Boulimie.fr : qui nous sommes
Le site boulimie.fr a vu le jour en novembre 2002, né de rencontres entre Jean-Pierre Bernadaux, conseil en communication, Catherine Hervais, psychologue clinicienne et écrivain, et Sydney Gourdet, médecin et psychothérapeute, qui ont formé l'équipe initiatrice du projet de ce site. Sont venues ensuite se joindre les plumes du Dr Charles Gellman, neuropsychiatre écrivain, Serge Ginger, psychothérapeute écrivain, Jeanne Boyaval.
Jean-Pierre Bernadaux, co-fondateur et éditeur-webmestre
Conseil en communication et publiciste, confronté aux crises de boulimie de ma compagne et à mes propres addictions j'ai acquis dès les années 90 une conviction: les croyances déterministes des traitements médicaux consistant à vouloir aider les gens à gérer leur alimentation en la contrôlant n'étaient pas adaptés. Lire la suite...
Catherine Hervais, co-fondatrice et chroniqueuse
Psychologue clinicienne depuis 1983, a été formée à la psychanalyse et aux psychothérapies humanistes, elle pratique une psychothérapie de groupe intensive qui a pour but de libérer ceux qui ont besoin d’une addiction pour vivre. Son expérience personnelle (elle a été boulimique) et professionnelle lui ont montré... Lire la suite...
Sydney Gourdet , co-fondateur, chroniqueur et conseiller médical
Médecin, psychothérapeute, Sydney Gourdet se consacre aujourd'hui entièrement à son activité de formateur et de superviseur. Sa pratique de la médecine associe le corps et le mental et l’a conduit philosophiquement à regarder la pathologie, qu'elle soit somatique, fonctionnelle, psychosomatique, psychologique, comme une pathologie du contact et de la communication. Lire la suite...
Il y a une vingtaine d’années naissait le site boulimie.fr.
Au moment de sa création, le monde médical s’employait alors à faire disparaître le symptôme boulimie-anorexie en aidant les gens à manger sainement. L’objectif des médecins était d’aider les gens à contrôler alimentation normale afin qu’ils retrouvent un équilibre alimentaire. Dans les premiers temps du traitement, les médecins parvenaient à réduire les prises ou perte de poids, et, ce faisant, s’attendaient à voir également disparaître les troubles psychologiques qu’ils attribuaient au trouble du comportement alimentaire : honte, dépression, difficultés relationnelle.
« Contrôler l’alimentation ne résout pas l’obsession de la nourriture
Voilà comment se comprenait et se traitait la boulimie anorexie (et possiblement aussi les autres addictions) et comment elle est encore comprise dans le monde médical. C’est pourquoi e boulimie.fr a été créé pour proposer un regard différent. Comprendre différemment un problème c’est aussi l’aborder différemment en thérapie.
Nous avons créé ce site pour proposer un éclairage psychologique sur les causes de l’addiction alimentaire, afin que les personnes concernées par ce problème voient au-delà de la compréhension médicale. La médecine et la psychiatrie ont une bonne maîtrise pour soigner les symptômes issus de la boulimie-anorexie (lorsqu’ils apparaissent), mais la psychologie, et en particulier la psychanalyse1, qui ne réduisent pas l’individu à ses symptômes, sont mieux adaptées pour comprendre le problème de fond.
En effet, depuis toujours les thérapies des services médicaux spécialisés, consistent à imposer trois repas réguliers par jour, que ce soit en hospitalisation ou en externe, comme si une meilleure alimentation pouvait résoudre tous les problèmes, somatiques et psychologiques.
Dans certaines institutions, un psychiatre intervient quelques minutes par jour ou une demi-heure pas semaine pour « faire le point ». Les résultats immédiats leur donnaient raison : lorsque le poids se stabilisait, le moral s’éclaircissait et la confiance en soi remontait.
Mais le poids ne se stabilise pas éternellement. En effet l’obsession de la nourriture persiste et les pulsions reprennent leur pouvoir, se faisant de plus en plus tyranniques, au point que la boulimie anorexie reprend comme avant. Pour certaines personnes, après une hospitalisation, les crises sont un peu moins fréquentes mais tout aussi intenses, suffisamment pour « prendre la tête » du matin au soir, avec un sentiment d’échec et de dévalorisation redoublé.
