la nourriture est partie.

D’après Le DSMIV, le manuel diagnostique et statistique qui sert de référence aux psychiatres pour diagnostiquer les troubles mentaux, on est boulimique quand on a plus de trois crises alimentaires par semaine.

Véronique n’avait presque plus de crises.

Et pourtant, en l’écoutant parler dans le groupe, on pouvait se rendre compte que même si son problème alimentaire était résolu, il lui restait une dépendance affective qui l’empêchait d’avoir une relation épanouie avec un homme.

Mince, jolie, tonique, Véronique prend la parole et, d’une voix déterminée, explique au thérapeute où elle en est.

{xtypo_quote_right}Ce n’est pas la boulimie qui est à traiter chez les personnes qui ont une addiction boulimie, c’est surtout la dépendance affective.{/xtypo_quote_right} »Je n’ai fait que six mois de thérapie, mais je sens que j’avance déjà beaucoup », dit Véronique visiblement satisfaite.

Côté boulimies, ça va plutôt très bien

« J’ai recommencé une nouvelle vie, je me suis installée avec mon ami et ça se passe super bien .

Je suis tombée sur une crème de mec; il ne faut vraiment pas que je le perde, celui-là ! », dit-elle avec l’expression joyeuse de quelqu’un qui a enfin trouvé l’Amérique après une longue marche dans le désert.

Elle ajoute : « …Je crois maintenant que j’ai vraiment compris que ma vie sera ce que je veux qu’elle soit, et que moi, je serai ce que je veux être. J’arrive à me débarrasser petit à petit de tout ce qu’on m’a jeté dessus ».

–  » Jeté dessus  » ? demande le thérapeute. Vous parlez comme s’il n’y avait pas d’interaction entre vous et les autres, comme si vous étiez un objet.

Coupée dans son élan, elle paraît déconcertée par cette remarque, puis ré embraye sur tous les côtés positifs de sa vie d’aujourd’hui, comme si la remarque du thérapeute avait glissé sur elle. Très contente de ses progrès, elle en énumère quelques uns avec un parler tonique et un débit plutôt rapide, exposant ce qui a changé dans ses idées, ses comportements, sa façon d’être avec les autres.

Aujourd’hui, elle s’autorise enfin beaucoup de choses. Avec sa mère, ça se passe mieux. Elle ne lui dit plus « tu m’énerves » ou « je vis ma vie », mais elle dit les choses telles qu’elle les sent, sans agressivité. Côté boulimies, cela va plutôt très bien. Elle n’en a quasiment plus. Sauf quand son ami est absent, ce qui est rare

Mon copain est très cool la-dessus

« Il m’en reste encore quelques unes, quand je me retrouve seule. Mais avec lui, quand il est là, je mange normalement et du coup, je prends conscience de ce dont mon corps a besoin. Je n’ai plus envie de manger n’importe quoi pour aller vomir après. Maintenant quand je n’ai pas faim, je ne mange pas. Quand j’ai faim, je mange, même si ce n’est pas l’heure » . Et elle ajoute :  » on copain, est très cool là-dessus. Il ne me juge pas du tout. Il me dit : « si tu n’as pas faim, tu ne manges pas » et « si tu as faim, tu manges » . – Votre copain est très cool là-dessus… dit le thérapeute avec un pointe d’humour pour la confronter à la problématique de dépendance que sa phrase sous-entend.Ne s’attendant peut-être pas à cette intervention du thérapeute, elle marque un temps d’arrêt.- Apparamment, poursuit le thérapeute, vous avez besoin de l’approbation de votre ami sur votre façon de manger ?

Elle reprend :- Il ne m’a pas vu faire de boulimie, ni vomir, mais le fait de savoir que j’en fais le gêne. Je réalise que c’est dur pour lui.
– En quoi c’est dur ? demande le thérapeute.- Il a vraiment envie que je m’en sorte, dit-elle. Il m’a dit qu’il fallait que je fasse quelque chose et c’est pour cela que je suis ici aujourd’hui, d’ailleurs. Il m’a dit  » fais ce que tu peux, il faut que tu t’en sortes, on ne peut pas vivre comme ça « .

