Est-ce que ne pas dire c’est tromper ?

Est-ce que ne pas dire c’est tromper ?

Peut-on dire à l’autre quelque chose d’important pour soi mais qui peut être vexant ? Et si oui, comment le dire?

Quelle est la frontière entre le respect, l’intolérance et l’honnêteté ? Comment savoir s’il faut dire ou ne pas dire ? Et si l’on décide finalement de jouer franc-jeu, comment peut-on s’y prendre sans blesser ?{xtypo_quote_right}Dire ou ne pas dire ce qu’on a sur le cœur ? Dire, c’est risquer de blesser l’autre. Ne pas dire, quand on est émotionnellement très impliqué c’est risquer de se blesser soit.{/xtypo_quote_right}Martine dit intégralement tout ce qu’elle pense et tout ce qu’elle sent. Son franc-parler fait sa fierté. Elle aime la transparence et la vérité dans les relations, elle n’hésite jamais à exprimer ce qui la dérange «sans prendre des gants ».

Dire ou ne pas dire ?

Pour elle, ne pas dire c’est tromper. Son honnêteté lui coûte des amis, fait avorter ses histoires d’amour à peine naissantes, mais elle n’envisage pas de faire autrement. Elle doit tout à l’autre, et l’autre doit la prendre comme elle est :  » CASH « 

Tandis que Martine se construit peut-être lentement et sûrement une longue vie de célibataire sans le vouloir vraiment, Julie, elle ne se risque jamais à une remarque potentiellement blessante. Elle préfère les non-dits « pour ne pas faire de vagues ».

A la longue, ses silences débouchent sur un sentiment de frustration et de rage froide dont elle finit tout de même par se défouler tôt ou tard sur les autres, soit en boudant, soit en fuyant. Elle ne se sent pas le droit de dire ses envies et encore moins de dire aux autres ce qui ne lui plaît pas. Combien de fois sa retenue forcée ne lui a-t-elle pas coûté de grosses crises de boulimie ? Qu’importe, Julie préfère de loin se sacrifier plutôt que prendre le risque de blesser l’autre et déplaire. Et ce, même si, au bout du compte, elle pénalise l’autre probablement beaucoup plus en renonçant à s’exprimer plutôt qu’en s’exprimant.

Je n’ai pas de courage quand je suis amoureuse

Dire ou ne pas dire est un thème souvent abordé en thérapie. Et tandis que, dans un groupe, un jour, une très jolie femme se plaint d’être trop brutale verbalement au point de faire peur aux gens, Sabine rebondit sur sa difficulté à dire quand elles est amoureuse:

– Par respect quelquefois je suis capable de dire des choses très difficiles : j’ai été capable de dire à ma chef que sa jupe était coincée dans sa culotte et qu’on lui voyait ses cuisses, j’ai su dire un jour à mon patron que sa braguette était ouverte, je n’ai pas hésité non plus à dire à un collègue qu’il sentait très fort la transpiration.

Mais quand je suis dans une relation amoureuse, je n’ai pas beaucoup de courage pour dire les choses et j’ai très peur de la réaction de l’autre. Par exemple, je ne sais pas comment dire à mon Chéri que je ne supporte plus sa mauvaise haleine et que je voudrais qu’il consulte. J’ai réussi à lui demander de se laver les dents avant le bisou du matin. Depuis il fait très attention, chaque matin au réveil, il se brosse les dents avant, il prend des tonnes et des tonnes de petit bonbons à la menthe .

Le souci, maintenant que je suis enceinte, est que la moindre petite odeur me donne envie de vomir et qu’il continue à avoir mauvaise haleine. J’aurais aimé qu’il aille consulter. Il ne me dit pas « non », il me dit « oui, je vais le faire », mais il ne le fait pas. Et ce qui me contrarie encore plus, c’est que j’ai l’impression qu’il ne me respecte pas en refusant d’aller chez le médecin. »

Le psy propose à Sabine de faire un jeu de rôle

Le psy propose à Sabine de faire un jeu de rôle. Elle choisit alors quelqu’un dans le groupe pour jouer son « Chéri » et se lance dans un discours un peu plat sur un ton gêné pour lui demander de consulter un médecin. Sur la demande du psy, Sabine fait plusieurs autres tentatives, dont une involontairement brutale et cassante. Au final le psy lui propose d’essayer de s’adresser à son « Chéri » comme elle aimerait qu’on s’adresse à elle si les rôles étaient inversés. Il lui vient alors un regard direct et un ton chaleureux pour exprimer ce que jusqu’ici elle n’osait pas dire.

Avec ce jeu de rôle elle se rend compte qu’elle est capable de trouver un ton non blessant pour formuler ce que jusqu’ici elle n’osait pas demander. Elle comprend que le problème ne se pose pas en termes de « trop dire » ou « ne pas dire » mais de « comment le dire » : d’une manière ajustée en étant attentif au ton employé, ni donneur de leçons, ni jugeant, ni protecteur. On devrait en effet pouvoir tout dire à condition d’être direct, chaleureux et ouvert sur la possibilité d’un refus .

Après tout l’autre ne nous doit rien. Face à une demande directe, il est libre de refuser. Mais au moins, on ne le trompe pas. Il est informé de ce qui se joue dans la relation, il ne la subit pas et devient co-responsable de l’avenir de celle-ci .

Catherine Hervais

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