A quoi sert la psychothérapie?

A quoi sert la psychothérapie ?

Si la psychothérapie permet de retrouver et parfois découvrir ses blessures de l’enfance

Juillet 2010

Si la psychothérapie permet de retrouver et parfois découvrir ses blessures de l’enfance, doit-on pour autant les partager avec ses parents quand on est adulte ? La psychothérapie est un acte intime qui permet d’apprendre à devenir « grand », autonome, enfin plus heureux, allégé du poids de cette forme de dépendance qui empêche de vivre sa vie à soi. Revenir vers ses parents pour leur dire des souffrances passées, dussent-elles encore faire très mal dans le présent, n’est-ce pas à la fois cruel s’ils ont cru bien faire,  les impliquer dans sa vie d’aujourd’hui, chercher à garder encore avec eux un contact fusionnel qui prendait la forme d’un reproche: « C’est de ta faute si j’ai mal aujourd’hui parce que tu n’as pas su me comprendre ». N’est-ce pas se priver d’une opportunité de règler ses problèmes, tout seul, comme un grand, sans faire de mal à personne ? En un mot est-il vraiment nécessaire de faire souffir ses proches quand on souffre, quelle que soit le degré de souffrance ? Les personnes dépendantes affectives pensent que oui, mais mesurent-elles vraiment les conséquences de leur croyance ?

Un psychothérapeute raconte:
Une jeune femme vient me voir pour une première consultation. Nous nous installons. Jolie, souriante elle me parait plutôt sûre d’elle et douce. Elle semble attendre que quelque chose se passe.
Elle me demande : « C’est moi qui suis sensée commencer ou c’est vous ? »
Je lui réponds : « C’est moi qui suis censée décider ?».
Elle me dit qu’elle a vu plusieurs psys auparavant et qu’elle ne connait pas ma manière de fonctionner. Je lui réponds que c’est elle la «cliente», que c’est elle qui me paye et qu’elle est en droit de donner, dans notre échange, la priorité à sa propre manière de fonctionner. Son regard part sur le côté. Toujours en souriant elle me dit : «Oui, je suis plutôt du genre à ne pas montrer mes désirs ». « Avec les garçons aussi » ? « Je sais dire quand les choses ne me plaisent pas » «Vous ne dites pas vos désirs, mais vous dites ce qui ne vous plaît pas… Seriez-vous ce que les garçons appellent « une chieuse » ?»

Elle me demande si je la provoque. Je lui dis que non, que je fais simplement mon travail. Elle me trouve très confrontante. Elle n’a pas l’habitude. Néanmoins elle se lance. Elle me dit que sur le plan amoureux elle vient de rencontrer un homme qui lui plaît beaucoup mais que sur le plan personnel, elle est très gênée par ses boulimies qui ont augmenté en fréquence et en quantité.

Je la rassure : c’est très habituel, au début d’une relation amoureuse, de retrouver des dysfonctionnements alimentaires intensifs. Elle me répond que ça n’a rien à voir avec sa relation amoureuse, que ça a commencé quand sa mère a fait une dépression.

Je lui pose des questions sur sa mère et lui demande, entre autres choses, si elle sait ce qui a déclenché la dépression.

« Oui, me dit-elle, elle a commencé à déprimer quand je lui ai dit que j’ai subi des attouchements de la part de mon beau-père ». Elle n’est pas dans l’émotion dans ce moment où elle parle. Elle a beaucoup travaillé là-dessus dans une thérapie qui a duré six ans. En tant que psy, je me laisse guider par l’émotion de mon patient, même non verbale, et je sens pas que les attouchements d’alors sont son problème actuel. J’essaie d’en savoir davantage.
«Quel âge avez vous ?»
«Trente ans ».
«Pourquoi avez-vous parlé de cela à votre mère aujourd’hui ».
« Pour qu’elle soit au courant ».
« Pourquoi avez-vous jugé utile qu’elle soit au courant ?»

«Parce qu’elle est persuadée d’avoir été une mère parfaite et que je voulais mettre les choses au point ». « Pourquoi ? » « Parce que je suis sa fille et c’est normal qu’elle sache. J’en ai marre qu’elle soit convaincue d’avoir été une mère parfaite et de n’avoir pas su voir que j’étais malheureuse« .

Je lui demande d’où elle tient cette idée qu’à trente ans il est légitime de montrer aux parents ses souffrances d’enfant.

Elle me répond : « C’est ma mère quand même ! »

Je lui demande si c’est une raison pour lui faire du mal.