– Je ne comprends pas en quoi vos boulimies et même vos vomissements dérangent votre ami, insiste le thérapeute.Véronique paraît étonnée par cette remarque. N’est-il pas normal qu’un homme soit dérangé par le simple fait de savoir que sa femme est boulimique et qu’elle se fait vomir ?

– OK, reprend-elle. Ce n’est peut-être pas ma boulimie le problème, mais ce sont tout de même des choses qui lui sont liées. J’ai des moments horribles. Après mon déménagement, par exemple, j’étais très fatiguée d’avoir quitté huit ans de ma vie et tout de suite après, j’ai eu une période épouvantable. Mon ami n’a pas compris. Il était super sympa. Il me disait :  » écoute, il y a deux jours tu étais encore super bien. Rien n’a changé, c’est dans ta tête ! ».

J’en étais consciente et en même temps, je ne savais pas quoi faire. Je me réveillais le matin avec l’envie de pleurer et une rage froide, comme à chaque fois que je vais mal. Dans ces moments-là, je rumine, tout le monde me fait ch… Je fais en sorte que ça ne se voit pas trop, mais c’est difficile à maîtriser. Sur mon visage, tout se voit. Quand je ne suis pas bien, j’ai l’air très fermé, très dur, d’ailleurs vous me l’avez déjà fait remarquer dans un groupe.
Le thérapeute semble ne pas comprendre:

Le peignoir sur le lit

– Ce n’est pas parce que vous allez mal, avec un visage tendu, que vous ami doit nécessairement mal le vivre. Je vous soupçonne de faire, dans les moments où vous êtes mal, quelque chose d’autre qui contrarie votre ami. Pouvez-vous nous jouer une scène pour nous montrer comment vous êtes avec votre ami, quand vous êtes mal.

Elle joue une scène où tandis qu’elle est mal, son ami, assis sur un canapé en train de lire, a laissé traîner son peignoir mouillé sur le lit, son caleçon et ses chaussettes par terre, ce qui ajoute à son exaspération. Elle s’adresse à lui avec une voix geignarde :

– Oh ! chéri, tu as encore laissé ton peignoir sur le lit. Tu sais, il ne va pas aller tout seul jusque la salle de bain. Tu ne pourrais pas l’enlever ?

Le thérapeute demande à quelqu’un d’imiter le ton qu’elle vient de prendre et elle rit, réalisant tout à coup ce qui dérange son ami. Le thérapeute lui propose de refaire la scène sans prendre un ton plaintif. Elle prend alors un ton agressif.

– Le thérapeute la taquine :  » Entre la plainte et le reproche, vous n’avez rien d’autre en magasin ? Elle rougit, sourit et dit : « Ben non ! . Comment je peux faire ? Je ne connais que la plainte ou le reproche! ».

En fait, elle comprend que c’est sa manière de parler qui dérangeait son ami. Soit petite fille, soit maman autoritaire, jamais femme. En s’exerçant dans le groupe à trouver un comportement plus adulte, à la fois ajusté à ce qu’elle sent et en même temps dans le respect de l’autre, Véronique allait enfin commencer à sortir de la relation affective fusionnelle qui engendrait ses obsessions, ses pulsions alimentaires et son malaise existentiel.

Conclusion ; 

Véronique, autrefois boulimique, a réalisé des progrès notables grâce à la thérapie, réduisant significativement ses crises alimentaires et établissant une nouvelle vie avec son partenaire. Cependant, bien que sa boulimie soit mieux maîtrisée, une dépendance affective persistante se manifeste, notamment dans sa relation avec son ami, où son bien-être et ses comportements alimentaires semblent liés à son approbation et à sa présence. Le thérapeute met en lumière que, malgré sa satisfaction apparente et ses progrès, Véronique doit encore naviguer à travers les complexités de sa dépendance émotionnelle et apprendre à communiquer et à interagir dans ses relations de manière saine et adulte. La guérison, dans ce contexte, transcende la simple résolution des symptômes boulimiques et plonge dans la résolution des problèmes sous-jacents de l’attachement et de l’autonomie émotionnelle.

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