Est-ce que je l’aime vraiment

Est-ce que je l’aime vraiment?

Celles et ceux qui sont dans un processus d’addiction ont en commun une personnalité.

Celles et ceux qui sont dans un processus d’addiction ont en commun une personnalité « tout ou rien » qui ne peut fonctionner affectivement que dans les extrêmes. Seules les sensations fortes sont accessibles : on aime «passionnément », «goulument » sinon on n’est plus très sûr d’aimer. C’est très souvent qu’au cours d’une thérapie on entend une personne boulimique dire, à propos de son partenaire: «je me demande si je l’aime vraiment?».{xtypo_quote_right}Souvent, au cours d’une thérapie, la personne addictive en vient à se demander à propos du(de la) partenaire: «est-ce que je l’aime vraiment?»{/xtypo_quote_right}Bien sûr, toutes les personnes addictives ne se posent pas nécessairement cette question. Les thérapeutes les entendent parfois décrire des histoires d’amour à la fois intenses et douces. Mais l’exception sur ce point confirme la règle et souvent, après les premiers moments de la relation, les personnalités addictives ont l’impression qu’il ne se passe plus rien. En fouillant dans leur intimité, on s’aperçoit souvent que l’ «étincelle» de la sensualité est encore là, mais dans la mesure ou ce n’est qu’une étincelle et pas un incendie, elles ont souvent l’impresson qu’il ne se passe plus rien.

Une demande amoureuse trop avide et pas très sexy

De même que, dans les tous premiers moments de la relation amoureuse, quand elles sont sensuellement attirées par quelqu’un, elles vont essayer de lui plaire et de se l’attacher. Ce sera alors une demande massive, avide (même non-exprimée) qui pourra faire peur à leur(e) partenaire. Elles tenteront de lui plaire non pas en existant face à lui(elle) mais en essayant de deviner ce qui pourrait le(la) séduire et en tentant de s’y conformer. De sorte qu’elles ne seront pas elles-mêmes mais l’image qu’elles pensent que l’autre attend. Très vite le(la) partenaire sentira qu’il(elle) n’a pas en face de lui(elle) quelqu’un mais un double de lui(elle)-même. De ce fait le désir finira par s’effriter. La relation sera pesante. Elle s’échouera sur les récifs d’une histoire trop lourde et trop houleuse. L’autre finira par les quitter ou, s’il(elle) est trop amoureux(se) pour prendre cette décision, elles finiront tôt ou tard par ne plus le(la) désirer et diront de leur partenaire : « c’est un frère(une sœur), mon(ma) meilleur(e) ami(e) mais je n’ai plus envie de faire l’amour.

Ce n’est pas un homme qu’elles aiment, mais leur idée d’un homme

De plus, un deuxième moteur d’échec est à considérer. Non seulement du fait de leur problème d’identité elles n’existent pas vraiment face à leur partenaire mais ce n’est pas non plus vraiment leur(e) partenaire qu’elles regardent. En effet, si elles ne se rendent pas compte qu’elles ne sont pas elles-mêmes face à lui(elle), elles ne se rendent pas compte non plus qu’elles attendent qu’il(elle) ne soit pas lui(elle) mais ce qu’elles attendent de lui(elle). Ce n’est en effet pas avec leur(e) partenaire qu’elles sont en relation mais avec une image qu’elles ont de lui(elle) et dont elles pensent avoir besoin. Elles aiment, sur l’écran de projection qu’il(elle) représente, le(la) partenaire idéal(e) dont elles rêvent, le prince charmant(princesse) qu’elles projettent sur lui(elle). De manière le plus souvent indirecte, non formulée et non consciente, elles lui demandent beaucoup, dans une attente massive et avide.

Elles exigent (sans s’en rendre compte) de lui(elle) qu’il(elle) ressente la même chose qu’elles, au même moment qu’elles. Elles attendent qu’il(elle) devine leur pensée. Si n’est pas fait ce qu’elles attendent au moment prévu, elles se sentent émotionnellement désorganisées. S’il(elle) n’a pas pensé à faire la vaisselle alors qu’elles s’attendaient à ce que la vaisselle soit faite, s’il(elle) laisse traîner le peignoir sur le lit (édito …), cela peut se finir en drame. Pour elles, s’il(elle) les aime, il(elle) DEVRAIT ! faire la vaisselle. S’il(elle) ne répond pas à leurs aspirations, elles se sentent blessées et les rejettent. Et ainsi elles n’arrivent pas à aimer.

Il faudrait que l’autre soit comme elles le rêvent

Pour ressentir de l’amour un certain recul est en effet nécessaire. Il y a danger à vouloir modéliser l’autre en fonction de ses besoins. Il est nécessaire que le(la) partenaire ait son univers et que cet univers soit respecté. S’il(elle) n’a pas envie de faire la vaisselle maintenant, c’est son droit. S’il(elle) n’est pas ordonné(e) c’est son droit. S’il(elle) n’a pas la main verte, il(elle) est comme cela. Il(elle) a des qualités autres que celles quelles attendent. Certes il(elle) oubliera de ramener le pain de chez le boulanger, mais peut-être par ailleurs n’hésitera-t-il(elle) pas à se lever à cinq heures du matin pour les conduire à l’hôpital ou emmener le chien chez le vétérinaire si nécessaire. Certes il(elle) laisse traîner ses caleçons(culottes) et ses chaussettes(collants) par terre, il(elle) s’affale devant la télé(ordinateur)(téléphone)(…) en rentrant du travail, mais il(elle) est là et il(elle) peut devenir très charmant(e), voire sexy s’il(elle) est traité(e) avec respect et gentillesse:

Une psychothérapie pour prendre du recul

Une psychothérapie permettra à ces personnes d’acquérir ce recul. Ayant alors ainsi appris à s’accepter elles pourront apprendre à accepter l’autre, en commençant d’abord par apprendre à le respecter tel qu’il(elle) est. En effet un des fondements de la thérapie repose sur l’aptitude à être dans un contact authentique avec l’autre et non plus dans un pseudo-contact avec un fantasme idéalisé. Elles réussiront alors à être dans une relation véritable. Cela leur permettra d’accéder à leur(e) partenaire et non plus seulement de tenter d’accéder à leurs rêves à travers lui(elle). C’est alors qu’elles auront construit les meilleures chances d’accéder à l’amour.

Sous réserve bien sûr que l’étincelle soit là au départ. L’érotisme est à la relation amoureuse ce que l’oxygène est à la vie. Il arrive en effet souvent que les personnes addictives, se sentant vides, seules et désespérées choisissent quelqu’un non parce qu’il(elle) leur plaît mais parce qu’il(elle) les sécurise. Une telle relation, si elle « marche » au début peut difficlement tenir la route au fil des années. En revanche lorsque l’étincelle est présente, la thérapie transformera la relation en relation d’une personne authentique avec le(la) partenaire réel(e), en enlevant le fantasme du(de la) partenaire idéal(e). Evidemment la thérapie n’apportera pas le(la) partenaire, mais quand il y en a un(e), elle offrira la meilleure chance de le(la) garder et de pouvoir l’aimer et s’en sentir aimé(e).

Catherine Hervais

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