J’ai appris à dire non

J’ai appris à dire « non »…

Nous connaissons tous la chanson de Michel Polnareff : « c’est une poupée qui dit non non non non non non » ou la chanson dans laquelle Brassens vante les charmes

Nous connaissons tous la chanson de Michel Polnareff : « c’est une poupée qui dit non non non non non non » ou la chanson dans laquelle Brassens vante les charmes d’une « jolie fleur dans une peau de vache » ou encore celle de Goldman proposant d’offrir « toutes ses différences » à la femme dont il est amoureux.

Pour être (et surtout rester) séduisante, une personne se doit de préserver son univers. La relation érotique peut-elle exister s’il n’y a pas deux mondes différents ? D’ailleurs on peut observer que les personnes combatives réussissent mieux en amour que les personnes soumises. Elles sont insupportables mais généralement on ne les quitte pas, même si elles plombent l’ambiance au quotidien, au point d’en assombrir aussi leur propre ciel.

Marine en apparence a tout d’une battante.

A choisir, mieux vaut donc être agressif que soumis, le top du top étant, bien entendu de s’affirmer et savoir dire  » non  » (sans agressivité) à chaque fois que le besoin s’en fait sentir. Ne pas être nécessairement d’accord sur tous les sujets (même les plus importants), ne pas essayer de faire systématiquement les choses parce que l’autre les fait ou souhaite qu’on les fasse, ne pas tout se dire, sont semble-t-il, des principes incontournables pour une vie épanouie.

Marine, en apparence, a tout d’une battante. Médecin spécialiste, elle exerce son métier avec passion et sa clientèle l’apprécie beaucoup. En plus elle est belle : des yeux bleus, une peau mate, des cheveux longs savamment décoiffés. Cette très jolie femme de trente cinq ans, habillée plutôt sexy et cultivant en même temps une allure raffinée, fait un peu penser à une héroïne hitchcockienne. Son visage est placide, sa voix est douce. D’ailleurs tout en elle semble doux. La femme parfaite  » sur le papier « .

Il ne lui manquait plus qu’à réussir sa vie sentimentale

Il ne lui manquait plus qu’à réussir sa vie sentimentale et le hasard d’une rencontre allait lui en donner l’occasion. Elle  » tombe  » tout de suite amoureuse. En plus d’être séduisant, l’homme qui lui plaît est riche. Il a très bien réussi professionnellement et vit dans une magnifique propriété en Suisse. Pour lui aussi c’est le coup de foudre. Il quitte sa femme et demande à Marine de partager sa vie. Elle veut un enfant, ils font un enfant. Elle ne veut pas quitter Paris où elle aime travailler, qu’importe, pour le moment, tous deux feront des allers-retours jusqu’à ce qu’il vende son affaire en Suisse pour s’installer à Paris, en attendant de prendre une décision mieux adaptée à eux deux.

Tout commence donc comme un conte de fée, mais le soufflé retombe assez vite.  » Quelque chose n’allait pas, mais je n’arrivais pas à savoir quoi. Assez rapidement il s’est mis à me regarder différemment. On ne se voyait plus qu’en week-end, dans sa propriété suisse où j’allais régulièrement pour qu’il puisse profiter aussi de la présence des enfants de son premier mariage, qui venaient régulièrement lui rendre visite.

« Je devenais de plus en plus transparente »

Le climat était agréable, j’appréciais ses enfants, eux aussi m’appréciaient et tout me semblait très harmonieux, à ceci près que je devenais de plus en plus transparente aux yeux mon amoureux. Je ne voyais pas ce qui n’allait pas. »

C’est au cours d’une psychothérapie de groupe, qu’elle entreprit, dans le but de se débarrasser de ses boulimies, qu’elle commence à comprendre à la fois pourquoi elle a des compulsions alimentaires et en même temps pourquoi elle devient transparente aux yeux de l’homme qu’elle aime. En observant d’autres personnes qui ont du mal à dire non, elle comprend qu’il n’y a pas d’érotisme, ni de salut, sans affirmation de soi.

« Je n’arrivais même pas à voir que je ne m’affirmais pas, que je ne savais pas dire non. Je suis avec quelqu’un qui est très autoritaire et qui prend le terrain quand moi je ne le prends pas. A un moment donné j’ai compris que si je continuais comme ça, il ne m’aimerait plus. Je me sentais sur cette pente là. Depuis quatre ans il était très amoureux de moi et à force de lui dire  » oui  » à tout, il était tout doucement en train de glisser vers un certain désamour ».

