La boulimie n’est pas une maladie

La boulimie n’est pas une maladie

par Catherine Hervais, psychologue clinicienne

La boulimie n’est pas une maladie, elle est le symptôme d’une difficulté mentale. Bien sûr elle peut éventuellement occasionner des désordres corporels, parfois des dysfonctionnements physiologiques, elle peut rendre malade, malheureux. mais elle n’est pas une maladie en soi.

La boulimie est le symptôme d’une difficulté mentale.

Bien sûr elle peut éventuellement occasionner des désordres corporels, parfois des dysfonctionnements physiologiques, elle peut rendre malade, malheureux. mais elle n’est pas une maladie en soi. Elle n’est pas non plus la cause de ce qui se passe. La preuve en est que même si on contrôle son comportement alimentaire pour ne plus avoir de crise, on reste habité par l’obsession de manger, permanente et totalement envahissante au point qu’on n’est pas tout à fait attentif à ceux qui sont autour de soi ni d’ailleurs à soi-même.

Le rôle de la confiance en soi 

Par ailleurs, lorsque la boulimie disparaît naturellement, au cours d’une thérapie où l’on acquiert plus de confiance en soi (ou bien parce que la vie amoureuse, professionnelle apporte d’elle-même une meilleure estime de soi) des difficultés mentales continuent à se manifester : hypersensibilité, dépendance affective, tendance permanente à se sentir menacé ou déprécié par les autres, à interpréter à son désavantage ce qu’ils disent ou ce qu’ils font, à les fuir par peur d’être blessé, à les agresser lorsqu’on se sent frustré par eux (comme s’ils devaient répondre à nos attentes et être à notre disposition parce qu’on souffre.

J’entends souvent dire par les personnes boulimiques et même par celles qui ne le sont plus:
« Je ne supporte pas d’être seul avec moi-même »,
« J’ai une véritable terreur de vivre »,
« Je n’arrive pas avoir de petit (e) ami(e) »
« À chaque fois que je fais une rencontre la personne ne reste pas »
« Face à l’autre je n’arrive pas à m’affirmer de peur qu’on ne me quitte »
« Je n’ai plus de boulimie mais je sens bien que mes proches ont du mal à supporter mon agressivité. »

Ainsi ne doit-on pas, en psychothérapie, s’occuper de la boulimie elle-même mais de sa cause, c’est-à-dire des dysfonctionnements psychologiques qui en sont responsables et que l’on doit apprendre à identifier. Ce n’est pas toujours facile de les identifier parce qu’on n’a pas conscience de ce qui ne va pas dans sa manière de voir les choses ou de se comporter avec les autres. Non seulement on a toujours fonctionné comme ça, mais très souvent nos parents ont parfois eux-mêmes aussi fonctionné d’une façon identique. On sait aujourd’hui qu’il y a une transmission génétique de certains comportements.

L’intérêt d’une psychothérapie ajustée à la personnalité des personnes boulimiques anorexiques, c’est de repérer ces dysfonctionnements psychologiques et relationnels. Certaines caractéristiques ne disparaîtront pas. L’hypersensibilité ne s’en va jamais même si elle peut s’estomper partiellement avec les années. Les réflexes « parano » et/ou « dépendants affectifs » seront toujours là eux aussi. Mais pas de panique ! Ils peuvent être contournés ou compensés par une posture réflexive voir même créatrice.

Les schémas du manque de confiance en soi

Pour ce faire, il est nécessaire de connaître ses failles, de mettre ses pensées en doute:

— « Je me sens agressé mais je ne le suis peut-être pas : la personne hausse peut-être le ton parce qu’elle est de mauvaise humeur ? ou parce qu’elle angoissée ?… »,
— « Je me sens abandonné ou désavoué mais je ne lui suis peut-être pas : je suis victime de mes propres schémas mentaux archaïques… »,
— « J’ai une envie effrénée de m’accrocher à l’autre mais il ne le faut pas : ce serait trop intrusif pour lui et il me fuirait ou se braquerait, cela le mettrait mal à l’aise et nuirait à notre relation »….

La psychothérapie de groupe est idéale pour apprendre de nouveaux réflexes de penser et des comportements plus ajustés pour faciliter la relation à l’autre, et la relation à soi-même. On ne peut pas être bien dans sa peau réellement sans se sentir bien parmi les autres. Dans une thérapie de groupe on apprend à identifier ce que l’on ressent, à le dire sans agresser ou à inventer des postures satisfaisantes pour remplacer le comportement dépendant.

En résumé, la boulimie est un symptôme dont on peut soigner parfois les effets. Mais une fois qu’on n’a plus de boulimies, on garde une personnalité particulière qui, elle, est est parfois « malade ». Si notre hypersensibilité, nos tendances « parano », « dépendants affectifs » nous conduisent à nous faire souffrir et à faire souffrir les autres, alors, oui, notre personnalité particulière, (« borderline » ?).

De la confiance en soi à l’acquisition de l’estime de soi

Mais si nous apprenons à nous méfier de notre personnalité hypersensible, des pensées qu’elle fait naître en nous, des comportements relationnels qu’elle nous incite à avoir, elle peut rester particulière, elle peut même rester « borderline » mais elle n’est plus malade dans la mesure où elle ne fait plus souffrir personne puisque nous avons appris à gérer notre hypersensibilité, nos réflexes « parano», notre compulsion évitantes et dépendantes.

Au final la mauvaise nouvelle c’est que vous avez beaucoup de choses à changer et que cela ne se fera pas sans effort. Et la bonne nouvelle c’est que vos efforts vous permettront non seulement d’être heureux mais en plus feront de vous de « très bons communiquants » capables de mettre votre énorme hypersensibilité au service d’une fabuleuse créativité.

Catherine Hervais

Fin de l’article

Catherine Hervais

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