J’ai le cerveau en ébullition

J’ai le cerveau en ébullition

Quand on a une addiction (qu’elle se compense sur le mode de l’alimentation, de l’alcool, des médicaments ou d’autre chose), on a la personnalité

Quand on a une addiction (qu’elle se compense sur le mode de l’alimentation, de l’alcool, des médicaments ou d’autre chose), on a la personnalité qui va avec : une personnalité dépendante ou une personnalité « borderline » et l’on se sent seul.

Concrètement, on entretient sa solitude en s’isolant dans un registre de pensées négatives (parfois inconscientes) qui n’ont souvent pas grand-chose à voir avec l’instant présent. Liées à un scénario passé dans lequel on est englué malgré soi, ces pensées fonctionnent comme un disque rayé et il faut parfois des exercices très ciblés pour s’en débarrasser.

« Ma chanson à deux balles »

Charlotte, dite Charlotte Nuage dans le forum de boulimie.fr, a eu l’idée d’utiliser chez elle, dans sa maison, une technique des groupes – l’amplification et l’exposition – pour s’extraire ce qu’elle appelle « sa chanson à deux balles ».

« Quand je commence à partir dans mes délires, que je ne suis pas positive, que je suis flippée, bref quand ça ne tourne pas rond, je me dis : « Stop, arrête le disque rayé ». En fait, ce n’est pas moi qui le dit, c’est la douce et ferme voix de mon thérapeute à qui je ne peux pas dire : « non, va te faire foutre, je suis mal c’est tout! ». Et donc j’arrête le disque.

Ces derniers temps cela ne m’aidait pas à aller mieux. J’arrêtais le disque, mais il y avait un bruit de fond inaudible qui me rendait dingue quand même. Alors j’ai augmenté le volume et j’ai écouté jusqu’au bout. Wouah, quelle chanson à deux balles ! « T’es à chier, t’y arriveras jamais, tu peux pas gérer les choses importantes, t’es plaintive, tu t’apitoies sur ton sort pauvre dinde, en plus t’es moche, grosse tarte, t’es un imposteur sur cette terre, ma pauvre t’es tellement bordélique dans ta tête que tu ne sauras jamais bien tout ranger, et qu’est-ce que nous saoûle, ras-le-bol, tires-toi une balle, on aura la paix et toi aussi ! »

Et c’est en écoutant ce disque jusqu’au bout que j’ai pu me rendre compte que la chanson était vraiment à chier, un sacré délire ! Tellement délirant, que vraiment c’est risible… »

Cet exercice a aidé Charlotte et donne aussi de très bons résultats dans le contexte d’une thérapie de groupe style gestalt ou analyse transactionnelle parce qu’ils sont utilisés dans le cadre de la vie relationnelle et émotionnelle des gens qui les font.

Ecoutons Muriel, maintenant :
« Avant d’entreprendre la thérapie, j’avais le cerveau en permanence en ébullition. » dit Muriel. « Avec quelques séances d’hypnose et une quinzaine de groupes de thérapie, je ne me sens plus dans cette déferlante de pensées, ce magma visqueux qui me coupait de la réalité et d’un contact vrai avec les gens… .

Quand je discutais avec d’autres personnes, j’avais l’esprit complètement obnubilé pas des pensées parasites mais irrépressibles : un regard de travers et tout de suite je me disais : « c’est sûr, il/elle ne m’aime pas, il/elle me trouve chiante, grosse, je suis sûr qu’on ne voit que le bouton sur mon nez… ». Le début d’un silence et c’était la panique : « vite, vite, il faut que je trouve quelque chose à dire ».

Une amie me confiait ses soucis et mon esprit élaborait cinq ou six solutions à lui proposer tout en construisant des projets pour les moments à venir: « tout à l’heure, il faut que j’aille à tel endroit, je dois encore faire tel papier… ». Et en même temps mon cerveau enregistrait aussi mécaniquement les paroles prononcées pour entretenir le simulacre d’un échange, d’une conversation.

Guérir de ses scénarios négatifs

La surcharge d’informations circulant dans mes neurones était tout aussi intense lorsque j’étais seule où là, je mélangeais allègrement passé lointain « si seulement j’avais pu… être plus mince, j’aurais dû… faire le métier qui me plaisait », le passé proche « j’aurais pas dû craquer hier soir, j’aurais dû sortir avec les copines… », le présent « je suis nulle, moche, personne ne m’aime, c’est un monde pourri… ». Puis je sautais aux questions existentielles « pourquoi je vis ?

A quoi je sers ? qu’est-ce que je fais sur Terre ? », les obligations « il faut que…, je dois… » et le futur proche garni de belles résolutions « à partir de demain, je me mets au régime, je vais courir trente minutes tous les jours et je tiens !! », « tous les soirs en rentrant de la FAC, je bosse pendant 4h, je ne regarde plus la télé… ». Le futur me paraissait quasiment inaccessible mais je le planifiais quand même : « un jour, je serai bien dans mes pompes! ».

Guérir de l’addiction, ça commence par guérir de ses scénarios négatifs et, avec Muriel qui témoigne avoir réussi à s’échapper de cette déferlante de pensées, ce magma visqueux qui la coupait de la réalité et d’un contact vrai avec les gens on peut voir que c’est possible. Par contre, cela ne peut se faire avec une méthode volontariste ni avec la rationalisation. Pour changer le contenu de ce que les psychanalystes appellent le SURMOI, c’est-à-dire l’instance normative de notre personnalité (où sont stockées toutes nos croyances), les groupes nous le montent et la neuro-physiologie moderne nous le confirme, il faut que l’individu expérimente de nouvelles situations, qu’il le fasse en étant branché sur son canal émotionnel, et qu’il répète plusieurs fois l’expérience.

Catherine Hervais

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