Elle me dit qu’elle ne le fait pas pour faire du mal mais juste pour mettre les choses au point. Je lui demande d’où elle tient l’idée qu’on doive mettre les choses au point avec ses parents quand on a trente ans, qu’ils en ont soixante et qu’ils sont persuadés d’avoir fait du mieux qu’ils ont pu.
« Vous protégez les parents ! Pourquoi toujours protéger les parents ? C’est ce que j’ai fait pendant plein d’années, je me suis « écrasée » et maintenant je trouve normal de m’affirmer ».

« La véritable affirmation de soi est une affirmation sans violence. Elle ne doit pas faire de mal aux autres. S’affirmer quand on est adulte, c’est parfois ne rien dire. Même s’il s’agit de vos parents , je ne trouve pas sain de leur faire savoir que vous souffrez d’une blessure passée qu’ils n’ont pas su voir. Vous avez trente ans, votre mère a fait du mieux qu’elle a su faire et à votre âge, elle ne vous doit plus rien. »

Elle me regarde avec suspicion et me dit que je suis de parti pris. Je lui réponds que l’homme est un animal qui se sert parfois de sa pensée pour pervertir la réalité. Je lui demande si elle imagine un orang-outan de trente ans retourner voir sa mère pour lui reprocher des souffrances de son jeune âge.

Elle me trouve de nouveau très confrontante et me dit dit qu’elle n’a jamais vu un psychothérapeute travailler comme ça et me demande en quoi mes opinions seraient plus valables que les siennes. Je lui réponds que ce ne sont pas mes opinions, ce sont les limites de la vie qui imposent que, pour être heureux, il faut respecter les gens et accepter ce que l’on estime être leurs imperfections. Ce n’est pas du respect quand à trente ans, d’aller voir sa mère pour lui reprocher ce qu’elle n’a pas su voir ou comprendre à une époque où elle a cru faire de son mieux.

Elle me redit que je protège les parents, que je suis de parti pris. Je lui re réponds que, pour vivre sans symptômes et heureux, il faut, entre autres choses, respecter la vie des autres, leurs différences, voire leurs incomplétudes…

Si l’une de nous deux se trompe sur ce point, c’est probablement plutôt elle. En effet, selon la manière dont on gère sa vie, on a des symptômes ou pas. Et la façon de gérer sa vie repose sur les certitudes qu’on a. En ce qui la concerne, si son point de vue était juste elle ne devrait pas avoir de mal-être.

Je me souviens, il y a quelques années, avoir pris un taxi dont le chauffeur parlait avec amour de ses nombreux enfants. Je lui dis que sa tendresse pour ses enfants me touchait. Il me remercia et me dit que sa grande tristesse était l’aîné. Il ne l’avait pas vu depuis des années. Je lui demandai s’il savait pourquoi. Il me dit que c’était depuis que ce dernier avait entrepris une analyse.

La jeune femme dont je parle ici fait une psychothérapie depuis six ans. Elle s’y sent très confortable, « trop peut-être » reconnaît-elle.

C’est vrai que la psychothérapie a pour objet de favoriser l’épanouissement et l’affirmation de soi. Mais ne doit-elle pas également revisiter les valeurs que les gens se sont forgées sur eux-mêmes, sur la vie, sur les autres? C’est en tout cas ce qu’ affirme le psychanalyste François Roustang (vidéo) dans son livre « Le secret de Socrate pour changer la vie ».

Pour cette jeune femme, qui s’est plainte à sa mère des attouchements subis dans son enfance de la part de son beau-père, François Roustang a une réponse imparable, à laquelle, dans son livre « La fin de la plainte », en tant que thérapeute, j’adhère totalement. La voici en vidéo.Cette réponse, qui contribue à construire de l’autonomie et en même temps de la santé mentale, la voici : arrêtons de nous «victimiser», arrêtons de nous plaindre, que ce soit à nos parents ou à nos thérapeutes. La thérapie est faite pour apprendre la vie et non pour se donner les moyens de réaliser ses fantasmes lorsque ceux-ci peuvent faire du mal à l’autre.

En ce qui concerne les personnes qui peuvent être perturbées aujourd’hui par les conséquences d’attouchements vécus autrefois,  nous concevons que ce soit encore très douloureux à vivre dans leur présent d’adulte et parfois insupportable. il existe dans un tel cas des approches spécifiques, appropriées pour chasser les fantômes de son passé. Pour terminer, je dirai que vouloir régler des comptes avec ses parents lorsqu’on est adulte est un moyen de chercher un rapport fusionnel avec eux. Or il existe des façons moins appauvrissantes que la fusion pour partager de l’intimité avec ceux qu’on aime. La thérapie sert à découvrir et expérimenter ces façons.

Catherine Hervais

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