Elle allait apprendre à dire « non »

Qu’à cela ne tienne, elle allait apprendre à dire « non ». En thérapie d’abord, lors de jeux de rôles, et dans sa vie de couple, ensuite.

« Apprendre à dire non à l’homme que j’aime était très difficile pour moi, un effort de tous les instants. Moi je suis fusionnelle, je suis toujours trop près…. dès que j’ai des sentiments. Je ne dis jamais « non » aux gens que j’aime. Il n’y a qu’aux gens que je n’aime pas que je peux dire  » non  » facilement. »

Les personnes boulimiques ont en commun cette fragilité émotionnelle, mais certains processus s’inversent parfois selon les unes ou les autres. Marine ne savait pas dire  » non  » à ceux qu’elle aime, alors que d’autres personnes réussissent très bien à dire  » non  » aux personnes qu’elles aiment et, en revanche, elles ne réussissent pas à le dire aux personnes qu’elles n’aiment pas.

La première fois que Marine a réussi à s’affirmer dans sa vie amoureuse, elle s’en souvient très bien:  » Il y avait eu un changement de programme, peu importent les circonstances, Il voulait que je vienne en Suisse à un autre moment que la date sur laquelle nous nous étions entendus et moi j’avais des consultations prévues. On est tout le temps à essayer de se voir et c’est moi qui fais beaucoup les aller-retours parce qu’il a deux enfants, un week-end sur deux. Et puis c’est quelqu’un qui voyage beaucoup, à la fois pour son plaisir et pour son travail.

Elle s’affirma avec douceur

Donc il va tout le temps aux Etats-Unis et entre tout ça, on essaie de se voir. Mais c’est plus ou moins quand même toujours moi qui annule les choses et je devenais excédée de cela. Finalement, il y a un mois et demi, je lui ai dit gentiment, mais fermement : « écoutes, je ne fais plus mon programme en fonction du tien. C’est fini.  » Et puis récemment il m’a redemandé de le faire, parce qu’il n’y avait pas trop d’autre solution. J’en ai parlé à ma psy qui m’a suggéré de lui dire que c’était la dernière fois que je changeais mes programmes, mais que je ne le ferais plus. « 

Généralement, les psychothérapeutes et, cela va sans dire, les psychanalystes, ne donnent pas de conseil mais juste des pistes pour que la personne en thérapie puisse, en s’écoutant parler, s’orienter dans la direction la plus adaptée à sa problématique, ses ressentis intérieurs et les impératifs de la vie. Mais certaines personnes sont tellement peu construites à l’intérieur d’elles-mêmes, qu’elles n’ont pas les éléments pour trouver leur direction. Ou alors il faudrait des années et les choses entre-temps peuvent se dégrader d’une manière irréversible. Dans le cas précis évoqué par Marine, il fallait qu’elle reste ferme, mais pas qu’elle soit  » psycho-rigide « , au risque de perdre toute séduction. Il suffisait donc, comme le recommande Marsha Mc Linehan (« Traitement cognitivo-comportemental du trouble de la personnalité état-limite » éd. Médecine et Hygiène), qu’elle montre sa fermeté en disant que c’est la dernière fois qu’elle annulait ses rendez-vous tout en acceptant, une fois encore de s’adapter aux impératifs de son compagnon.

Petit à petit je lui ai dit tout ce que je n’avais pas envie de faire

 » Et je l’ai fait. Je lui ai dit :  » écoute, je le fais cette fois, mais je n’ai plus envie de faire ça. Il m’a demandé pourquoi je le prenais de manière aussi extrême. Je lui ai répondu simplement que ça fait quatre ans que je le fais et que je n’en n’ai plus envie. »

Et petit à petit j’ai commencé à lui dire tout ce que je n’avais pas envie de faire, quand je n’avais pas envie de le faire. C’est magique. Depuis que je m’affirme, je sens mon mari plus amoureux. Ca marche très bien. J’ai même des retours immédiats. Quand je dis  » non  » lorsque quelque chose ne me convient pas, le coup de fil d’après, il est amoureux.

J’ai eu beaucoup d’histoires dans ma vie, avant lui, et j’ai compris qu’il faut que j’ai le comportement avec lui que j’avais avec des hommes dont je n’étais pas amoureuse. Quand je ne suis pas amoureuse, je suis spontanément comme ça. Pour que ça marche avec lui, je m’oblige à faire comme si je n’étais pas amoureuse de lui.

Catherine Hervais

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