Avec le temps, les institutions médicales, démunies face au désarroi des ados et des personnes qui rechutent, ont choisi de devenir multidisciplinaires mais tout en gardant la même philosophie, soigner les symptômes : nutrition pour revenir à un poids viable, méditation, groupes de parole, ateliers artistiques, pour augmenter l’estime de soi.
Ainsi on tente d’entraîner les gens à manger normalement et on les aide à augmenter leur estime de soi. Mais on ne se donne pas tous les moyens pour questionner le problème de l’identité, d’être soi.
On ne peut pas acquérir de l’estime de soi quand on n’a pas de soi
Or comment acquérir de l’estime de soi ou l’augmenter, si le problème vient d’une impossibilité à être soi ? Si d’apparence de nombreuses personnes boulimiques anorexiques ou hyperphagiques semblent parfois avoir un soi bien affirmé, est-ce leur vrai soi ? Même si les années pré-adolescentes se sont très bien passées, même si les résultats scolaires étaient très bons, même lorsque l’on a le sentiment d’avoir baigné dans une famille heureuse et de s’y être senti très bien (ce qui est souvent le cas), cela signifie-t-il que l’on a réellement construit SON identité à soi ?
Pas vraiment selon les psychanalystes qui se sont penchés sur les troubles développementaux de la petite enfance qui empêchent d’accéder au sentiment de soi et à une « sexualité » plus mature, que Freud et plus tard Lacan décriront dans les troubles névrotiques.
Ceux qui souffrent d’une addiction ne sont peut-être pas des névrosés comme la majorité des gens, c’est-à-dire des gens qui ont des conflits avec eux-mêmes mais qui malgré tout sont eux-mêmes. Ils n’ont peut-être qu’une identité d’emprunt, une identité d’emprunt construite à coup d’intelligence et de créativité pour tenir la route dans un monde où il est nécessaire de se faire une place parmi les autres. Mais au final peut-être sont-ils quelqu’un qui, sans s’en rendre compte, n’est pas soi-même, avec un sentiment de vide et de décalage qui oblige à s’appuyer sur une addiction quand l’angoisse se fait sentir ?
Pourquoi la nourriture et pas la drogue ?
Pourquoi préférentiellement la nourriture et pas l’alcool ou la drogue, bien que certains en prennent également pour prolonger et intensifier leur apaisement ? Peut-être parce que ces personnes s’emparent de l’addiction la plus primitive qui soit, celle qui correspond le mieux à leur personnalité affectivement immature. Ce sont des adultes à l’apparence souvent totalement accomplie, qui ont une vie émotionnelle de tout petit enfant : au fond d’eux-mêmes, parfois sans le montrer, tels les bébés qui passent du rire au drame en l’espace d’un instant, ils se sentent vides, avides de reconnaissance et de nourriture affective qu’ils attendent massivement de l’autre. Immanquablement frustrés, certains préfèrent s’isoler, d’autres tentent de s’accrocher désespérément à toute personne qui leur donnera la sensation de se sentir à peu près un humain, comme les autres humains qui ont leurs propres soucis identitaires mais qui, malgré tout, n’ont pas de doutes sur leur existence propre.
Les psychanalystes Jean-Louis Pedinielli et Agnès Bonnet, dans un article qu’ils ont intitulé « Apport de la psychanalyse à la question de l'Addiction »2 ont développé un point de vue intéressant. Selon eux, La pratique analytique ne peut réduire le sujet à son addiction. Elle doit se consacrer à soutenir le sujet dans la désaliénation de son identité d’emprunt.
Et c’est également ce qui m’est apparu au cours de mon propre parcours thérapeutique. J’ai moi-même été boulimique anorexique, j’ai fait une psychanalyse et diverses autres thérapies, des études de philosophie3, de psychologie. Mais c’est au cours de mes études de sociologie clinique, qui proposait des ateliers de groupes non directifs, que je me suis enfin affirmée sans fard, mieux que je ne l’avais auparavant fait dans mes psychothérapies individuelles. Mon authenticité, ce que me disaient de moi, et sur eux, les participants du groupe, m’ont permis de découvrir de moi et des autres des aspects que je ne connaissais pas auparavant. Il fallait la confrontation aux autres pour que la vie me montre des facettes de moi-même et des autres que j’ignorais, et sur lesquelles, en groupe, nous pouvions travailler sous la forme d’échanges et de jeux de rôle. Contrairement à l’approche l’individuelle, on ne repart pas avec des questions. On met tout à plat et on le travaille, émotionnellement et relationnellement. A l’issue de ce travail, mon obsession de la nourriture avait complètement disparu et mes boulimies étaient devenues moins intenses, pour disparaître elles aussi, peu à peu,d définitivement.
