Un psychiatre humaniste sur la sellette

Un psychiatre humaniste sur la sellette

Une blouse blanche impressionne. Portée par un psychiatre elle impressionne encore plus.

Une blouse blanche impressionne. Portée par un psychiatre elle impressionne encore plus. Que dire alors si ce psychiatre est dans la neutralité et l’écoute muette, traditionnelle? Depuis quelques dizaines d’années, une nouvelle façon de pratiquer la psychiatrie perce progressivement.

Le psychiatre travaille à devenir une personne face à une autre personne. Il reste technicien, certes, mais n’hésite plus à être présent dans la relation.{xtypo_quote_right}Je ne suis pas responsable de ce que je suis, mais je suis responsable de ce que je fais de ce que je suis (Sartre){/xtypo_quote_right}Ecoutons ce que dit de lui un homme appartenant à ce courant de psychiatres humanistes et qui a accepté de parler de lui pour boulimie.fr

Carrière rectiligne

Carrière rectiligne: ma mère me présentait déjà comme son médecin à ses copines quand j’avais 6 ans. Elle considérait ce métier comme le meilleur ascenseur social possible, une façon de s’intégrer dans la société. Il faut noter que mes parents étaient des émigrés lituaniens et que nous avions peu de moyens.

Sans réseau relationnel, qui m’aurait peut-être conduit à choisir une spécialité médicale plus recherchée par mes collègues de l’époque, mon orientation vers la psychiatrie m’a paru naturelle. Je me souviens aussi d’une conversation avec Claude Olivenstein qui est devenu depuis un grand expert en toxicomanie. Nous étions en 5è année de médecine à l’Institut Médico-Légal, quai de la Râpée, et le cadavre qui devait faire l’objet du cours d’autopsie n’arrivait pas à décongeler. Dans la conversation qui eu lieu lors de cette longue attente, Olivenstein me dit qu’il fallait s’orienter vers la psychiatrie « une spécialité d’avenir », ce dont j’étais aussi convaincu depuis ma lecture de « Psychopathologie de la vie quotidienne » de Sigmund Freud.Propulsé comme Interne dans un hôpital psychiatrique à 24 ans, je me retrouve très vite seul face à l’encadrement de 650 patients, face aux urgences de tous les jours, aux internements d’office, et face à une centaine de membres du personnel à gérer. J’ai assuré. Un an après ce démarrage en trombe je présente le concours d’internat des hôpitaux psychiatriques de la Seine que j’obtiens après 3 tentatives. Suivent 4 années d’internat avec entre temps la guerre d’Algérie. Cette période d’environ 10 ans marque la première phase de ma carrière et elle m’apporte une très forte expérience de terrain.

Les hôpitaux « garderie »

Un chef de service hospitalier me propose de participer à la création d’un centre pour les autistes, expérience que je vis très mal. A cette époque, on ne savait pas faire grand chose pour eux et je vis comme un drame la mort, dans une flaque d’eau de quelques centimètres de profondeur, d’une petite fille de 9 ans. J’avais fait médecine pour améliorer mes patients. Cette situation m’a été intolérable. Elle m’a fait voir l’impuissance de la psychiatrie de l’époque avec des hôpitaux « garderie » dans lesquels moins de 10% des patients étaient de vrais malades mentaux, les autres étant des cas sociaux rejetés par leur environnement familial ou social. C’est à ce moment que je décide de renoncer à la carrière hospitalière et à ses facilités. Je m’installe donc en libéral et je débute une psychanalyse personnelle qui durera 9 ans, à raison de quatre séances hebdomadaires avec le Dr Jean Alphonse Favreau.

Plus tard, la pratique psychanalytique m’a déçu. J’ai eu quelques patients en analyse mais je n’avais pas l’impression de répondre aux besoins de mes analysants. D’ailleurs l’expérience m’a montré qu’il n’y avait pas un patient sur cent prêt à se lancer dans un travail de ce genre. Par contre, j’utilise toujours dans ma pratique les fondements théoriques apportés par Freud.

En 1968 j’étais en train de fonder ma famille, et ma préoccupation a été la naissance de mon fils. Je suis passé complètement à côté des événements. Je ne comprenais d’ailleurs pas ce que les manifestants revendiquaient. Mon expérience personnelle m’avait montré qu’on pouvait réussir ce que l’on souhaite en se mobilisant. A cette époque d’ailleurs, Jean Paul Sartre mettait en avant la liberté de la personne. Avec la Gestalt j’allais retrouver cette philosophie. Selon la gestalt-thérapie, quelles que soient ses souffrances et ses frustrations passées, une personne peut cesser de souffrir. Elle peut se débarrasser de ses symptômes en sortant des scénarios pathologiques qu’elle a laissé s’inscrire en elle depuis son plus jeune âge, particulièrement en devenant l’auteur de sa vie.

En 1974 création de la Société Française de Sexologie Clinique

A la fin des années soixante est publié le livre de Masters et Johnson sur la sexologie : « Les réactions sexuelles », suivi de  » Les mésententes sexuelles « . J’ai une sorte de révélation et je décide d’en faire ma spécialité au grand étonnement de mon chef de service, qui ne comprend pas que j’abandonne une carrière hospitalière prometteuse. En 1970 je suis interviewé par la revue « Parents » et rapidement les demandes affluent. En 1974, je participe à la création de la Société Française de Sexologie Clinique. J’en serai le président pendant 22 ans, jusqu’en 1996.