Quand j’ai parlé de faire un site sur cette nouvelle façon de comprendre la boulimie anorexie, Jean-Pierre Bernadaux, philosophe et web designer l’a entendue. D’autant que cette compréhension se vérifiait dans les groupes que j’avais créées pour les personnes boulimiques-anorexiques et boulimiques-hyperphagiques. Les participants qui jouaient à fond le jeu de l’authenticité en groupe voyaient eux aussi rapidement leur obsession de la nourriture disparaître. Ce qui ne leur était encore jamais arrivé dans leurs thérapies individuelles précédentes.
Jean Pierre Bernadaux a apporté toute sa science de la communication, son sens de l’organisation, pour donner corps à ce message qui était très proche de sa philosophie nietzschéenne et lacanienne : on souffre de ne pas être assez soi-même ou, comme le disait Lacan, de céder sur son désir.
Notre petite équipe comprenait un autre membre, le médecin psychothérapeute et formateur Sydney Gourdet qui, bien que somaticien d’origine, partageait notre philosophie sur l’addiction. Sydney et moi échangons sur les articles pour les mettre mieux en forme. Ainsi, tous les mois boulimie.fr affiche un nouvel article, un livre de psychologie, la vidéo d’un psy ou d’un philosophe en rapport avec la philosophie du site. Vous trouverez plusieurs thèmes et dans chaque thème une foule d’articles. Il y a aussi une rubrique « conseils pour aller mieux », une rubrique pour les proches, une rubrique vidéo dans laquelle vous pourrez voir un film documentaire très touchant de personnes qui s’en sont sorties mais restent bouleversées par ce qu’elles ont vécu. Elles en parlent avec une grande justesse. Prenez vos mouchoirs.
Jean-Pierre Bernadaux ne sera définitivement plus à nos côtés pour continuer Boulimie.fr, et je ne sais pas si sans lui le site pourra continuer. Il en était le moteur, l’administrateur. Il tapait du pied quand un article n’était pas prêt à temps. Quand j’écrivais, il n’hésitait pas à me renvoyer ma copie lorsque le texte ne lui semblait pas intéressant.
Rédactrice des articles, je n’ai plus ma source d’énergie principale. Je vais essayer de les continuer, mais je compte un peu sur vous aussi pour m’encourager. Vos commentaires sur le contenu me seraient très utiles, ainsi que le partage de vos expériences de thérapies (sans nommer les thérapeutes ni lieux, juste la description de leurs effets avec un recul d’au moins 18 mois), vos difficultés émotionnelles et/ou relationnelles, mais sans plainte et sans victimisation. Cela me montrera que ce que nous écrivons vous intéresse.
Nous n’avons pas le temps d’administrer un forum, mais vous avez la possibilité d’écrire vos commentaires en bas de chaque article. Nous supprimerons par contre les messages de ceux qui se plaignent de leur boulimie anorexie sans comprendre qu’il y a un travail sur soi à faire pour la combattre.
Je vous invite à lire les nombreux articles écrits, parfois par d’autres que moi classés par thème.
Si la boulimie anorexie peut rendre malade, elle n’est que le symptôme d’un malentendu. Les personnes boulimiques anorexiques ou boulimiques hyperphagiques ne sont tout simplement pas celles qu’elles pensent être. Elles souffrent de ne pas se sentir exister, et pour ne plus souffrir, pour ne plus avoir besoin d’apaiser avec une ou plusieurs addictions leur sentiment de non-être, elles ont tout simplement besoin de découvrir qui elles sont, et non de chercher intellectuellement dans leur passé quelles sont les raisons qui les font souffrir aujourd’hui.
Nous avons perdu Jean Pierre des suites d’une longue maladie. Pour que boulimie.fr puisse continuer et servir, nous avons besoin de vous. Vos commentaires, vos difficultés relationnelles nous inspireront pour de nouveaux articles qui, possiblement, vous aideront à avancer dans le chemin qui vous mènera à vous-même.
Chaleureusement et peut-être à bientôt.
1 en particulier la psychanalyse qui se penche sur les troubles du développement
2 Psychotropes 2008/3-4 (Vol. 14), pages 41 à 54
3 au cours desquelles j’ai suivi pendant deux ans un séminaire sur l’œuvre de Freud avec un professeur universitaire lacanien, Pierre Kaufmann