En 1989 mon épouse décède brutalement à 46 ans. Je me retrouve seul avec 2 adolescents et ma clientèle. Dans la période de deuil j’ai voulu reprendre une psychothérapie mais en évitant la psychanalyse. J’ai entrepris une psychothérapie jungienne en face à face qui a été faiblement soutenante. Ma thérapeute adressait ses commentaires à son chat « Qu’en penses-tu Homère? » Homère n’avait jamais d’idée suite à cette question sans doute trop générale.

Toujours en veille sur les nouvelles approches, je découvre par hasard un groupe de gestalt thérapie organisé par Anne et Serge Ginger*. Et là c’est une révélation : enfin une thérapie active, animée, sensorielle, centrée sur le présent, l’avenir et la recherche de solutions ! Je pense aussi que j’ai eu la chance de rencontrer les Ginger* dont les qualités de psychothérapeutes, l’investissement affectif et les qualités de cœur sont exceptionnels.

Découverte de la Gestalt thérapie

« Qu’es-tu en train de faire maintenant ? », « que ressens-tu en ce moment  » Qu’es-tu en train d’éviter? « Que veux-tu, qu’attends-tu de moi ? ». Voilà les questions que Fritz Perls le créateur de la Gestalt-thérapie aimait poser à ses clients. Pas facile, dans un groupe de gestalt-thérapie de répondre à ce genre de questions, surtout quand une dizaine de participants vous écoute, et prend la parole pour réagir lorsque vous avez terminé de parler.

Pendant les années suivantes j’ai suivi une psychothérapie dans un groupe continu de Gestalt. Cette thérapie a duré 18 mois, m’a reconstruit et j’en garde les meilleurs souvenirs. J’ai ensuite entrepris une formation de psychothérapeute gestaltiste, puis une formation de superviseur. C’est à cette époque que notre groupe de Gestalt a du créer une structure indépendante. Nous avons créé l’  » École Parisienne de Gestalt « . Serge Ginger m’a dit « c’est toi qui a le plus de diplômes, tu seras le président », ce que je suis encore à ce jour. En quatre ans je passe donc de client de la Gestalt à Président de l’association. La gestalt a changé ma vie. Elle est maintenant intégrée à mon existence, aussi bien personnelle que professionnelle.
Sur ce dernier plan, aujourd’hui, j’anime un groupe continu de Gestalt dans mon cabinet de psychiatre et sexologue et un groupe résidentiel en Ardèche, pendant l’été, avec l’association « Existence ». Je vais également ouvrir une formation à la psychothérapie humaniste avec l’équipe de Catherine Hervais.

Avant ma rencontre avec la Gestalt, ma pratique était une addition de méthodes : de la sexologie, des entretiens analytiques, un peu de comportemental, des exercices bioénergétiques. Cette pratique était une association éclectique de méthodes. Mon passé analytique apporte un éclairage fort sur les pulsions infantiles encore actuelles : comment ont été vécues les pulsions prégénitales, orales, anales, et vient doper ma pratique gestaltiste, me permettant de me sentir plus cohérent, plus intégratif. En Gestalt, le patient fait des mises en situation à partir de ce qu’il raconte et s’exprime sur ce qu’il vient de faire. La philosophie fondatrice de cette approche apporte beaucoup à la sexologie. Se prendre en main, traiter le présent, ici et maintenant, faire un travail sur les ressentis est primordial en sexologie. Si on ne s’intéresse pas à ses propres sensations, on ne comprend rien aux autres.

Rien ne vaut la vie

Aujourd’hui mon moteur, c’est vivre le plus longtemps possible. Rien ne vaut la vie… Écrire, transmettre… Le monde est fou par nature ou plutôt absurde comme le pensait Sartre. A mon niveau je répare la folie de mes clients. Je me sens bien à cette place et j’ai du plaisir à faire ce travail. Ma mère voulait que je sois médecin, c’est mon empreinte originelle. J’essaie de travailler comme un vrai médecin et je me sens en accord avec cela. J’aide et j’accompagne les participants à se centrer sur l’ici et maintenant », sur le contact en situation, sur le ressenti. Ils peuvent ainsi chercher des solutions à leurs besoins. Ça gamberge, ça remet en question, ça pleure parfois, c’est épuisant mais salvateur.

L’an prochain, je vais avoir 50 ans d’activité médicale. Je connais beaucoup de choses en médecine, psychologie, sexologie, psychanalyse et j’aime transmettre ces connaissances.

{xtypo_alert}(1) Charles Gellman est formateur de psychothérapeutes et auteur de nombreux ouvrages dont:
Comprendre sa dépression,
éd. Le Hameau, 1976 et est co-auteur avec Chantal Higy-Lang de: Suis-je normal, docteur ? éd. d’Organisation, 2004
L’art du contact éd. d’Organisation, 2003 Le coatching éd. d’Organisation, 2002{/xtypo_alert}

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